femme souriante assise sur son bureau

Le contexte historique d’une réforme nécessaire

Au cours de la campagne présidentielle de 2002, le développement des associations et fondations a fait partie des thèmes de campagne affichés par Jacques Chirac, repris après son élection par le nouveau gouvernement avec pour priorité le développement du mécénat.

Défini comme « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général2 », le mécénat était à l’époque régi par la loi « Léotard3 » sur le développement du mécénat, votée en 1987, avec quelques enrichissements apportés par la loi « Lang4 » portant création du statut de fondation d’entreprise, votée en 1990. Ce cadre légal n’a pas permis le développement du mécénat, ses mécanismes de réduction fiscale ne présentant pas un intérêt majeur, tant pour les particuliers que pour les entreprises, ces dernières préférant recourir au parrainage.

Alors que dans de nombreux pays d’Europe, le mécénat et la philanthropie connaissait un large essor, la nécessité de revoir les incitations fiscales relatives au mécénat devient de plus en plus flagrante pour apporter une source de financement efficace et pérenne aux organismes d’intérêt général.

Les objectifs de la loi

C’est dans ce cadre que le Ministre de la Culture et de la Communication Jean-Jacques Aillagon, en poste de 2002 à 2004, a présenté son projet de loi réformant en profondeur le régime du mécénat. Inspirée par les réformes opérées au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore en Espagne, la loi répond à quatre objectifs principaux : renforcer les incitations fiscales pour les dons des particuliers, favoriser le mécénat des entreprises en doublant leur avantage fiscal, alléger la fiscalité des fondations, développer la reconnaissance d’utilité publique en simplifiant les procédures.

Votée le 1er août 2003, la loi signe la mise en place d’un régime de mécénat parmi les plus avantageux d’Europe, pilier de la notion d’« exception culturelle » française, et un atout devenu incontournable pour le financement des organismes d’intérêt général.

Les avantages fiscaux du mécénat

Les mécanismes mis en place par la loi Aillagon visent à encourager les dons en ouvrant le droit à des réductions d’impôts indexées sur le montant des dons.

Quels sont les avantages fiscaux accordés aux entreprises ?

Les avantages fiscaux accordés au titre du mécénat pour les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les bénéfices sont déterminés par l’article 238 bis du CGI. L’ensemble des versements effectués à des organismes éligibles ouvre droit à une réduction d’impôt de 60 % de leur montant pour la fraction inférieure ou égale à 2 millions d’euros, et de 40 % pour la fraction supérieure à ce montant. Cela concerne également les dons en nature, valorisés à hauteur de leur coût de revient, et le mécénat de compétence, valorisé à hauteur de la somme des rémunérations et cotisations sociales des salariés mis à disposition.

Quels sont les avantages fiscaux pour les particuliers ?

Les avantages fiscaux accordés au titre du mécénat pour les particuliers sont définis par l’article 200 du code général des impôts (CGI), qui recense les dons qui ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant, dans la limite de 20 % du revenu imposable, et porte à 75 % le taux de la réduction d’impôt sur les versements effectués au profit de structures procédant à la fourniture gratuite de repas ou de soins à des personnes en difficulté, dans la limite de 554 euros à compter des revenus de l’année 2021.

Depuis le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière, l’avantage fiscal accordé aux particuliers qui en sont redevables est régi par l’article 978 du CGI. Ils peuvent déduire de cet impôt 75 % du montant de leurs dons éligibles dans la limite de 50 000 euros.

La convention de mécénat

Quand le mécénat tient une part prépondérante dans le financement d’un projet, il est fortement conseillé d’établir une convention de mécénat, qui permet de formaliser les engagements respectifs des parties concernées et prévenir d’éventuels litiges.

La signature d’une telle convention n’étant pas obligatoire, il n’existe pas de modèle type, mais les clauses essentielles pour garantir les bonnes conditions de l’opération de mécénat incluent la description du projet et le détail de ce qui le rend éligible au mécénat, les engagements du mécène, notamment le montant et les modalités de versement de dons, l’engagement du bénéficiaire à délivrer un reçu fiscal et les modalités de suivi de projet pour établir l’affectation du don.

