Devinette...

Top ! Je suis un mode de financement né dans le domaine des actions de charité au XVIIIème siècle.

Je me fais connaître plus largement à la fin du XIXème siècle, en ne permettant rien de moins que la construction de la Statue de la Liberté, grâce à une campagne de promotion lancée en France à l’automne 1875. À la clef 100 000 contributeurs particuliers, en sus des villes et des chambres de commerce, pour une collecte finale qui atteint les 400 000 francs, de l’époque s’entend. Puis en 1885, je permets de contourner le refus du congrès américain de financer le socle de la-dite statue, en donnant la possibilité aux classes aisées américaines d’apporter leur contribution financière.

En 2008, j’ai participé avec succès et brio à la campagne couronnée de succès de Barack OBAMA aux USA, en permettant de collecter la bagatelle de 150 millions de dollars auprès du grand public.

La même année, j’ai propulsé le chanteur Grégoire sur le devant de la scène en lui permettant de produire son premier album en moins de deux mois, grâce à 70 000 euros bienvenus. Un peu plus tard, c’est au tour d’Irma, chanteuse de son état, de bénéficier de la même aubaine, captée cette fois en l’espace de seulement trois jours. Puis j’ai étendu mon champ d’intervention à la rénovation des monuments historiques ; ainsi, de généreux donateurs ont apporté 64 000 pour contribuer à la rénovation du Dôme du Panthéon.

Kickstarter est l’un de mes plus éminents représentants.

Je suis... Je suis...

Le « Crowdfunding » bien sûr, ou autrement dit la Finance Participative, la petite bête qui monte, et de façon exponentielle ces dix dernières années si l’on en croit les chiffres.

Définition

Le « Financement par la foule »

Le CrowdFunding, ou Finance Participative – littéralement « financement par la foule » – se traduit dans les faits par des transactions financières entre des individus, voire entre des individus et des entreprises, avec pas ou peu d’intermédiation par les acteurs traditionnels, dans le but de financer des projets de natures très diverses. En ce sens la Finance Participative se positionne clairement comme une forme alternative de financement, quelle que soit la nature du porteur du projet.

La montée en puissance ces dernières années d’internet et des réseaux sociaux a favorisé l'émergence de plus en plus rapide des plateformes de finance participative. Cette tendance s'inscrit dans un mouvement plus global : celui de la consommation collaborative1.

Différentes finalités

4 grandes familles de plateformes sont usuellement reconnues :

  • de don (« Donation-based »),
  • de financement sans contreparties financières (« Reward-based »),
  • de financement avec prise de participation (« Equity-based »),
  • de prêt contre intérêts (« Lending-based »).

En France, trois familles de Finance Participative ont émergé, reprises par le site de Bpifrance, tousnosprojets.fr : le don, avec ou sans contrepartie, le prêt, avec intérêt ou sans intérêt et l’investissement en capital, c’est-à-dire en actions.

À ce jour, les plateformes de dons dominent outrageusement le marché.

Les plateformes de dons (dites reward-based crowdfunding) captent les levées de fonds sur internet pour des causes charitables ou de type mécénat. Les contreparties offertes aux internautes en échange des sommes reçues sont symboliques... ou nulles.

C’est historiquement le type de « CrowdFunding en ligne » le plus ancien, porté par des sites comme JustGiving, et cela reste le plus gros secteur en volume avec 1,4 milliard de dollars au niveau mondial pour 2012, malgré les plus basses contributions unitaires.

Le prêt contre intérêts, soit le prêt entre particuliers, le micro-crédit ou encore le prêt de particuliers aux entreprises... a également le vent en poupe. Au niveau mondial : le secteur a représenté 1,2 milliard de dollars en 2012, ce volume étant en constante augmentation.

Le financement participatif, basé sur des actions, est bien moins développé, mais selon les dires de certains, notamment aux Etats-Unis, pourrait bien supplanter prochainement ses deux cousins. Le Job Acts, aux USA, et l’évolution des réglementations européennes, et notamment française, devraient favoriser largement son expansion.

Secteurs d’activités

De plus en plus de secteurs d’activités sont touchés par le phénomène : commerces de proximité (Tudigo...), mode (Myfashionline...), cinéma (Ulule...), musique et spectacles (MyMajorCompany, PledgeMusic...), jeux vidéos et de société (My Witty Games, Gamesplanet Lab...), presse (Glifpix...), sport (Tennis Angels, Myfootballclub...), création de société (Fondatio, Z’entreprendre...), innovation (Cashabiz...)...

Parmi les concepts récemment développés, des plateformes spécialisées dans l’acquisition et la micro-promotion immobilière permettent désormais d’investir dans le secteur immobilier. Lymo.fr est ainsi la première plate-forme française de CrowdFunding spécialisée dans l’immobilier, illustre parfaitement ce nouveau créneau. Lymo.fr propose aux investisseurs particuliers d’investir collectivement dans la pierre. Six mois après son lancement en phase test en 2013, la start-up toulousaine avait déjà permis le financement de trois projets immobiliers et levé 500 000 euros auprès de particuliers.

Autre piste, la première plateforme de financement participatif au profit exclusif de projets scientifiques a vu le jour en France : elle s'appelle DaVinciCrowd.com. Lancé par l'Institut Français des Fondations de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (IFFRES) (créé en 2010 dans le but de favoriser le mécénat privé), le nouvel outil a pour objectif de pallier l'étiolement des subventions publiques à la science par une nouvelle stratégie : faire appel aux internautes.

En Suède, des internautes de plus de 30 pays se sont ralliés à iCancer et ont aidé les chercheurs suédois en effectuant des dons d’un montant de 2 millions de livres (2,3 millions d’euros), soit le montant qui était nécessaire pour pouvoir poursuivre la recherche sur une nouvelle forme de cancérothérapie.

