Le mécénat

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Par un régime fiscal de faveur, l’Etat français soutient certains organismes sans but lucratif qui satisfont à un ensemble de conditions, objet de modifications majeures depuis une petite décennie. Leurs mécènes bénéficient d’une réduction de leur impôt sur le revenu ou sur les sociétés.

Cette lettre rappelle les conditions générales et spécifiques d’éligibilité, les obligations de l’association et les sanctions encourues.

Les organismes bénéficiaires

Les articles 200 et 238 bis du CGI 1 définissent ces institutions, généralement à raison de leur activité. Par exception, certaines entités sont visées en tant que forme juridique, souvent sans considération de leur activité.

Sont éligibles audit régime les oeuvres ou organismes d’intérêt général de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d’objets ou d’oeuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ainsi que les associations d’intérêt général exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse.

La doctrine administrative comporte encore quelques prises de position relatives à l’éligibilité de certaines activités particulières.
Un fonds de dotation qui déploierait ces premières activités serait également éligible aux termes de ces textes.

La présentation des oeuvres audiovisuelles au public est aussi éligible audit régime depuis la loi de finances 2019 à compter des dons effectués au cours de l’année 2018.

Enfin, sont éligibles les organismes ayant pour activité principale la présentation au public d’oeuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques, de cirque ou l’organisation d’expositions d’art contemporain.

Les modalités de calcul

La réduction d’impôt pour les personnes physiques est égale à 66 % du montant du don, imputable sur l’impôt sur le revenu dans la limite de 20 % du revenu imposable. Toutefois, les dons réalisés au profit d’organismes procédant à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, contribuant à favoriser leur logement ou procédant, à titre principal, à la fourniture gratuite de certains soins à des personnes en difficulté bénéficient d’un taux majoré à 75 % dans la limite de 546 € de don.

Pour les entreprises, le taux est de 60 %, dans la limite de 5 pour mille de leur chiffre d’affaires. Un plafond alternatif de 10 000 € entrera en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020.

1 : Code général des impôts

Les conditions générales d’éligibilité

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Le mécénat profite en principe aux structures établies et/ou agissant en Union européenne et ne s’applique qu’aux « vrais » dons.

La territorialité

Les organismes visés doivent avoir leur siège en France ou dans l’espace européen tel que retenu par l’administration fiscale, et exercer sur ce même territoire une activité éligible. Par exception, il est admis expressément que les dons affectés au financement de certaines actions notamment humanitaires réalisées dans des pays tiers demeurent éligibles, ou encore que certaines structures telles que des ramifications de l’Organisation des Nations Unies le soient également sans que leur siège ne soit en Europe.

Le don : sa forme

Le don n’est pas qu’une remise d’espèces. Le don en numéraire demeure toutefois le plus fréquent en pratique. Le donateur peut encore transmettre un bien dans le cadre d’un don en nature. Un bénévole peut aussi décider d’abandonner à l’association certains revenus comme le remboursement de frais exposés pour l’activité non lucrative. Enfin, la cotisation versée par un membre peut parfois constituer un don.

Le don : l’absence de contrepartie

Par son don, le donateur a la volonté de s’appauvrir irrémédiablement au profit de la structure qu’il souhaite favoriser. Seul un réel don ouvre droit à la réduction d’impôt. Si le versement a une contrepartie telle qu’il peut être assimilé à un prix, la relation n’est pas désintéressée et pourrait même aboutir à la reconnaissance d’une activité lucrative, entraînant potentiellement la fiscalisation de la structure.

L’administration admet l’octroi de contreparties institutionnelles (qualité de membre pour le versement de la cotisation éligible par exemple) ou symboliques. Elle est plus difficile si un bien ou une prestation de services est fourni en échange. Elle exige alors une disproportion marquée (rapport de 1 à 4) et une valeur totale faible, par année civile et par donateur, de l’ordre de 65 € (soit environ 300 € de don).

La condition spécifique d’éligibilité : l’intérêt général

Il est généralement requis de l’organisme qu’il soit d’intérêt général, dans le sens fiscal de l’expression.

L’absence de gestion intéressée

L’organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation. Il ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfices, sous quelque forme que ce soit. Enfin, les membres ne peuvent être attributaires d’une part quelconque de l’actif sauf exercice du droit de reprise de leurs apports.

La détermination de ce caractère implique notamment d’examiner la rémunération de tous dirigeants, de fait comme de droit. La gestion intéressée implique une fiscalisation d’ensemble de l’association et l’impossibilité de se revendiquer éligible au régime fiscal du mécénat.

L’absence d’activité lucrative

L’activité lucrative s’entend de l’activité qui concurrence une entreprise commerciale. L’administration doit ainsi établir qu’il existe une concurrence réelle par le secteur marchand dans la même zone d’action, délimitée au regard de l’activité. L’association peut s’exonérer d’impôts commerciaux en démontrant qu’elle exerce ladite activité dans des conditions distinctes en termes de produits, de public, de prix et de publicité.

Si l’association ne déploie que des activités non lucratives au sens de cette règle dite des « 4P », ou réalise une activité lucrative significativement non prépondérante dans des conditions différentes, alors elle pourra être éligible au mécénat, toutes autres conditions devant par ailleurs être satisfaites.

