Sommaire
Présentation de la méthode d'analyse
Les étapes pour apprécier les conditions dans lesquelles une association exerce une activité économique
La méthode d’analyse issue de l’instruction fiscale du 15 septembre 1998, confirmée par l’instruction du 18 décembre 2006 et publiée au BOFiP (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10 et suivants).
Sans en avoir toujours conscience, votre association peut exercer une véritable activité économique : vendre des tee-shirts au nom d’un club, servir des boissons aux membres, organiser un bal, des cours de musique... sont des activités économiques dès lors qu’il y a échange de biens ou de services à titre onéreux. L’association est alors soumise à des obligations juridiques et fiscales.
L’exercice d’une activité économique habituelle doit être prévu par les statuts de l’association.
À défaut, l’association se verrait reprocher des pratiques para-commerciales et encourrait des sanctions civiles (versement de dommages et intérêts), pénales (une amende de 1 500 € portée à 3 000 € en cas de récidive) et administratives (suppression des subventions).
L’association peut être assujettie aux mêmes impôts qu’une société commerciale
En principe, une association est exonérée des impôts auxquels sont soumises les sociétés commerciales (TVA, impôt sur les sociétés, contribution économique territoriale - CET, ancienne taxe professionnelle). Elle peut néanmoins être assujettie à ces impositions si elle exerce son activité économique dans les mêmes conditions qu’une société commerciale.
Les 3 étapes de l’analyse
Pour apprécier les conditions dans lesquelles une association exerce une activité économique et peut prétendre à une exonération fiscale, l’administration fiscale procède à une analyse en trois étapes :
Étape 1 : la gestion de l’organisation est-elle désintéressée ? | |||||
Non : Il est imposable aux impôts commerciaux | Oui : Passer à l'étape 2 | ||||
Étape 2 : l’organisme concurrence-t-il une entreprise ? | |||||
Non : Il est exonéré | Oui : Passer à l'étape 3 | ||||
Étape 3 : l’organisme exerce-t-il son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise par le « produit » qu’il propose, le « public » qui est visé, les « prix » qu’il pratique et la « publicité » qu’il fait (règle des 4P) ? | |||||
Non : Il est exonéré | Oui : Il est imposable |
La règle des « 4 P » | |||
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Produit | Public | Prix | Publicité |
couvre-t-il un besoin insuffisamment pris en compte sur le marché ? | est-t-il spécifique ? | sont-ils adaptés en fonction du public ? | simple information ou démarche commerciale ? |
Étape 1 : Gestion bénévole
Le 1er critère d’exonération des impôts commerciaux : une gestion strictement bénévole et désintéressée.
C’est la condition première, fondamentale, bien qu’insuffisante.
Principe : des dirigeants bénévoles
Les dirigeants de l’association (membres du conseil d’administration et du bureau) doivent être strictement bénévoles et ne doivent percevoir aucun intérêt quel qu’il soit, direct ou indirect, dans les résultats de l’exploitation. L’administration fiscale tient compte également des avantages perçus par le biais d’une filiale de l’association ou par personne interposée. Ainsi, le seul fait, en principe, de cumuler un emploi salarié au sein de l’association et un mandat d’administrateur pourrait suffire à remettre en cause cette condition.
Exemple
Ne présente pas un caractère désintéressé la gestion d’une association qui conseille des particuliers ou des entrepreneurs individuels dans les litiges avec les administrations et dans des procédures devant les tribunaux, et qui constitue par ailleurs le prolongement d’une société dont le gérant est également le président de l’association qui exerce, outre une activité principale de commercialisation de produits phytopharmaceutique, une activité de prestation d’assistance et de conseil juridique et administratif.
CAA Lyon, 12 janvier 2023, n° 21LY02949
Ne présente pas un caractère désintéressé la gestion d’une association de promotion de danse swing dont le président bénévole, également professeur de danse, facture ses prestations à l’association et bénéficie de la part de l’association d’une promotion, notamment en ligne, de son entreprise individuelle, de sa renommée de danseur et de ses tarifs, aboutissant à développer sa clientèle et caractérisant une communauté intérêts.
