Sommaire
La refacturation de services ou de livraisons de biens au sein d’un groupement
Ces dernières années les politiques publiques ont encouragé les groupements d’associations afin de favoriser une mutualisation de certains de leurs services. Ceci permet un partage de l’investissement et des charges et donc une baisse des coûts. Mais, ceci pose actuellement des questions concernant la refacturation de ces services mutualisés, notamment en matière de TVA, même lorsque ceux-ci sont rendus à prix coûtant.
Une exonération de TVA est possible, mais dans des conditions qui se sont durcies ces dernières années si bien qu’il convient d’examiner dans quelles conditions les refacturations de services à prix coûtant sont encore susceptibles de bénéficier d’une exonération de TVA.
Il convient d’examiner :
- La notion même de groupement et les conditions dans lesquelles le groupement qui rend des services à ses membres peut être exonéré de TVA.
- L’hypothèse dans laquelle les associations appartenant à un même groupement se rendent des services entre elles.
- Ou encore l’hypothèse dans laquelle des membres rendent des services au groupement lui-même.
Rappel : la TVA est applicable aux opérations de livraisons de biens ou de prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti.
Est considéré comme un assujetti « quiconque exerce, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité ». Aux termes de l’article 9 de la directive 2006/112/Conseil d'Etat du 28 novembre 2006 ainsi codifié à l’article 256 A du CGI :
« Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ».
L’indifférence de la qualité de la personne qui effectue ces activités économiques donne ainsi la qualité d’assujetti aux organismes à but non lucratif dès lors qu’ils proposent à la vente des biens ou des services, même à prix coûtant, sauf dans les hypothèses où ils peuvent bénéficier d’une exonération de TVA, soit à raison de leur intérêt général, soit à raison de la nature de leur activité. En toute hypothèse, les exonérations de TVA, seule imposition commune au niveau européen, sont d’interprétation stricte afin de ne pas fausser la libre concurrence.
S’agissant des services d’ordre professionnel rendus entre associations (tenue de la comptabilité, établissement des fiches de paie, contrôle de gestion, fonction ressources humaines, système informatique, mise à disposition de personnel, etc.) une exonération de TVA est possible, sur le fondement de la doctrine fiscale relative aux associations, ou à défaut, principalement sur le fondement de l’article 261 B du code général des impôts.
Exonération en vertu de l’article 261 B du CGI
BOI-TVA-CHAMP-30-10-40-20210210
Ce cadre d’exonération ne vaut qu’en matière de TVA.
Par dérogation au principe selon lequel les opérations effectuées même à prix coûtant sont soumises à la TVA, l’article 261 B du CGI exonère de TVA, les services rendus à leurs membres par certains groupements sous certaines conditions :
« Les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti sont exonérés de cette taxe à la condition qu'ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes ».
Ce texte applicable avant le 1er janvier 2023 à tous types de groupement, juridiquement constitués ou de fait, rendant des services à des membres exonérés de TVA, est désormais limité aux seuls groupements dont les membres exercent des activités d’intérêt général.
L’exonération de l’article 132, 1-f de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 (transposé en France à l’article 261B du CGI) ne vise que les groupements dont les membres exercent une activité d'intérêt général mentionnée à l'article 132 de cette directive
CJUE 21-9-2017 aff. 326/15, CJUE 21-9-2017 aff. 605/15
Organismes susceptibles de bénéficier de l’exonération
Il peut s’agir de groupements légalement constitués comme les groupements d’intérêt économique (GIE), les groupements de coopération sanitaire, sociaux ou médicaux sociaux, les groupements d’intérêt public, sociétés de moyens, etc.
Parmi les groupements concernés, la doctrine cite spécifiquement :
« Certaines associations à but non lucratif telles que les groupements professionnels, les syndicats patronaux ou ouvriers qui remplissent les conditions requises ».
Bon à savoir
Si les syndicats professionnels peuvent bénéficier d’une exonération en matière de TVA en application de l’article 261B du Code général des impôts, il faut tout de même relever que la loi de finances pour 2019 avait supprimé les exonérations d’impôt sur les sociétés et de CFE qui étaient accordées aux syndicats professionnels, à compter du 1er janvier 2020.
Toutefois la loi de finances pour 2020 rétablit l’exonération dont bénéficiaient les syndicats.
Article 65 de la loi de finances pour 2020, n° 2019-1479 du 28 décembre 2019
Articles 207 et 1461 du Code général des impôts
Il peut même s’agir, en théorie, de groupements de fait, c’est-à-dire de groupements sans personnalité juridique.