Les contours de l’intérêt général

Les dons ouvrant droit à une réduction d’impôt doivent financer des organismes, des actions ou des œuvres reconnues d’intérêt général, listés aux articles 200 et 238 bis du CGI.

Quelles structures peuvent recevoir des dons au titre du mécénat ?

Les associations et fondations reconnues d’utilité publique peuvent par leur seul statut recevoir des dons au titre du mécénat, et délivrer un reçu fiscal ouvrant droit à une réduction d’impôt. Sont également concernés les « organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel », les « organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d'œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l'organisation d'expositions d'art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité », ou encore les « établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés, d'intérêt général, à but non lucratif ».

Quels sont les critères de l’intérêt général ?

Au-delà des secteurs d’activité énoncés précédemment, la notion d’intérêt général est également soumise à trois conditions : la non-lucrativité (l’activité ne doit pas avoir pour but de générer des profits financiers), une gestion désintéressée (les dirigeants doivent exercer leurs responsabilités bénévolement ou leur rémunération doit respecter les limites prévues par la loi), et pas de fonctionnement au profit d’un cercle restreint. Ces critères nourrissent une jurisprudence abondante, puisqu’ils peuvent avoir des répercussions majeures pour le financement des structures concernées. Ils sont également précisés par une doctrine fiscale très riche5.

L’autorisation de délivrance d’un reçu fiscal

Tout organisme qui remplit ces conditions est autorisé à recevoir des dons qui donnent lieu à la délivrance d’un reçu fiscal, servant de justificatif pour ouvrir au donateur le droit à une réduction d’impôt. Pour les dons versés par des particuliers, le reçu doit suivre le modèle Cerfa n° 11580, et pour les dons effectués par des entreprises, le modèle à utiliser est celui du formulaire 2041-MEC-SD, Cerfa n° 16216*01.

Bon à savoir

Pour s’assurer qu’elle est éligible au mécénat et autorisée à délivrer des reçus fiscaux pour les dons qu’elle reçoit, toute association ou fondation peut adresser à l’administration fiscale une demande de rescrit « mécénat », et recevoir une prise de position opposable sur sa situation particulière.

Pour aller plus loin, consultez nos ressources sur associatheque.fr

Nouvelles obligations, nouveaux contrôles

Déclaration des dons et des reçus fiscaux délivrés

Depuis le 1er janvier 2021, les organismes sans but lucratifs ayant reçus des dons au titre du mécénat sont dans l’obligation de déclarer chaque année tous les dons perçus et les reçus fiscaux émis. Cette nouvelle obligation déclarative est issue de l’article 19 de la loi dite « séparatisme6 », et a été enregistrée à l’article 222 bis du CGI.

Elle prévoit la transmission à l’administration fiscale du montant global des dons perçus au cours de l’année civile précédente (ou au cours du dernier exercice clos s’il ne coïncide pas avec l’année civile) qui ont donné lieu à l’émission d’un reçu fiscal, et le nombre de documents (reçus, attestations...) délivrés au cours de cette période au titre de ces dons. Le non-respect de cette obligation déclarative pendant deux années consécutives est passible d’une amende de 1 500 euros.

Renforcement des contrôles administratifs

Cette nouvelle obligation déclarative va de pair avec un renforcement du contrôle administratif des organismes sans but lucratifs bénéficiaires de dons et de versements, prévu par l’article 18 de la loi « séparatisme ». Ce contrôle a pour but de vérifier que les montants portés sur les reçus correspondent à ceux des dons effectivement perçus, et sont reliés aux réductions d’impôts accordées aux donateurs, selon les modalités des articles L14 A et L14 B du livre des procédures fiscales. Ils garantissent à l’organisme concerné d’être informé au préalable de l’engagement de la procédure par un avis de contrôle précisant les années qui feront l’objet d’un examen, et l’informant de la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix. L’administration fiscale est tenue de transmettre les résultats du contrôle dans un délai de 6 mois, dans un document motivé de manière à permettre à l’organisme contrôlé de formuler ses observations. Une fois le contrôle achevé, l’administration ne peut pas entamer de de nouvelle procédure de contrôle pour la même période.