CE, 7 décembre 2016, n° 389299
Une association ayant pour objet la restauration et la mise en valeur d'une abbaye, et qui organise à cette fin des visites, concerts, festivals, n'a pas une gestion bénévole et désintéressée dans la mesure où elle verse à l'un de ses dirigeants une rémunération annuelle d'environ 30 000 €. Peu importe que les sommes soient la rémunération de l'activité déployée par l'intéressé, seul permanent de l'association et responsable de l'organisation et de l'animation culturelle, et que les autres membres fondateurs aient reversé à l'association des sommes d'un montant supérieur.
De même, une association de recherche contre les maladies graves qui verse à son Président une rémunération régulière, l'intéressé disposant en outre d'avantages en nature (mise à disposition d'un studio dans les bureaux de l'association) n'a pas une gestion désintéressée et doit être assujettie aux impôts commerciaux.
De la même manière, une association exploitant un centre équestre dont le Président était également le gérant de la SCI propriétaire des locaux loués à l’association, dont il détenait 88 % des parts, n'a pas une gestion désintéressée. L’association lui avait également accordé des prêts personnels pour des montants significatifs.
Une association ayant pour objet d’assurer la promotion des œuvres de son président n’a pas une gestion désintéressée. En l’espèce, un artiste-peintre avait créé une association, dont il était président, pour promouvoir l'ensemble de son œuvre en éditant un catalogue et en organisant des expositions. A cet effet, il a cédé ses droits d'auteur à l'association moyennant le versement de 59 830 euros par an et l’encaissement d’une fraction des éventuelles ventes de catalogues et de produits associés.
Une association composée des membres d’une même famille, ayant pour objet social de recueillir des fonds pour soutenir des associations caritatives, mais qui organisait en réalité de très nombreuses séances de lotos à destination d’un large public, ne reversant aux associations caritatives qu’un très faible pourcentage alors que les dirigeants s’appropriaient les recettes générées, exploite des loteries illicites et n’a pas une gestion bénévole et désintéressée.
CAA Marseille, 1er décembre 2016, n° 15MA00812
Une association ayant pour objet la pratique et l’enseignement de la musique, ainsi que la promotion de ces activités par toute manifestation publique, a été assujettie aux impôts commerciaux en raison de la communauté d’intérêts existant entre l’association et ses dirigeants et l’activité commerciale de vente et location d’instruments de musique, exploitée par ces derniers. L’école de musique était située dans des locaux contigus au magasin de musique des dirigeants et on n’y accédait qu’en traversant le magasin. L’école figurait sur la devanture du magasin et sur son site internet. Les cours y étaient présentés comme une activité du magasin. La vente ou la location d’instruments de musique apparaissent donc complémentaires à celle d’enseignement et de diffusion de l’association. Quant aux concerts, ils se déroulaient dans une salle appartenant également aux propriétaires de la boutique
TA Grenoble 7 juillet 2022, n° 2001946
Assouplissement : la « tolérance » des ¾ du SMIC
Toutefois, une « tolérance fiscale » a tempéré ce principe en admettant qu'un dirigeant de droit ou de fait puisse recevoir une rémunération brute mensuelle ou des avantages en nature dont le montant total n'excède pas les ¾ du SMIC, soit 1 325,19 € brut mensuel au 1er janvier 2024 (SMIC brut mensuel au 1er janvier 2024 : 1 766,92 €).
Cette tolérance ne concerne que l’association en préservant son régime d’exonération des impôts commerciaux : elle est sans incidence sur le régime fiscal et, le cas échéant, social des sommes encaissées par le dirigeant.
En aparté
À la suite d’un contrôle, l’Urssaf a voulu assujettir au régime général de sécurité sociale les indemnités versées au président d’une association dans la limite des ¾ du SMIC, par analogie avec le régime applicable aux dirigeants rémunérés dans le cadre légal prévu à l’article 261-7-1°,d du CGI dans la limite de 3 fois le plafond de la sécurité sociale.