Cependant, la CJUE a restreint la notion de groupement considérant que ce dernier doit exercer une activité économique autonome par rapport à ses membres. Le groupement doit donc être doté de moyens en matériel et en personnel, distincts de ceux de ses membres.
En conséquence, même si, en théorie, le groupement n’est pas nécessairement doté de la personnalité juridique (groupement de fait), l’obligation d’être un assujetti distinct de ses membres disposant de moyens propres limite, en France, cette possibilité. En effet, la notion de groupement de fait connaît en pratique des limites. Outre les difficultés pour caractériser un groupement autonome de personnes au sens fiscal, un groupement de fait a une capacité juridique extrêmement limitée. Il ne peut, par exemple, posséder un patrimoine, devenir l'employeur des personnels susceptibles d'être mis à disposition des membres, souscrire des emprunts pour investir dans des moyens communs.
En pratique, en France, un groupement de fait ne peut donc plus bénéficier de l’exonération de TVA prévue à l’article 261B du CGI.
Dans plusieurs arrêts, la CJUE a jugé juger que les services rendus par les adhérents au groupement lui-même, ou entre eux, sont exclus du champ de cette exonération et donc soumis à la TVA
CJUE, 4 mai 2017, affaire C-274/15 ; CJUE, 21 septembre 2017, affaires C326/15, C-605/15, C-616/15
Pour être exonérés, les services doivent être « verticaux descendants », du groupement vers les membres, mais ni ascendants – d'un membre vers le groupement –, ni horizontaux – d'un membre à un autre.
Or, en pratique les services croisés sont très fréquents dans les groupements associatifs. Cette rigidité des relations qui en résulte, pose problème car elle impose, pour éviter un assujettissement à la TVA, de faire remonter au groupement l’ensemble des moyens de chacun des membres destinés à être mis à disposition des autres membres et, dès lors, de mener une réflexion sur le périmètre des services mutualisés et le rôle stratégique donné au groupement.
La direction de la législation fiscale applique strictement cette jurisprudence aux cas présentés par le Mouvement associatif (Direction de la législation Fiscale, courriel du 6 août 2018 au Mouvement associatif et courrier du 29 novembre 2019). Elle confirme que dans le cas de la coopération entre plusieurs associations sans but lucratif, une convention, bien que nécessaire, ne suffit plus à établir l'existence d'un groupement autonome, permettant le bénéfice de l'exonération de TVA.
S'agissant du contenu de la convention, il n'existe aucun formalisme particulier.
Mais a minima, la convention doit définir les services susceptibles d’être rendus aux membres, être délimitée dans le temps, définir le périmètre des moyens mis en commun, prévoir la nature et les modalités des mises à disposition, ainsi que le mode de rémunération à prix coûtant.
En pratique il faudra donc constituer une personne morale : un groupement d’intérêt économique (GIE), une union d'associations, un groupement de coopération sanitaire (GCS) ou un groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS), un groupement d’employeurs...
Exemple
L’Administration fiscale a donné les exemples suivants :
- Une association A d'éducation populaire sans but lucratif mutualise des moyens humains avec d'autres associations sans but lucratif B, C, D. Ces associations sont exonérées de TVA. La mise à disposition concerne des fonctions supports telles que le secrétariat, la comptabilité ou encore la paye. L'association A facture au prix coûtant les prestations de services de mise à disposition à B, C et D. La part incombant à chaque association est déterminée en fonction du temps passé du personnel mis à disposition. La coopération entre ces associations est entérinée par une convention. Néanmoins, l'administration fiscale refuse une exonération sur le fondement de l'article 261 B au motif que les prestations ne sont pas facturées par le groupement de fait composé des associations A, B, C et D mais par l'association A laquelle apporte ses moyens au groupement de fait. Or, l'article 261 B du CGI n'exonère que les prestations fournies par le groupement, assujetti distinct, à ses membres et non celles réalisées entre ses membres.
- En revanche, une fédération associative A sans but lucratif dans le secteur du tourisme solidaire, non assujettie à la TVA, met à disposition de ses membres, associations sans but lucratif, non assujetties à la TVA, des moyens humains. Il s'agit de fonction supports (communication, RH, comptabilité, paye). La fédération facture ses membres à prix coûtant. Contrairement à l'exemple précédent, la fédération A est un groupement d'associations doté de la personnalité morale, assujetti distinct de ses membres. Si elle met à disposition de ses membres des moyens pour les besoins de leur activité exonérée de TVA, et respecte toutes les autres conditions requises, elle peut bénéficier de l'exonération de TVA prévue à l'article 261 B du CGI.
