Un agrément pour « l’Entreprise Solidaire d’utilité sociale »

Afin de permettre le développement des entreprises de l’économie sociale et solidaire, la loi a créé un nouvel agrément, celui de l’« Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale » (ESUS). Les entreprises agréées peuvent bénéficier d'aides et de financements spécifiques, notamment accéder à l'épargne salariale solidaire, et de réductions fiscales (réduction d’impôt au titre de l’impôt sur le revenu ou de l’ISF pour ceux qui investissent dans certaines catégories de PME titulaires de l’agrément ESUS, notamment).

Peuvent prétendre à cet agrément, les entreprises relevant de la définition de l’ESS.

La loi relative à l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 a ouvert l’ESS à d’autres acteurs que les acteurs historiques (coopératives, mutuelles, associations et fondations). Certaines sociétés commerciales peuvent depuis lors être qualifiées d’entreprises de l’ESS si elles remplissent les conditions suivantes (L. 31 juill. 2014, art. 2) :

  • respecter les conditions prévues dans la définition de l’économie sociale et solidaire ;
  • rechercher une utilité sociale. Depuis la loi PACTE du 22 mai 2019, sont considérées comme poursuivant une utilité sociale les entreprises dont l'objet social satisfait à titre principal à l'une au moins des quatre conditions suivantes :
    • Elles ont pour objectif d'apporter, à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de fragilité soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leurs besoins en matière d’accompagnement social, médico-social ou sanitaire, ou de contribuer à la lutte contre leur exclusion. Ces personnes peuvent être des salariés, des usagers, des clients, des membres ou des bénéficiaires de cette entreprise ;
    • Elles ont pour objectif de contribuer à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;
    • Elles ont pour objectif de contribuer à l’éducation à la citoyenneté, notamment par l’éducation populaire et par la mise en œuvre de modes de participation impliquant, sur les territoires concernés, les bénéficiaires de ces activités. Elles participent ainsi à la réduction des inégalités sociales et culturelles, notamment entre les femmes et les hommes ;
    • Elles ont pour objectif de concourir au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale, dès lors que leur activité contribue également à produire un impact soit par le soutien à des publics vulnérables, soit par le maintien ou la recréation de solidarités territoriales, soit par la participation à l’éducation à la citoyenneté ;
  • appliquer des principes de gestion définis par la loi : affectation d’une partie des bénéfices de l’exercice au moins égale à 50 % au report à nouveau bénéficiaire et aux réserves obligatoires dont au moins 20 % à une réserve statutaire obligatoire appelée fonds de développement, non-amortissement de leur capital ou non- réduction de leur capital non motivée par des pertes ;
  • être immatriculées, sous réserve de la conformité de leurs statuts, au registre du commerce et des sociétés avec la mention de la qualité d’entreprise de l’ESS.

et qui remplissent les conditions cumulatives ci-après (C. trav., art. L. 3332-17-1) :

  • l'entreprise poursuit à titre principal l'un au moins des objectifs suivants :
    • elle exerce son activité en faveur de personnes fragilisées du fait de leur situation économique ou sociale au sens du 1° de l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014 modifié (v. ci-dessus) ;
    • elle poursuit un objectif d’utilité sociale défini dans l'article 2 de la loi précitée (v. ci-dessus) ;
  • la charge induite par son objectif d'utilité sociale a un impact significatif sur son compte de résultat (ou sur la rentabilité financière de l'entreprise, mais cette seconde condition a été supprimée par la loi PACTE du 22 mai 2019) ;
  • la politique de rémunération de l'entreprise satisfait aux deux conditions suivantes
    • la moyenne des sommes versées, y compris les primes, aux cinq salariés ou dirigeants les mieux rémunérés n'excède pas, au titre de l'année pour un emploi à temps complet, un plafond fixé à sept fois la rémunération annuelle perçue par un salarié à temps complet sur la base de la durée légale du travail et du salaire minimum de croissance, ou du salaire minimum de branche si ce dernier est supérieur ;
    • les sommes versées, y compris les primes, au salarié ou dirigeant le mieux rémunéré n'excèdent pas, au titre de l'année pour un emploi à temps complet, un plafond fixé à dix fois la rémunération annuelle mentionnée ci-dessus ;
  • les titres de capital de l'entreprise, lorsqu'ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers, français ou étranger, dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d'investissement ou tout autre organisme similaire étranger ;
  • les conditions mentionnées aux 1° et 3° figurent dans les statuts.