Cet amalgame a été censuré par la Cour de cassation, qui estime que l’affiliation au régime général de sécurité sociale ne s’impose pas de plein droit, mais qu’il appartient à l’Urssaf de démontrer que les conditions d’assujettissement sont effectivement réunies (versement d’une rémunération et existence d’un lien de subordination juridique).
Cass. 2e 9-7-2020 n° 19-14.924 F-D
L’Urssaf et la Cour d’appel de renvoi suite à l’arrêt de la cour de cassation précité ont résiste à cette jurisprudence.
CA Bordeaux, 10 juin 2021, n° 20/03680
Retour devant la Cour de cassation qui censure l’arrêt de la Cour d’appel de renvoi qui n’a pas vérifié si le montant annuel des ressources de l’association dépassait, en moyenne sur les trois exercices clos précédent, le seuil au-delà duquel l’affiliation au régime général de sécurité sociale est obligatoire.
Cass, 2e, 11-05-2023, n° 21-20.902
Suite mais pas encore fin, l’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Toulouse ; à suivre...
Pour l’appréciation de ce plafond, est pris en compte l’ensemble des rémunérations versées à un dirigeant, que ce soit au titre de son mandat ou pour une activité professionnelle rémunérée exercée au sein de l’association, la valeur des avantages en nature, primes diverses, remboursements de frais non justifiés. Mais sont exclus de ce seuil les remboursements de frais, à l’euro près, sur justificatifs qui ne sont pas considérés comme des avantages. Ce seuil est considéré par année et par dirigeant. Cette limite n’est pas applicable aux représentants des salariés siégeant au conseil d’administration en application des statuts ou d’un accord de représentation (voir ci-dessous).
Mais cette tolérance n’exclut pas, selon la Cour administrative d’appel de Paris, que l’association justifie que les versements alloués aux administrateurs soient la contrepartie de sujétions qui leur auraient été effectivement imposées dans l’exercice de leurs mandats.
CAA Paris, 30 décembre 2016, n° 15PA00187
Il s’agit pour l’instant d’une décision isolée.
La possibilité offerte par la loi de rémunérer « certains dirigeants » pour leur mandat
Par ailleurs, la loi de finances pour 2002 (art. 261,7-1° d du CGI) admet la possibilité de rémunérer certains dirigeants d’association mais sous réserve du respect de conditions très strictes développées par le décret n° 2004-76 du 20 janvier 2004.
Bon à savoir
Des conditions strictes
Ainsi la rémunération des administrateurs d'une association est possible lorsque l'association décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération. Le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent :
- sa transparence financière,
- l'élection régulière et périodique de ses dirigeants,
- l’obligation de désigner un commissaire aux comptes,
- le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants.
Peu d’associations concernées
Seules les associations d'une certaine importance et justifiant d'un autofinancement suffisant sont concernées, à savoir celles qui ont des ressources propres supérieures à 200 000 €. Entre 200 000 et 500 000 € : un seul dirigeant peut être rémunéré, entre 500 000 et 1 000 000 € : deux dirigeants, au-delà trois.
Ces seuils visent les ressources acquises au cours d'un exercice à l'exclusion des subventions publiques : subventions de l'Etat, d'un établissement public ou d'une collectivité locale, ainsi que les versements ayant la nature d'un prix en contrepartie d'un service rendu par l'association à une personne morale de droit public.
Toutefois, pour l’application de ces seuils, la condition de provenance des ressources n’est pas applicable aux associations de jeunesse et d'éducation populaire ayant fait l'objet d'un agrément par le ministre chargé de la jeunesse, si l’association est dirigée par des membres dont la moyenne d'âge est inférieure à 30 ans et qui décident de rémunérer, dans la limite du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, pour une durée maximale de 3 ans, renouvelable une fois, leurs dirigeants âgés de moins de 30 ans à la date de leur élection.