Membres du groupement susceptibles de bénéficier de l’exonération
Les membres du groupement, susceptibles de bénéficier de l’exonération pour les services qui leur sont rendus par le groupement, doivent être des organismes d’intérêt général, exerçant une activité exonérée de TVA ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti.
CJUE, 21 septembre 2017, affaires C326/15, C-605/15, C-616/15
Sont notamment visées les associations exonérées de TVA sur les fondements :
- De l’article 261-4-9° du CGI : sont ainsi visées : les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées fournies à leurs membres, moyennant une cotisation fixée conformément aux statuts, par des organismes légalement constitués agissant sans but lucratif dont la gestion est désintéressée et qui poursuivent des objectifs de nature philosophique, religieuse, politique, patriotique, civique ou syndicale.
- De l’article 261-7 du CGI : sont ainsi visées les associations à caractère social, éducatif, culturel ou sportifs rendant des services à leurs membres, les associations à caractère social et philanthropique s’adressant à toutes personnes ; ainsi que : les opérations effectuées par les associations intermédiaires conventionnées, les prestations d’aide à domicile réalisées par des associations agréées ou autorisées ; les lieux de vie et d'accueil ; les ventes portant sur les articles fabriqués par des groupements d'aveugles ou de travailleurs handicapés, agréés. Les associations et organismes sans but lucratif exonérés d’impôts commerciaux sur le fondement de la règle des « 4P », relèvent de l’article 261-7,1° b) du code général des impôts.
- Lorsqu’un membre du groupement est partiellement assujetti à la TVA, l’exonération ne peut concerner que le secteur d’activité exonéré de TVA, quel que soit, désormais, le pourcentage d’activités assujetties à la TVA. La part des services concernant le secteur assujetti à la TVA doit être soumise à la taxe (Rescrit 9 mars 2021 BOI-RES-TVA-OOOO82 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-40). Une sectorisation comptable est alors nécessaire, tant pour le membre concerné que pour le groupement.
- Le groupement peut désormais compter parmi ses membres des organismes totalement assujettis à la TVA (groupement mixte)1 . Sur ce point, la position française a donc été assouplie. Mais les services rendus par le groupement à ce membre doivent être imposées à la TVA. (Rescrit 9 mars 2021 BOI-RES-TVA-OOOO82 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-40).
- Enfin, les services rendus à des tiers restent taxables à la TVA de plein droit, dans les conditions de droit commun. Mais les recettes provenant des tiers doivent rester inférieures à 50% du chiffre d’affaires du groupement.
Opérations susceptibles d’être exonérées
L’article prévoit que seules les prestations de service, à l’exclusion donc des livraisons de biens, peuvent faire l’objet de l’exonération ici prévue.
Les services rendus aux adhérents doivent remplir les conditions suivantes :
- Concourir directement et exclusivement à la réalisation d’opérations exonérées ou exclues du champ d’application de la TVA. Les services qui ne sont pas directement nécessaires à l'exercice des activités exonérées de TVA ne peuvent pas bénéficier de l'exonération.
- Les sommes réclamées aux adhérents doivent correspondre exactement à la part leur incombant dans les dépenses et ne pas présenter le caractère forfaitaire : il est admis que les montants soient évalués de manière « aussi équitable que possible » selon la doctrine, en fonction de critères objectifs. Il est également possible au groupement de demander des avances de trésorerie s’il procède par la suite à un apurement en fin d’année et que chacun contribue exactement à la part lui incombant.
À noter
Certains secteurs d’activités exonérés de TVA par exemple (activités bancaires, assurances, mutuelles, caisses de retraite et de prévoyance, qui bénéficiaient de l’exonération de l’article 261B du CGI sur les services mutualisés au sein de leur réseau, ont obtenu du législateur la possibilité, sur option, de constituer un « groupe TVA » leur permettant de continuer à bénéficier d’une exonération de TVA sur toutes les opérations « intra-groupes », alors qu’ils ne peuvent plus bénéficier de l’article 261B du CGI selon la nouvelle jurisprudence communautaire. Seules les prestations avec des tiers restent assujetties à la TVA.
Article 1693 ter du CGI, BOI-TVA-DECLA-20-20-50
1 : Rescrit 9 mars 2021 BOI-RES-TVA-OOOO82 et BOI-TVA-CHAMP-30-10-40