Bon à savoir

  • La loi PACTE a procédé à une refonte du dispositif ESUS.
    Elle a cherché à clarifier le critère d’utilité sociale, jugé trop flou, ce qui peut bloquer l'obtention de l'agrément, contrairement aux objectifs poursuivis par la loi. D'ailleurs, d’après l'étude d'impact du projet de loi, les critères relatifs à l'objet social « [sont] présenté[s] de manière assez obscure et peu cohérente, donnant par ailleurs lieu à des interprétations souvent trop restrictives des services instructeurs, habitués aux critères traditionnels (sociaux) ». Les entreprises bénéficiant, à la date de publication de loi PACTE, de l’agrément ESUS selon les critères d’éligibilité antérieurs continuent d’en bénéficier jusqu’à son terme.
    L. n° 2019-486 du 22 mai 2019, articles 105
    Dans la foulée, la dématérialisation de la procédure de demande d’agrément ESUS sa été mise en place afin de la rendre à la fois plus accessible pour les entreprises et plus transparente.
    Les réseaux d’accompagnement seront associés à cette modernisation de la procédure afin de fluidifier le processus d’instruction et d’accélérer la prise de décision par les services instructeurs de l’État.
  • La loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a institué un régime fiscal de faveur au bénéfice des entreprises agréées ESUS. En vertu de ces nouvelles dispositions, les entreprises agréées ESUS peuvent bénéficier du dispositif dit « IR-PME » pendant une durée de 10 ans, alors que les PME classiques n’y ont accès que pendant 7 ans. Il s’agit d’un dispositif de réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de petites et moyennes entreprises (PME) non cotées. En outre, l’agrément ESUS peut également permettre aux entreprises qui en sont titulaires de bénéficier d’un accès particulier à la commande publique, selon les politiques d’achat public déterminées par les collectivités territoriales, bien que cette dernière possibilité semble peu utilisée.
    L. n° 2019-1479 du 28 déc. 2019, art. 137

Précisions sur l’agrément

Le décret d’application n° 2015-719 du 23 juin 2015 a apporté des précisions sur les conditions de demande et d’obtention de cet agrément. Ces mesures sont entrées en vigueur le 1er juillet 2015.

Ce décret devait être modifié compte tenu de la loi PACTE du 22 mai 2019, mais près de trois ans après la publication de cette loi, cette modification n’est toujours pas intervenue. Cela étant, cette absence de publication de ce décret ne semble pas constituer un obstacle à une entrée en vigueur immédiate du dispositif issu de la loi PACTE.

L’agrément est délivré pour une durée de 5 ans. Pour les entreprises créées depuis moins de 3 ans à la date de sa demande, il sera délivré pour une durée de 2 ans.

Le silence gardé par le préfet pendant 3 mois à compter de la réception d’un dossier complet vaut décision d’acceptation.

Cet agrément est délivré de plein droit à certaines personnes morales énumérées au II de l’article L. 3332-17-1 du code du travail (entreprises d’insertion, services de l'aide sociale à l'enfance, etc.), sous réserve que ces organismes respectent les conditions de la définition de l’ESS et qu’ils soient agréés par le préfet de leur siège social.

Cette dernière doit être adressée par le représentant légal de l’entreprise ou de l’organisme au préfet (direction régionale en charge de l’économie, du travail, de l’emploi et des solidarités [Drets], anciennement Direccte) du département où l’entreprise (organisme) a son siège social, ou de son principal établissement en France, si l’entreprise (organisme) a son siège social dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

Elle peut être réalisée par tout moyen donnant date certaine à sa réception (par lettre recommandée avec accusé de réception ou par dépôt contre récépissé).

Le décret précise également deux notions :

Celle relative à l’impact significatif des charges sur le compte de résultat ou la rentabilité financière. Compte tenu de la loi PACTE, la référence à la rentabilité financière sera supprimée dans le futur décret qui viendra modifier celui du 23 juin 2015, mais tant qu’il n’est pas publié, la référence à cette rentabilité reste de mise.

Selon le décret de 2015, la condition relative à l’impact significatif est remplie lorsque :

  • Soit les charges d’exploitation liées aux activités participant à la recherche d’une utilité sociale représentent au moins 66 % de l’ensemble des charges d’exploitations du compte de résultat au cours des trois derniers exercices clos ;
  • Soit le rapport ci-dessous est inférieur, au cours des trois derniers exercices clos, au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, majoré d’un taux de 5 %.

Dividendes + rémunération des concours financiers non bancaires
Capitaux propres + concours financiers non bancaires

Pour le premier semestre 2022, il s’élève à −1,325 %.

Les concours financiers non bancaires, quant à eux, correspondent aux :

  • obligations ;
  • titres participatifs émis par les sociétés par actions appartenant au secteur public, les sociétés anonymes coopératives, les banques mutualistes ou coopératives, les établissements publics de l'Etat à caractère industriel et commercial, les entreprises d'assurances, les sociétés coopératives agricoles et leurs unions ;
  • prêts participatifs octroyés par l’Etat, les établissements de crédit, les sociétés de financement, les autres sociétés commerciales, les établissements publics dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, les sociétés et mutuelles d'assurances, les associations sans but lucratif, les mutuelles et unions régies par le code de la mutualité et les institutions relevant du titre II et du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale.

L’entreprise doit prendre l’engagement de continuer à respecter le rapport ainsi défini pendant la durée de l’agrément.

Pour les entreprises créées depuis moins de trois ans à la date de l’agrément, les conditions ci-dessus sont vérifiées sur l’ensemble de leurs exercices clos.

Celle concernant les dirigeants dont les rémunérations (celle des 5 dirigeants ou salariés les mieux rémunérés) ne doivent pas excéder un plafond annuel correspondant à 7 fois le Smic, soit 143 556 € à compter du 1er mai 2023.

Ces dirigeants s’entendent des gérants nommés conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, des associés en nom d'une société de personnes, des présidents, directeurs général, présidents du conseil de surveillance ou membres du directoire d'une société par actions.