Qu’est-ce qu’un bénévole ? Qu’est-ce qu’un salarié ?

Le bénévolat n’est pas défini par la loi. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en propose une définition qui fait l’unanimité : « Est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ».
Avis du 24 févr. 1993

Le bénévolat est d’une certaine manière l’expression individuelle de la liberté de s’engager de manière désintéressée pour le collectif.

Si le régime du bénévolat n’est pas défini par la loi, il n’en n’est pas de même pour celui du salariat, très encadré, notamment par le Code du travail. Le contrat de travail, à la source du salariat, peut se définir comme le contrat par lequel une personne physique (le salarié) s’engage à exécuter un travail sous la subordination d’une personne physique ou morale (l’employeur), en échange d’une rémunération.

Quels sont les enjeux ?

Lorsqu’une association fait appel à des bénévoles, mais que, dans les faits, les critères du contrat de travail sont réunis, le bénévolat est requalifié en salariat. L’association est alors condamnée à verser des salaires, avec les charges sociales correspondantes, et des indemnités sous forme de dommages et intérêts.

La jurisprudence considère que la notion de contrat de travail est composée de trois éléments qui se cumulent : une prestation de travail et une rémunération et un état de subordination. Ce sont donc sur ces trois éléments que les juges vont se pencher, l’un après l’autre, pour qualifier la relation de salariat ou de bénévolat.

Bon à savoir

Les juges ne sont pas tenus par la qualification donnée par les parties à la relation de travail (salariée ou bénévole), l’application du Code du travail étant d’ordre public.

Les critères du salariat

La prestation de travail

La prestation de travail doit être effective et réalisée au profit de l’organisme. La notion de prestation de travail est une notion entendue très largement par la Cour de cassation : globalement, toutes les activités humaines sont susceptibles d’être qualifiées de « travail ». On parle d’ailleurs de « travail bénévole », sans pour autant que les bénévoles soient reconnus comme salariés si les deux autres critères du contrat de travail font défaut.

Exemple

Exemple de salariat : les participants à un jeu de télé-réalité

Dès lors qu’elle est exécutée, non à titre d’activité privée mais dans un lien de subordination, pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique, l’activité, quelle qu’elle soit, peut important qu’elle soit ludique ou exempte de pénibilité, est une prestation de travail soumise au droit du travail.

V. par ex. Soc., 3 juin 2009, Île de la tentation, n° 08-40.981

La rémunération

Dans un contrat de travail, une rémunération doit être versée ou à tout le moins promise. Cette caractéristique n’est pas une spécificité du contrat de travail, mais elle permet de tracer la frontière entre le contrat de travail et le contrat de bénévolat, par nature non rémunéré.

Qu’est-ce que la rémunération ?

L’existence d’une rémunération résulte de faits matériels tels que le versement, régulier ou non, de sommes d’argent, l’attribution d’avantages en nature comme la mise à disposition gratuite ou à un tarif anormalement bas d’un logement ou d’un véhicule. À ainsi été reconnue l’existence d’une rémunération, et donc d’un contrat de travail, le versement d’une indemnité fixe mensuelle et d’une prime versée au début de chaque saison à un sportif par une association sportive.

Soc., 11 juill. 2007, n° 06-43.804

Lorsqu’une personne s’investit pour assurer le fonctionnement d’une association et participe au projet associatif, « l’état actuel du droit applicable ne laisse pas de place à l’incertitude ou au vide juridique : soit l’intervenant perçoit une rémunération en contrepartie de son travail réalisé dans le cadre d’un lien de subordination et c’est alors un salarié ; soit il ne perçoit rien en contrepartie de son engagement, en dehors des remboursements de frais engagés pour les besoins de l’activité associative, et c’est un bénévole ».
Rép. min. n° 121411, JOAN Q 24 avr. 2012, p. 3174

Bon à savoir

Le recours au bénévolat dans les structures économiques à but lucratif est normalement exclu et, en général, il s’agit de travail dissimulé que les juges peuvent sanctionner.

Un état de subordination

Selon la Cour de cassation, un lien de subordination « est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».
Soc., 13 nov. 1996, n° 94-13.187

Trois éléments constituent le lien de subordination : le pouvoir de direction, le pouvoir de contrôle et le pouvoir de sanction. Le pouvoir de direction se caractérise par la maîtrise de l’employeur sur l’organisation et l’exécution du travail de son salarié, qui se traduit par des directives, des consignes, des ordres, etc. Le pouvoir de contrôle et le pouvoir de sanction sont les pendants du pouvoir de direction, sans lesquels ce dernier ne peut avoir d’application effective.