Nouveaux modes de collecte, nouveaux enjeux

20 ans après, quel impact sur la générosité ?

L’entreprise de modernisation du mécénat et la mise en place d’un régime fiscal avantageux pour les donateurs avait pour objectif de stimuler la générosité, et de financer le développement des organismes d’intérêt général. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Aillagon, les chiffres témoignent de l’efficacité du texte, et de son appropriation par les français : entre 2003 et 2020, le montant des dons déclarés par les particuliers dans le cadre de leurs impôts a quasiment triplé, passant de 1,1 milliards d’euros à 3,2 milliards d’euros7 , alors que le mécénat d’entreprise a connu une croissance continue au cours de le même période, concernant 108 000 entreprises en 2021, qui consacrent au mécénat un budget global de 3,6 milliards d’euros8.

Diversification des dons et reçus fiscaux

Pour répondre aux évolutions des usages et pour simplifier l’acte de don, les organismes sans but lucratif ont diversifié leurs modes de collecte pour ouvrir de nouveaux canaux de financement. En pleine expansion, les collectes numériques représentent une ressource considérable : 218 millions d’euros de dons collectés par le financement participatif en 20209, 7,4 millions d’euros pour les micro dons10 (arrondis en caisse...) en 2019, 1,3 million d’euros pour les dons par SMS en 202111... Tous ces types de dons sont considérés comme des dons manuels, et peuvent donner lieu à la délivrance d’un reçu fiscal si l’organisme bénéficiaire est éligible au mécénat.

C’est également le cas des dons reçus lors de collectes en direct, d’opérations de street marketing ou d’évènements de charité. En revanche, les dons « sans bourse délier », basés par exemple sur le visionnage d’une publicité ou le don de points sur une carte de fidélité, ne peuvent pas donner lieu à la délivrance d’un reçu fiscal, et représentent 8,5 millions d’euros en 201912.

OEuvres numériques et crypto-actifs : les nouvelles frontières du mécénat ?

Dans une proposition de loi visant à promouvoir l’art numérique et à protéger les nouvelles formes de création artistique déposée le 18 janvier 2023, la sénatrice Colette Mélot propose l’élargissement du dispositif du mécénat aux arts numériques, par l’ajout aux articles 200 et 238 bis du CGI les « œuvres audiovisuelles, sur support analogique ou numérique » et à la « location » de telles œuvres.

Par ailleurs, dans l’attente d’un règlement européen qui précise le statut réglementaire et fiscal des crypto-actifs, rien ne semble s’opposer en droit interne à ce qu’un don en cryptomonnaie donne lieu à la délivrance d’un reçu fiscal. Pourtant, aucun organisme n’en a délivré sur un tel don, appliquant le principe de précaution face à un angle mort juridique qui mériterait une clarification de la part de l’administration fiscale, pour permettre d’activer ce nouveau levier de financement.

1 : Loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, JO du 2
2 : Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière, JO du 31
3 : Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, JO du 24
4 : Loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 créant les fondations d’entreprise et modifiant les dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet  1987 sur le développement du mécénat relatives aux fondations, JO du 6
5 : BOI-IR-RICI-250-10-10 pour les dons faits par les particuliers, BOI-BIC-RICI-20-30-10-10 pour les dons effectués par les entreprises.
6 : Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, JO du 25.
7 : Observatoire de la philanthropie – Fondation de France, « Panorama national des générosités », 2e édition, sept. 2021
8 : Admical, Ifop, « Le mécénat d’entreprise en France », nov. 2022
9 : Financement participatif France, Mazars, « Baromètre du crowdfunding en France 2020, févr. 2021
10 : MicroDON, « MicroDON : retour sur 5 chiffres qui ont marqué l’année ! », mars 2020
11 : AF2M, « Observatoire du paiement sur facture opérateurs 2021 », mai 2022
12 : Observatoire de la philanthropie – Fondation de France, « Panorama national des générosités », 2e édition, sept. 2021

Auteur

Le bimensuel des organismes sans but lucratif et de leurs secteurs d’activité depuis plus de 30 ans.
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