L’absence de fonctionnement au profit d’un cercle restreint de personnes

L’intérêt général s’oppose aux intérêts particuliers. Dès lors, une association qui a pour bénéficiaires effectifs une catégorie précise voire restreinte de public ne peut être éligible au mécénat. Les intérêts particuliers doivent être clairement individualisables. L’administration mobilise un faisceau d’indices pour apprécier concrètement la mission et les bénéficiaires des actions de l’organisme.

Suite à plusieurs rapports parlementaires, la doctrine administrative a admis que l’appartenance à un groupe déterminé ne permet pas de présumer que cette condition ne serait pas satisfaite. Il en va de même lorsque l’association vise un public déterminé en fonction d’un état particulier (orientation sexuelle, handicap particulier etc.). Certaines prises de position en la matière de l’administration fiscale sont publiées au BOFiP-Impôts.

Déclarations et justifications

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Le mécène doit déclarer son don dans sa liasse fiscale ou sa déclaration annuelle de revenus afin de bénéficier de la réduction d’impôts. Il doit tenir à la disposition des services fiscaux la preuve du versement.

Les reçus fiscaux

Les associations éligibles remplissent et adressent aux donateurs particuliers un reçu fiscal conforme au modèle cerfa 11580. En cas de contrôle, les donateurs doivent présenter ledit reçu. À défaut, la réduction d’impôt sera reprise, avec pénalités fiscales. Pour les entreprises, le bénéfice de la réduction d’impôt n’est pas subordonné à la production d’un tel reçu. Le donateur devant justifier la réalité des versements – et tenir correctement sa comptabilité – il lui appartient de produire tout document de nature à en attester. L’administration admet par commodité que les modèles de reçus pour particuliers soient également utilisés dans ce cas.

La nouvelle obligation de déclaration

La loi de finances pour 2019 a entendu les appels répétés de la Cour des Comptes en instaurant une obligation de déclaration de versements ouvrant droit à réduction d’impôt au titre du mécénat pour les entreprises qui effectuent plus de 10 000 € de dons au cours de l’exercice comptable. Les associations bénéficiaires devront être précisées, ainsi que les contreparties reçues directement ou indirectement, avec indication de leur valeur. Les organismes sans but lucratif devront être encore plus attentifs s’ils remettent des contreparties à leurs mécènes. Le caractère inévitable de l’appréciation de leur proportion est renforcé. La déclaration sera télétransmise en même temps que la déclaration de résultat, dans des conditions à fixer par décret.

Les sanctions

La délivrance de documents tels que les reçus fiscaux, ouvrant droit à un avantage fiscal, par une association non éligible au mécénat peut faire l’objet de sanctions fiscales.

L’abrogation de l’amende spécifique

Auparavant, une amende fiscale de 25 % des sommes indûment mentionnées sur le reçu fiscal – ou à défaut, une amende égale au montant de la réduction d’impôt – frappait l’association bénéficiaire du versement. Le Conseil constitutionnel a considéré que cette mesure méconnaissait le principe constitutionnel de proportionnalité de la peine. En effet, aucune distinction n’était prévue en fonction du caractère intentionnel du manquement. Les juges ont abrogé la disposition légale contestée mais en ont reporté l’effet à compter du 1er janvier 2019. Le législateur a bien entendu profité de ce délai, clairement pensé pour l’adoption de la loi de finances pour 2019, pour rétablir une version différente du texte, visant à se mettre en conformité avec la Constitution.

La réapparition de l’amende

L’amende dans sa nouvelle version est applicable aux seules personnes ayant sciemment délivré les documents ayant permis l’obtention d’un avantage fiscal indu. Par ailleurs, le taux n’est plus fixe, à 25 %, mais égal au taux de la réduction d’impôt, soit en l’occurrence 60 ou 66 %. La possibilité de prononcer, en cas de silence, une amende égale au montant de la réduction est maintenue.
Il faut désormais attendre que l’administration se saisisse de cette nouvelle rédaction dans des cas concrets soumis à l’office du juge de l’impôt, sans s’interdire de questionner dès à présent ses propres comportements pour déterminer dans quelle mesure ils peuvent être critiqués sur cette base. L’administration présumera-t-elle, par exemple et dans certains cas, que l’association délivre sciemment les documents en cause ?

Si le régime fiscal du mécénat en faveur des organismes sans but lucratif est un formidable levier de développement, il ne doit être qu’un outil de financement à activer parmi d’autres, et ne doit notamment pas être la seule raison d’être de l’association. En tout état de cause, le recours à ce mécanisme dérogatoire doit être encadré dès sa mise en oeuvre, avec réalisation d’un audit et d’une analyse approfondis de la structure et de ses pratiques et activités, puis faire l’objet d’un suivi constant et spécifique. Cette préconisation s’est renouvelée avec acuité en raison de la restriction de la portée de l’amende fiscale et l’instauration d’une obligation déclarative à la charge, pour l’instant, des seules entreprises mécènes.

Dossier réalisé par Juris associations pour le Crédit Mutuel

Auteur

Le bimensuel des organismes sans but lucratif et de leurs secteurs d’activité depuis plus de 30 ans.
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