Article 261, 7. 1° d. du Code général des impôts
En toute hypothèse, le montant de la rémunération (qui doit être adapté au niveau de qualification et aux sujétions effectivement supportées par les dirigeants) est plafonné à 3 fois le plafond de la Sécurité Sociale soit à 11 592 € brut mensuel pour l’année 2024 (montant du plafond de la sécurité sociale en 2024 : 3 864 € par mois).
Ces rémunérations sont imposées comme des salaires ; elles relèvent légalement du régime général de la Sécurité Sociale.
Ces dispositions, compte tenu des obligations de transparence qu’impose la loi, ne sauraient s’appliquer à un dirigeant de fait de l’association. Par ailleurs, une association qui choisit de rémunérer certains de ses dirigeants dans ce cadre légal ne peut bénéficier de la tolérance des ¾ du SMIC pour les autres administrateurs. Ces deux régimes ne sont pas cumulatifs.
Pas plus d’¼ de salariés siégeant au CA
Enfin, il est admis que les salariés puissent participer au conseil d’administration avec une voix délibérative dès lors qu’ils ne représentent pas plus du quart des membres du conseil et à condition qu’ils y figurent en qualité de représentants élus des salariés dans le cadre d’un accord concernant la représentation du personnel. Mais ils ne doivent pas exercer les fonctions de membres du bureau.
Étape 2 : La Concurrence
2ème critère d’exonération des impôts commerciaux : l'association concurrence-t-elle une entreprise ?
La situation de l’association s’apprécie par rapport à des établissements ou des organismes lucratifs fiscalisés exerçant la même activité, dans le même secteur.
L’appréciation de la concurrence ne s’effectue donc pas en fonction de catégories générales d’activités (spectacles, tourisme, activités sportives...) mais à l’intérieur de ces catégories. C’est à un niveau fin que l’identité d’activités doit être appréciée.
BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20, n° 530
Pour autant, selon la Cour administrative d’appel de Lyon, pour qualifier une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur, les activités proposées par une association doivent être considérées dans leur ensemble dès lors qu’elles appartiennent à une même gamme de services. Et non pas prises isolément. Ainsi une association avait pour objet l’initiation, la découverte et le perfectionnement des sports de plein air auprès de centres de vacances, d’écoles, de centres de formation ainsi qu’auprès de tout public, proposait des animations naturalistes et des prestations sportives de type spéléologie, vélo tout terrain, escalade, randonnée pédestre… La cour administrative d’appel de Lyon a considéré que l’ activité de randonnée pédestre dans un objectif de découverte de la faune et de la flore, prise isolément et qui n’était pas proposée par les autres entreprises du secteur, ne saurait à elle seule justifier que l’association, qui exerce d’autres activités, ne soit pas dans une situation de concurrence pour ses activités sportives qui étaient également proposées par des ,entreprises concurrentes. L’ensemble relevait de la même gamme de services. Par suite, l’association n’est pas fondée à soutenir que les services rendus ne sont pas offerts en concurrence avec ceux proposés par des entreprises commerciales exerçant une activité identique sur le même secteur géographique.
CAA Lyon 12-1-2023 n° 21LY02675
En définitive, la question qu’il convient de se poser est de savoir si le public peut indifféremment s’adresser à une structure lucrative ou non lucrative, ce qui s’apprécie en fonction de la situation géographique de l’association. Il s’agit de la zone d’attraction commerciale, qui tient compte également de la spécificité de l’activité, de la typologie du secteur (urbain, rural, etc.) et du public. Cette zone d’attraction commerciale peut être plus ou moins vaste selon la nature de l’activité, allant du quartier ou d’une commune (pour une crèche par exemple) jusqu’au niveau national (pour des centres de vacances ou les séjours linguistiques, par exemple).
Dans un cas récent qui concernait une association organisatrice de soirées dansantes, tea-parties et stages de danse, dans un secteur très rural situé à une vingtaine de kilomètres de Caen et où l’offre dédiée au 3ème âge n’existe pas, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que : « eu égard à l’âge du public concerné, ces distances importantes suffisent à établir que les services rendus par la requérante n’étaient pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d’attraction que ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique pour les années en litige ».
CAA Nantes 3 mars 2023, n° 21NT01869
Enfin, une situation de monopole ne traduit pas nécessairement l’absence de concurrence au sens fiscal. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé qu’une association qui propose des stages de rééducation contre le bégaiement et s’adresse donc à des personnes atteintes de ce handicap et qui a mis en place une méthode unique, peut être néanmoins dans une situation de concurrence.
CAA Paris 27 octobre 2021, n° 20PA02609
Exemple
Dans un arrêt en date du 23 novembre 2010 de la Cour Administrative d’appel de Versailles (n° 09VE00166), les juges administratifs ont considéré que l’activité exercée par un centre équestre en direction des enfants scolarisés et des personnes handicapées, en vertu de conventions conclues avec une municipalité et un hôpital, n’était pas en concurrence avec deux autres centres équestres situés dans la même zone géographique dès lors que ces centres équestres étaient gérés par des associations non lucratives et non des entreprises commerciales.
De même, a été considérée comme non lucrative une association de promotion de sports mécaniques ayant organisé une manifestation annuelle payante de tracteur pulling. Bien qu’ayant recours à des techniques de communication commerciale (insertion d’encarts dans la presse locale, création de site internet...) il a été jugé que cette manifestation de tracteur pulling n'était pas en concurrence avec des sociétés commerciales dans la région.
CAA Douai, 3 juillet 2012, n° 11DA00475
La Cour administrative de Marseille a accepté d’apprécier la situation de concurrence d’un club de golf non pas au niveau du département comme l’avait fait l’administration fiscale mais à un niveau plus réduit. Retenant l’argumentaire développé par une association qui, constatant que plus de 80 % de ses membres résidaient à moins de 20 km du parcours de golf qu’elle mettait à disposition, demandait à la juridiction de retenir cette zone circulaire comme secteur d’analyse, la juridiction s’est placée dans la situation d’un membre de l’association pour constater qu’à 20 km de distance, le dit adhérent pouvait s’adresser à cette association mais aussi à d’autres structures commerciales.
CAA Marseille, 3 février 2015, n° 13MA02263
Le Conseil d’Etat a, en revanche, retenu une zone géographique d’attraction commerciale très élargie concernant un club de plongée sous-marine, en retenant l’ensemble des côtes bretonnes pour apprécier le cadre concurrentiel de cette activité s’adressant à des touristes. La probabilité qu’un concurrent commercial propose la même activité sur les 2 000 km de côtes bretonnes augmente considérablement alors que jusqu’à présent on retenait un rayon de quelques dizaines de kilomètres pour apprécier la zone d’attraction commerciale. De fait, la notion de concurrence effective pourrait peu à peu glisser vers une concurrence simplement potentielle.
CE, 13 février 2013, n° 342953
Une association lorraine de pêche sportive exerce une activité lucrative en s’adressant non seulement à ses membres mais également à des clients britanniques, par l'intermédiaire d'un tour opérateur. De ce fait la zone géographique d'attraction de l'association retenue a été la région Lorraine dans son ensemble. Dans cette zone, les activités proposées par l'association étaient offertes en concurrence avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique.
CAA Nancy 16 janvier 2014 n° 12NC011589
Une association de gymnastique offre des services, dans la même zone géographique d'attraction, que ceux proposés au même public par des entreprises commerciales. Le prix de l'abonnement offert aux adhérents de l'association est inférieur à celui pratiqué par les autres opérateurs du secteur concurrentiel mais elle bénéficie du matériel précédemment utilisé par une société dont elle poursuit l'activité dans les mêmes locaux que ceux précédemment loués par cette société commerciale. L’association concurrence les entreprises du secteur commercial et doit être assujettie aux impôts commerciaux.