Pour identifier l’existence d’un lien de subordination dans les relations de travail entre deux personnes, les juges recourent souvent à la technique du faisceau d’indices. Chaque élément pris indépendamment ne sera parfois pas suffisant pour établir un lien de subordination, seule la réunion de plusieurs indices permettant d’y parvenir. Les juges vont s’attacher à rechercher :

  • l’exercice de la prestation de travail dans le cadre d’un service organisé, lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions de travail ;
  • l’existence d’horaires à respecter ;
  • l’existence de conditions matérielles d’exécution de la prestation : lieu déterminé, fourniture de matériel ou d’équipements, etc.

Bon à savoir

L’absence de lien de subordination entre un bénévole et l’association ne signifie pas que le bénévole peut s’affranchir des règles mises en place dans l’association : il est tenu de respecter les statuts et le règlement intérieur qui déterminent les règles de vie commune et de sécurité, dans l’intérêt de tous.

Le juge a toute latitude pour qualifier la nature exacte des relations entre le bénévole et l’association et la qualification donnée au contrat par les parties importe peu : s’il en découle un lien de subordination, il s’agira d’un contrat de travail.
Soc. 29 janvier 2002, n° 99-42.697

Bon à savoir

Un contrat de travail est également reconnu lorsque l’intéressé s’engage de manière bénévole, qu’il perçoive une rémunération (Soc., 20 déc. 2017, n° 16-20.646) ou qu’il atteste par écrit ne pas en percevoir (Rép. min. n° 18075, JO Sénat Q 3 avr. 1997, p. 1066).

Soc., 20 déc. 2017, n° 16-20.646
Rép. min. n° 18075, JO Sénat Q 3 avr. 1997, p. 1066

Comment faire en pratique ?

Prévoir un contrat de bénévolat peut permettre de déterminer un cadre pour l’activité bénévole et éviter les débordements. Ce type de contrat n’est pas prévu par la loi et sa forme est libre.

Attention

Attention cependant, bien que dénommé « contrat de bénévolat », le juge peut le requalifier en contrat de travail si les conditions du salariat sont remplies dans les faits.

Ce qui est autorisé

Le contrat peut prévoir des obligations générales ou plus spécifiques si le bénévole a une fonction statutaire. Il peut mentionner que l’association doit, à l’égard du bénévole :

  • être attentive à ses suggestions ;
  • l’informer sur l’évolution des projets en cours et, plus généralement, sur le projet associatif ;
  • faire régulièrement le point avec lui quant à son engagement, son utilité, sa reconnaissance et ses compétences ;
  • l’aider à faire reconnaître les compétences acquises dans le cadre des procédures de validation des acquis de l’expérience (VAE) ;
  • couvrir par une assurance adaptée les risques d’accident causés ou subis dans le cadre de ses activités ;
  • lui rembourser les dépenses autorisées et engagées pour le compte de l’association, sur présentation de justificatifs.

De plus, le contrat peut indiquer que le bénévole doit, à l’égard de l’association :

  • respecter l’éthique, le fonctionnement et le règlement intérieur ;
  • observer une obligation de réserve en tous lieux ;
  • s’impliquer dans les missions et activités confiées ;
  • collaborer avec les autres membres, bénévoles ou non ;
  • prévenir le responsable désigné en cas d’impossibilité pour un rendez-vous prévu – attention cependant à bien garder à l’esprit que le bénévole n’est pas un salarié et qu’il n’a donc pas d’horaires ou de responsable hiérarchique, sous peine de requalification en contrat de travail.

Il peut être prévu les horaires et lieux pour lesquels le bénévole accepte d’être disponible pour l’association. Le contrat peut détailler les responsabilités, missions et activités qu’elle confie au bénévole. Cela est nécessaire si le bénévole occupe une fonction statutaire, comme celle de président. Le contrat précise alors les tâches générales que doit effectuer le bénévole. Il détermine la hauteur de l’engagement du bénévole et son niveau de responsabilité dans les opérations.

Enfin, le contrat peut prévoir les modalités de sa rupture : de quelle façon est-elle portée à la connaissance de l’autre partie (lettre recommandée avec demande d’avis de réception, remise contre décharge) et selon quel délai de prévenance (qui doit être raisonnable) ?

Ce qui est déconseillé

Pour être reconnu bénévole, il faut que l’intéressé n’ait aucun horaire de travail, gère lui-même son activité, choisisse les activités et orientations à mettre en œuvre, ne reçoive aucune instruction pour le travail, participe aux activités selon son bon vouloir et des modalités qu’il détermine lui-même. À défaut, les juges peuvent reconnaître un lien de subordination.

Par ailleurs, si l’association doit rembourser au bénévole les frais engagés par lui pour son compte, préalablement autorisés, elle ne doit en revanche rien lui donner d’autre, en espèces ou en nature. Une exception existe pour les dirigeants d’association, qui peuvent être rémunérés.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel