La professionnalisation

En fait les associations sont ainsi conduites à réfléchir davantage au partage de ce qu’elles proposent aux bénévoles, là où la gratuité est indispensable et aux salariés, là où le professionnalisme est indispensable.

Comme toutes les organisations, les associations doivent faire face à un cadre réglementaire qui évolue et se complexifie sans cesse et répondre à de nombreuses problématiques. Aussi attendent-elles de la part de leurs bénévoles une connaissance du secteur, une capacité à collaborer avec d’autres bénévoles, voire avec des salariés, une rigueur dans l’accomplissement de la mission, un respect des règles, des échéances et des contraintes de fonctionnement de l’association, enfin un esprit d’initiative développé. Elles attendent de plus en plus du bénévole, du moins de celui qui est en responsabilité, une efficacité quasi-professionnelle !

Ce professionnalisme attendu des bénévoles de la part de nombreuses associations se manifeste par la mise en place d’un processus de recrutement comparable à ceux qui existent dans les entreprises à l’égard des salariés. Ainsi, certaines associations exigent parfois une démarche personnelle du candidat formalisée par la remise d’une lettre de motivation. Puis le candidat présélectionné devra passer un entretien avec un responsable de l’association, voire se soumettre à des tests d’aptitude. Certaines associations iront-elles un jour jusqu’à faire appel à des « chasseurs de têtes » pour « recruter » des bénévoles ?

Les compétences recherchées

Parler de « professionnalisme » peut choquer ceux qui estiment que l’appellation et ce qu’elle implique est à réserver aux salariés. Or, les associations sollicitent de plus en plus de compétences des bénévoles :

  • Une gestion financière exemplaire est nécessaire pour pérenniser l’action d’une association. Leur trésorier doit donc maîtriser les spécificités de la fiscalité et de la comptabilité des associations, qui n’ont rien d’évident.
  • Sur le plan juridique : la réglementation s’est considérablement densifiée et complexifiée : depuis 2000, on répertorie une bonne vingtaine de nouvelles lois sur les finances, le mécénat, les relations avec les financeurs publics, etc.
  • Sur le plan du contrôle : qu’ils soient publics ou privés, les donateurs et les pouvoirs publics exigent une transparence exemplaire de la gestion des fonds qu’ils apportent, d’autant plus forte qu’on pardonne souvent moins une faute de gestion à une association qu’à une entreprise.
  • Pour la réalisation des activités : de nombreuses activités portées par les associations sont tout ou partie des « activités réglementées » qui nécessitent souvent une qualification ou un diplôme spécifique (comme pour les animateurs ou animateurs sportifs).
  • Le bénévolat, enfin, requiert une « gestion des ressources humaines » à part entière et une bonne connaissance, pour les dirigeants associatifs et les bénévoles, des risques et des responsabilités de leur engagement.

Cette recherche constante de compétences au sein des associations est bénéfique : elle permet des rencontres entre des personnes de qualification, d’âge, d’origines socioculturelles différentes, sources d’enrichissement mutuel, d’adaptation et d’innovation incessantes.

Le bénévolat se professionnalisant, de nouvelles problématiques surgissent : comment peut-on recruter, puis former les bénévoles pour qu’ils deviennent, puis restent des pivots de leur association, voire à plus long terme dirigeant de celle-ci ? Comment valoriser, pour eux-mêmes et pour l’association, l’expérience des bénévoles qui accomplissent de nombreuses activités spécifiques, demandant parfois un grand savoir-faire ? Comment procéder pour prendre en charge les frais des bénévoles et notamment ceux des dirigeants, sans pour autant basculer dans le salariat ? Comment garder les valeurs du bénévolat et de l’association, liberté, gratuité, solidarité... ?

Responsabilité de l’association ou du bénévole

La responsabilité civile : le bénévole victime d’un dommage

Le bénévole d’une association n’est pas à l’abri d’un accident dont il peut être la victime. Aussi, les tribunaux ont admis que la participation d’un bénévole aux actions d’une association crée automatiquement une « convention tacite d’assistance » (elle n’a pas besoin d’être formalisée, par exemple par un écrit) entre l’association et le bénévole.

Cette convention oblige l’association à indemniser le bénévole victime de dommages corporels, mais à condition que le bénévole établisse, conformément au droit commun de la responsabilité civile, l’existence d’une faute et l’imputabilité de celle-ci à l’association (manquement aux règles de sécurité, par exemple).

Cette obligation pour l’association d’indemniser le bénévole n’exonère pas un tiers d’indemniser le bénévole qui aurait subi des dommages par la faute de ce tiers. Et même, l’association peut s’exonérer totalement ou partiellement de cette obligation d’indemnisation, notamment si elle arrive à prouver que l’inexécution de l’obligation de sécurité résulte d’une cause étrangère (force majeure ou fait d’un tiers), ou que le bénévole a lui-même commis une faute à l’origine de son propre dommage. En principe, l’obligation de sécurité de l’association n’est que de moyens.
Civ. 1re, 18 juin 2014, n° 13-14.843

Enfin, si le bénévole est l’auteur d’une faute ayant causé à autrui un dommage, c’est en principe l’association qui doit en répondre.

Il a ainsi été jugé que l’association employeur est tenue d’une obligation de sécurité envers l’un de ses salariés se plaignant d’agissements discriminatoires de la part de bénévoles.
Soc. 30 janv. 2019, n° 17-28.905

Bon à savoir

Un accident peut toujours se produire au cours d’une activité et la responsabilité de l’association ou celle de ses membres peut être recherchée.

Aussi, dans certains cas, l’assurance responsabilité civile est obligatoire. Sont notamment concernés : les centres de vacances, les centres de loisirs sans hébergement, les établissements ayant la garde de mineurs handicapés ou inadaptés, les associations de groupements sportifs, les associations organisatrices de voyages et de séjours.

Dans tous les autres cas, il est vivement recommandé aux associations de souscrire une assurance de responsabilité civile.

Il importe, au moment de l’élaboration du contrat avec l’assureur, de bien inclure toutes les personnes intervenant dans l’association et de recenser les activités mises en œuvre. Le contrat doit prévoir des garanties pour l’activité de ces personnes à l’égard de tiers extérieurs, mais également entre elles.

Par exemple, si l’association sollicite des bénévoles pour transporter avec leurs véhicules personnels, des personnes ou des biens, elle doit vérifier que le contrat d’assurance prévoit cette utilisation.

La responsabilité civile : le bénévole responsable d’un dommage

Du point de vue des tiers, on considère qu’il existe entre l’association et le bénévole un « lien de préposition », c’est-à-dire une forme de rapport hiérarchique, de lien de pouvoir : le bénévole qui participe aux activités de l’association, vu de l’extérieur, agit sous l’autorité directe de l’association.

Ce lien doit être bien distingué du « lien hiérarchique », qui existe entre un employeur et un salarié.

C’est pourquoi, en cas de dommages causés par un bénévole, la responsabilité de l’association peut être engagée sur le fondement de la responsabilité du fait d’autrui prévue par le Code civil. Ainsi, la responsabilité de l’association pourra être engagée si l’on peut prouver que la faute ou l’imprudence du bénévole peut être considérée comme l’accomplissement du lien de préposition.

Dans ce cas, l’association – ou, en pratique, le plus souvent son assureur – devra prendre à sa charge l’indemnisation de la victime et ne pourra pas se retourner vers le bénévole auteur du préjudice. Tel n’en sera pas le cas, à l’inverse, si le dommage a été causé par une faute personnelle du bénévole ; ici, l’association pourra demander au juge de l’exonérer de toute responsabilité et de mettre financièrement à la charge du bénévole la réparation en faveur de la victime (dommages-intérêts).

La responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de liquidation judiciaire de l’association

La responsabilité pour insuffisance d’actif, selon l’article L. 651-2 du code de commerce, « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ».

Ce texte peut valablement être invoqué à l’encontre du dirigeant, bénévole ou non, d’une association contre laquelle a été ouverte une procédure de liquidation judiciaire n'est cependant pas applicable en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sauf si cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire, ce qui n’est pas rare en pratique.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique relative, dite Sapin 2, est venue compléter ce texte en instituant une « exception de négligence », mais au profit du seul dirigeant de société. Cette loi a, en effet, prévu, que, « en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

Puis la loi du 1er juillet 2021 en faveur de l’engagement associatif a étendu l’« exception de négligence » en matière de responsabilité pour insuffisance d’actifs aux dirigeants d’association en faisant désormais référence à toute « personne morale » – ce qui inclut les associations – et non plus seulement les sociétés. Elle a, par ailleurs, atténué les condamnations de dirigeants bénévoles d’association au titre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, prévoyant que « le tribunal apprécie l’existence d’une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant ».

L. n° 2021-874 du 1er juill. 2021, art. 1er ; C. com., art. L. 651-2, al. 1er mod.

La cour d’appel de Versailles a jugé, à propos d’un président bénévole d’une association condamné par les premiers juges à la somme de 150 000 € au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, que l'existence des fautes de gestion qui lui sont reprochées doit être appréciée au regard de sa qualité de bénévole. Ils précisent que la sanction doit être proportionnée à la gravité des fautes de gestion commises et à la situation du dirigeant. De ce fait, ils limitent sa condamnation à la somme de 15 000 €.

Versailles, 16 mai 2023, n° 22/06770

La responsabilité dite « du fait d’autrui » existe lorsqu’une personne A est juridiquement responsable d’une autre personne B : B engage sa responsabilité civile lorsque A a commis une faute. Ce type de responsabilité est régi à l’article 1242, alinéa 1er, du Code civil qui dispose qu’« on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

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La responsabilité pénale du bénévole

Un bénévole, comme toute personne physique ou morale, est susceptible d’engager sa responsabilité pénale s’il est personnellement l’auteur d’une infraction. Cependant, le fait d’être un bénévole d’une association peut parfois être pris en compte par le juge pénal pour apprécier la responsabilité du bénévole, ce qui aura potentiellement une incidence dans le choix de la sanction, mais ne sera en principe pas une excuse faisant disparaître l’infraction. En d’autres termes, la qualité de bénévole ne constitue a priori pas un fait justificatif de l’infraction, mais peut conduire le juge à limiter la sanction infligée. D’ailleurs, en pratique, les tribunaux font preuve d’indulgence à son encontre.

Exemple

Dans une affaire jugée il y a quelques années, le président d’un centre de formation des apprentis constitué sous forme d’association avait utilisé une partie des fonds qu’une collectivité locale avait versés à cette association à des fins autres que le financement de la formation d’apprentis. Ils avaient été utilisés par le président, entre autres, à des fins personnelles (remboursement de frais de restauration et de frais kilométriques, etc.) ou à des activités sans lien avec celle du centre de formation des apprentis.

La Cour de cassation a considéré que de tels détournements de subventions sont constitutifs d’un abus de confiance et a, en conséquence, condamné le dirigeant d’association indélicat à payer à la collectivité, dont elle a admis qu’elle puisse se constituer partie civile, la somme de 549 160,24 euros à titre de dommages et intérêts. Même si l’infraction était, en l’espèce constituée, le dirigeant bénévole est néanmoins parvenu, semble-t-il, à échapper à toute sanction pénale.

Cass. crim. 3 juin 2015, n° 14-82.082

L’association, quant à elle, si elle est régulièrement déclarée, pourra, en tant que personne morale, être également poursuivie et condamnée pénalement si le juge estime que le bénévole qui a commis l’infraction pénale est considéré comme un « représentant » de l’association et qu’il a agi pour le compte de celle-ci. La notion de représentant s’entend largement ; elle ne vise pas le seul président, mais s’applique à toute personne qui a le pouvoir d’engager l’association, ce qui peut être le cas du bénévole.

La gouvernance collégiale, une solution pour l’association ?

Lorsqu’un président arrive en fin de mandat ou décide de cesser ses fonctions, de nombreuses associations peinent à trouver un remplaçant.

La charge de travail, les responsabilités, les compétences requises pour faire face à toutes les situations… Les raisons de ne pas se porter candidat sont nombreuses et souvent justifiées.

Exemple

Gouvernance collégiale - Exemple

Confronté à cette problématique, le Centre France Bénévolat de Côte d’Or, s’est tourné vers la gouvernance collégiale qu’il pratique depuis trois ans.

Cette expérimentation semble avoir porté ses fruits...