Xavier Delpech – Docteur en droit - Juris associations - Partenaire Associathèque

L’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de Covid-19 avait énoncé que, compte tenu de la crise sanitaire, il pouvait être prévu sur décision de l’instance d’administration ou de direction ou du représentant légal agissant sur délégation de cet organe, que les assemblées des groupements de droit privé puissent se tenir sans que les membres de ces assemblées et les autres personnes ayant le droit d’y assister (commissaire aux comptes, par exemple), ne participent physiquement à la séance. Elle a ainsi ouvert la voie à l’utilisation de la consultation écrite et de la visioconférence dans les assemblée générale.

La difficulté tient à ce que, à lire l’ordonnance, cela n’est possible que « lorsque la loi prévoit que les décisions des assemblées peuvent être prises par voie de consultation ». Or, il a pu être déduit de cette formulation une exclusion du recours à la consultation écrite et à la visioconférence dans les entités pour lesquelles la loi ne le prévoyait pas expressément, ce qui est notamment le cas des SAS et des associations. L’administration a d’ailleurs fait sienne cette interprétation restrictive (cf. les ordonnances prises en application de la loi,d’urgence Covid-19), ce qui a contribué à mettre beaucoup de responsables associatifs dans l’embarras. Certes, le décret d’application du 10 avril 2020 a institué une dérogation à cette interdiction, mais elle concerne un très petit nombre d’associations, à savoir les associations souscriptrices de contrats d'assurance de groupe sur la vie ou de capitalisation. En ce qui les concerne, l’article 8 de ce décret a prévu que le président du conseil d'administration peut décider que le vote par correspondance ou que le vote électronique est possible, sous réserve que les modalités qu'il fixe à cet effet permettent de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin.

Il s’avère que l’ordonnance du 25 mars est applicable seulement aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020 (art. 11). Certes, un décret avait effectivement été publié au cœur de l’été qui avait prorogé l’essentiel des mesures contenues dans l’ordonnance du 25 mars jusqu’au 30 novembre1. Mais il n’était pas possible de prolonger une nouvelle fois l’application de ce dispositif sans faire l’économie de l’adoption d’un texte de valeur législative, alors même qu’une nouvelle prorogation a été rendue indispensable compte tenu de la deuxième vague de l’épidémie et son corollaire, le prolongement de l’état d’urgence sanitaire décidé par la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire2 – jusqu’au 16 février 2021 inclus – et l’ouverture d’un second confinement.

D’où la publication d’une nouvelle ordonnance, du 2 décembre 2020, prise sur habilitation de l’article 10 de la loi précitée. Cette ordonnance proroge l’application de l’ordonnance du 25 mars jusqu’au 1er avril 2021, c’est-à-dire jusqu’au terme de la période transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire fixé par la loi du 14 novembre. Mais, afin de pouvoir adapter la durée du dispositif à l’évolution de la situation sanitaire, l’ordonnance prévoit en outre la possibilité de proroger à nouveau l’application de l’ordonnance du 25 mars au-delà du 1er avril 2021, par décret en Conseil d’État, et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2021 (art. 7). Cette ordonnance devra encore être complétée par un décret, qui viendra modifier le décret précité du 10 avril modifié.

S’agissant des associations, la difficulté réside dans le fait que l’ordonnance du 25 mars, (art. 4), si elle permet à l'organe compétent de décider, quelles que soient les dispositions statutaires, la tenue à « huis clos » et la participation des membres par des modalités de mise en relation à distance telles que la visioconférence ou l'audioconférence, elle ne permet pas pour autant de mettre en œuvre un vote à distance ni un vote électronique des membres si ces modalités ne sont pas déjà prévues dans les statuts. Ce qui, évidemment, a pu contrarier nombre de dirigeants associatifs. En effet, autoriser la tenue de l’assemblée à « huis clos » tout en obligeant à voter en « présentiel », cela n’a guère de sens.

Or, la nouvelle ordonnance, contrairement à celle édictée au début du printemps étend le recours à la consultation écrite dans les assemblées générales à l'ensemble des groupements de droit privé pour lesquels il n'est pas déjà prévu par la loi, à l'exception des sociétés cotées (art. 4). Cette extension vise donc au premier chef les associations. Le texte ajoute que la consultation écrite des membres de l'assemblée intervient soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, les statuts ou le contrat d'émission, lorsque ce mode de prise de décision est déjà prévu par ces derniers, soit, dans le cas inverse – qui concerne nombre d’associations –, dans les conditions qui seront prochainement définies par voie de décret en Conseil d'État.

Par ailleurs, l’ordonnance du 2 décembre 2020 autorise exceptionnellement le vote par correspondance pour les groupements de droit privé pour lesquels ce n’est pas prévu par la loi, disposition qui a vocation, là encore, à bénéficier aux associations (art. 5). L’ordonnance ajoute que la décision de permettre le vote par correspondance incombe à l'organe compétent pour convoquer l'assemblée ou, le cas échéant, à son délégataire, à moins que le vote par correspondance soit de droit pour les membres de l'assemblée.

Cette mesure concerne l'ensemble des décisions relevant de la compétence des assemblées des groupements, y compris, le cas échéant, celles relatives aux comptes. Le vote par correspondance intervient soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, les statuts ou le contrat d'émission, lorsque ce mode de vote est déjà prévu par ces derniers, soit, dans le cas inverse, dans les conditions qui seront prochainement définies par voie de décret en Conseil d'État. C’est dire que ce décret est très attendu par le monde associatif. Il faudra ensuite s’interroger sur la pertinence qu’il y aurait à pérenniser ce dispositif temporaire.

1 : Décr. n° 2020-925 du 29 juill. 2020, JO 30 juill.
2 : L. n° 2020-1379 du 14 nov. 2020, JO 15 nov.