CAA de NANCY, 2 février 2017, n° 15NC01409
Une association de tauromachie à Carcassonne a été jugée en situation de concurrence avec les sociétés organisant les férias de Nîmes, Arles et Béziers : la zone d’appréciation de la concurrence devant être la région Occitanie et non un rayon de 50 km autour de Carcassonne comme le prétendait l’association.
CAA Marseille 18 février 2020, n° 19MA00573
Pour une association de l’Hérault proposant, sur une voie ferrée désaffectée, un parcours avec des voitures à pédales. Le caractère concurrentiel de cette activité a été retenu en raison de l’existence d’une société proposant la même activité dans l’Aveyron, à une distance de plus de 90 km, à des tarifs comparables.
CAA LYON 28 janvier 2020, n° 18LY02787
Mais il suffit qu’une association exerce une activité, même accessoire, concurrentielle pour que ce critère soit considéré comme rempli et qu’il faille passer à l’étape 3 de l’analyse et examiner chacune des activités au regard de ses 4 critères.
Dans ce cadre, la question à se poser est de savoir si le public peut indifféremment s’adresser à une structure non lucrative ou commerciale.
Attention
En 2021, le Conseil d’Etat a jugé que le critère de la concurrence ne doit pas s’analyser par comparaison avec les seules sociétés et entreprises commerciales proposant des prestations similaires dans la même zone d’attraction géographique. Il doit également être tenu compte des organismes de droit public et des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 soumis aux impôts commerciaux.
CE 8e et 3e chambres réunies, 4 octobre 2021, n° 453368
Cette décision a été rendue à propos d’une école supérieure de commerce gérée par une association. La cour administrative d'appel de Lyon, pour juger que l'Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie devait bénéficier de l'exonération de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – impôt pesant sur les organismes lucratifs- s'était fondée sur la circonstance que les organismes en charge de la gestion d'établissements d'enseignement supérieur proposant le même type des formations en région Rhône-Alpes, à savoir l'ESC Saint-Etienne, alors gérée par la chambre de commerce et d'industrie de Saint-Etienne, l'Association de gestion de l'école supérieure de commerce de Dijon-Bourgogne, l'IDRAC Business School de Lyon, l'école supérieure de commerce et management de Lyon, et l'ISEG Business et Finance School de Lyon, étaient des établissements publics ou des associations régies par la loi du 1er juillet 1901, dont l'activité n'entrait pas, par principe, dans le champ des impôts commerciaux, et ne constituaient ainsi pas des « entreprises commerciales » exerçant leur activité de formation dans un secteur concurrentiel.
Le Conseil d’Etat censure cette décision.
En se fondant sur la seule forme juridique de ces organismes fournissant des prestations similaires dans la même zone d'attraction géographique, sans rechercher si, eu égard aux conditions dans lesquelles elles exerçaient leur propre activité, ces entités devaient être regardées comme des entreprises commerciales, la cour a commis une erreur de droit.
Mais cette comparaison est extrêmement difficile, s’agissant d’associations qui peuvent parfois avoir intérêt à être soumises aux impôts commerciaux, sans pour autant se situer véritablement dans un cadre lucratif concurrentiel.
Elles risquent ainsi d’entrainer les autres associations dans le champ des impôts commerciaux ! De plus, l’information sur le régime fiscal des établissements publics et des associations fiscalisées n’est pas évidente à obtenir.
Étape 3 : Règle des 4 P
3ème critère d’exonération des impôts commerciaux : l'association exerce-t-elle son activité dans des conditions de gestion similaires à celle d'une société commerciale ?
Le fait qu’une association intervienne dans un domaine d’activités où des entreprises commerciales sont également présentes ne conduit pas ipso facto à son assujettissement.
Il est tenu compte de son utilité sociale, de l’affectation des excédents, des conditions dans lesquelles le service est accessible, des méthodes auxquelles l’association a recours pour exercer son activité.
Ces critères n’ont pas tous la même valeur. Ainsi, le critère de la publicité ne peut à lui seul conduire à l’assujettissement. À l’inverse, le critère de l’utilité sociale et de l’affectation des excédents sont fondamentaux.
Ainsi, pour apprécier si l’association exerce son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise, il faut examiner successivement quatre critères, classés par ordre d’importance décroissante, selon la méthode du faisceau d’indices : le Produit proposé par l’organisme, le Public qui est visé, les Prix qui sont pratiqués, enfin l’absence de Publicité. Il s’agit de la règle des « 4 P ».
Le critère d’utilité sociale : Produit ou Public
Selon le Conseil d’État, ces deux critères sont déterminants. Mais ils sont alternatifs et non pas cumulatifs.
Le critère alternatif des deux éléments, produit et public, a été affirmé par la jurisprudence : CE, 3 décembre 1999, n° 133291 : RJF 1/00, n° 35
Le Produit
Est d’utilité sociale, l’activité qui tend à satisfaire un besoin qui n’est pas pris en compte par le marché ou l’est de façon peu satisfaisante.
BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 590
L’association doit donc pallier les carences du marché. Le fait que l’activité de l’association soit agréée par une autorité administrative (par exemple une association sanitaire et sociale agréée au titre de l’aide sociale) est un indice. Mais cela n’est ni nécessaire ni suffisant pour établir l’utilité sociale de l’activité.
Le Public visé
Il doit s’agir « de personnes justifiant l’octroi d’avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale : chômeurs, personnes handicapées notamment... ».
BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 610
Ainsi, une association organisait en collaboration avec des universités européennes, des enseignements d’odontologie et de kinésithérapie pour des étudiants français n’ayant pas pu ou pas voulu intégrer la première année commune aux études de santé en France, en leur permettant d’obtenir le cas échéant un diplôme européen leur permettant d’exercer en France les professions de masseurs-kinésithérapeutes ou de chirurgiens-dentistes. Elle estimait qu’elle s’adressait à un public différent de celui des établissements préparant au concours d’entrée en première année de médecine. Mais le Conseil d’Etat estime que l’association devait établir qu’elle s’adressait à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les sociétés commerciales, notamment en pratiquant des tarifs inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.
CE 29 décembre 2021, req. n° 439408
Pourtant ce critère ne doit pas s’entendre des seules situations de détresse physique ou morale. Le public visé est celui qui bénéficie réellement des services de l’association et non l’organisme qui le cas échéant finance ses activités. Ainsi, pour une association d’alphabétisation, le public est constitué des personnes qui suivent les cours et non de la collectivité publique qui subventionne l’association.
De même, s’agissant de la vente de cartes de vœux afin d’aider au financement d’une œuvre humanitaire, le public est constitué des personnes qui achètent ces cartes et de celles qui sont aidées grâce aux produits de cette vente.
L’affectation des excédents
Il est légitime qu’une association réalise des excédents de recettes. Cependant, l’association ne doit pas accumuler les excédents en vue uniquement de les placer ; les excédents devant être destinés à faire face à des besoins ultérieurs ou au financement de projets dans le champ de son objet non lucratif.
Exemple
Ainsi, a été exonérée d’impôt sur les sociétés une association gérant un centre médical dans des conditions désintéressées : si des excédents de recettes avaient été réalisés, ils avaient été exclusivement employés à l’amélioration des installations et des équipements, lesquels apparaissaient, sur le plan local, nécessaires pour répondre aux besoins de la population.
Mais une utilisation abusive des excédents de recettes (par exemple des dépenses somptuaires au profit des membres ou des dirigeants) permet de considérer que les modalités de gestion de l’association sont lucratives.
Exemple
Le Président d'une association, qui organise des stages sportifs, utilise les fonds de celle-ci pour payer des frais d'hôtel, de restaurant, d'avion, de location de voiture ou de séjours à l'étranger sans lien avec l'objet statutaire de l'association. Il effectue, tout comme son épouse, des prélèvements d'espèces importants et non justifiés dans la caisse associative. La gestion de l'association ne peut pas être considérée comme désintéressée et l'association doit être soumise aux impôts commerciaux.
Le critère du Prix
Ce critère est rempli dans trois circonstances alternatives :
- Soit les tarifs sont homologués par l’autorité administrative (par exemple les prix de journée d’une association sanitaire et sociale),
- Soit ils sont nettement inférieurs à ceux pratiqués par le secteur marchand,
- Soit ils sont modulés en fonction de la situation sociale des bénéficiaires.
La comparaison doit, bien évidemment, porter sur des produits et des services similaires, à niveau de qualité égal, en tenant compte du poids de la fiscalité qui pèse sur les organismes commerciaux.
Le critère des prix pratiqués est donc étroitement lié au produit ou au public visé. S’agissant du critère du public, il est admis que, dans un souci de mixité sociale, les prix appliqués à un public aisé puissent être comparables à ceux pratiqués par des opérateurs lucratifs, dès lors que l’association applique de façon suffisamment significative des prix nettement inférieurs à ceux généralement constatés dans le secteur marchand à une clientèle sociale.
Exemple
Ainsi, a été exonéré un organisme qui assurait la formation d’informaticiens qualifiés, alors que ces besoins de formation n’étaient pas suffisamment couverts dans la région où il exerçait. En outre, il pratiquait des tarifs inférieurs à ceux des écoles privées comparables, ces tarifs réduits étant encore abaissés pour les chômeurs et les personnes démunies.
Les méthodes utilisées : la Publicité
La publicité, c’est-à-dire le recours à des méthodes commerciales, est un indice de lucrativité. Néanmoins, l’administration fiscale admet que ne remettent pas en cause ce critère :
- les campagnes d’appel à la générosité du public,
- les informations diffusées par l’association aux personnes ayant déjà bénéficié de ces prestations ou qui en ont exprimé la demande, notamment via des organismes sociaux.
Il est désormais parfaitement admis qu’une association dispose d’un site Internet pour informer ses adhérents même si ce site est accessible à partir d’autres sites dès lors que le lien est justifié par l’activité. Mais, une association ne saurait avoir recours sur Internet à la publicité payante afin de faire connaître ses services.
Elle ne doit pas recourir aux mêmes moyens de publicité qu’utiliserait une société commerciale pour accroitre sa clientèle. Ainsi, une association lorraine de pêche sportive exerce une activité lucrative dès lors qu’elle s’adresse non seulement à ses membres mais également à des clients britanniques, par l'intermédiaire d'un tour opérateur. Elle recourt à des méthodes commerciales.
CAA Nancy, 16 janvier 2014, n° 12NC011589
Une association qui répond à ces critères est considérée comme non lucrative au sens fiscal du terme et est exonérée de l’ensemble des impôts commerciaux.
Une association qui ne répond pas à l’ensemble de ces critères est lucrative et assujettie à la TVA, à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun, à la contribution économique territoriale (qui remplace la taxe professionnelle) et à la taxe d’apprentissage, sauf si elle peut bénéficier de l’exonération propre à certains impôts sur le fondement de textes spécifiques : par exemple, exonération de TVA sur option des activités de formation professionnelle continue, exonération d’impôt sur les sociétés des associations qui organisent avec le concours de collectivités territoriales des foires, expositions, réunions sportives et autres manifestations publiques présentant, du point de vue économique, un intérêt certain pour la commune ou la région ; exonération de CET des établissements scolaires privés ayant passé un contrat avec l’État...
L’administration fiscale considère que la notion de lucrativité doit être analysée de façon identique pour l’ensemble des impôts commerciaux.
Il n’est donc plus possible d’être considéré comme lucratif au regard de la TVA, et assujetti à cette taxe, et non lucratif au regard de l’impôt sur les sociétés et de la contribution économique territoriale.