En Angleterre, les collectivités locales se mettent également au « CrowdFunding », afin de financer les projets communautaires que les réductions de budgets publics menacent directement. Au cœur de cette démarche, figure Spacehive, une plate-forme dédiée exclusivement au financement « de voisinage ». Fondamentalement, il s'agit d'un site de « CrowdFunding » classique, dont l'objectif est donc de mettre en contact des porteurs de projets avec des « investisseurs ». Sa particularité est de cibler des actions locales, dont les contributeurs pourront bénéficier concrètement (ils ne reçoivent d'ailleurs aucune autre « rétribution », sous quelque forme que ce soit).

A priori, aucun domaine n’échappe au rayonnement du « Crowdfunding », pour peu que le projet soit porteur... et bien vendu.

Chiffres clefs et évolution

2010, 2011 et 2012 affichent des scores au niveau mondial étonnants, respectivement 840 millions, 1,4 puis 2,7 milliards de dollars de collecte, soit 1,4 milliards côté don pour 1,2 milliards de prêts et seulement 116 millions d’investissements en actions.

L’Amérique du Nord reste largement en tête avec, pour 2012, 1,6 milliards de collecte contre 945 millions pour la vieille Europe.

En France sur la même période, ce sont 27 millions d’euros qui ont été collectés sur 2012, et même 628,8 millions d’euros en 2016. C’est dire que le développement du financement participatif est considérable. Caractéristique unique semble-t-il, c’est le modèle du prêt qui s’impose chez nous, avec 48 millions de collecte à lui seul, un seul acteur concentrant toute la collecte, avec... 43 millions d’euros (2013). Autant dire qu’il reste du chemin à parcourir.

Ce sont ainsi 11 000 projets qui ont été financés l’année dernière par 330 966 contributeurs. Plus de 314 000 se sont orientés sur les dons, quand près de 14 000 ont préféré les prêts.

Deux catégories de projets se distinguent : les financements d’entreprises et les projets associatifs qui recueillent respectivement 44 % et 21 % des efforts.

Et attention à la claque, le potentiel estimé par les analystes (Forbes) frise les 1 000 milliards de dollars d’ici à 2020 (768 milliards d’euros / dont 6 au niveau de la France), compte tenu des progressions enregistrées jusque lors.

Méfiance donc, mais la promesse est alléchante...

La réglementation à la rescousse ?

Législation

Bien longtemps aucune législation n’a encadré l’activité...

Devant la montée en puissance du phénomène du financement participatif, et en raison du danger qu’il y avait à laisser ce mode de financement dans une situation de vide juridique, les pouvoirs publics français ont décidé de réagir. Il existe aujourd’hui un cadre légal pour le financement participatif qui résulte d’une Ordonnance du 30 mai 2014, complétée par un décret du 16 septembre 2014. Ces textes ont été intégrés dans le code monétaire et financier.

Parallèlement, en mars 2015, la Direction générale du Trésor avait lancé le label « Plate-forme de financement participatif régulée par les autorités françaises », destiné à offrir aux clients des plates-formes titulaires de ce label l’assurance du respect par elles de la règlementation française du financement participatif.

Pour la prise de participation dans les entreprises :

  • Un statut dédié de conseiller en investissement participatif (CIP) a été créé.
    Les CIP sont régis par l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui délivre le statut « d’agrément officiel » et assure le contrôle des plateformes ;
  • Les plateformes ont des obligations de transparence sur leurs frais et rémunération, et d’information des investisseurs à propos des risques ;
  • L’obligation de publicité est simplifiée pour les plateformes, dans le souci d’alléger les contraintes notamment en termes de prospectus ;
  • Enfin, elles peuvent collecter jusqu’à 1 million d’euros pour un projet sans être soumis à la réglementation relative à l’offre de titres au public (anciennement « appel public à l’épargne »).

Pour le prêt :

  • Les prêts rémunérés à d’autres particuliers ou à des entreprises sont autorisés sous condition que le montant par projet n’excède pas 1 million d’euros et que chaque contribution individuelle ne dépasse pas 2 000 euros par projet s'il est rémunéré et 5 000 euros s'il ne l'est pas ;
  • Un statut spécial a été créé – IFP (Intermédiaire en Financement Participatif) – délivré et contrôlé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et non conditionné à un minima de fonds propres ;
  • Les plateformes sont tenues d’informer le public à propos des risques et de proposer une « aide à la décision » ;
  • Elles doivent faire preuve de transparence quant à leurs frais et rémunération.

À l’échelle européenne, a été adopté un « paquet européen » en matière de financement participatif qui comprend le règlement (UE) 2020/1503 et la directive (UE) 2020/1504 du 7 octobre 2020. Deux ordonnances, n° 2021-738 du 9 juin 2021 et n° 2021-1735 du 22 décembre 2021, ont été édictées pour mettre en conformité le droit français avec ce cadre européen. Un décret d’application, le décret n° 2022-110 du 1er février 2022, a ensuite été publié. Ce nouveau dispositif est entré en vigueur immédiatement, soit le 4 février 2022. Le règlement (UE) 2020/1503 a créé un nouveau statut européen, celui de prestataire de services de financement participatif (PSFP) qui se substitue au statut de CIP et qui pourra concourir au financement participatif en prêts, pour un montant plafonné à 5 M euros par projet. Les IFP n'interviendront plus que pour les petits financements. Le financement participatif sous forme de prêts ou d’investissements en titres financiers se fera à terme essentiellement sous ce nouveau statut.

Pour qui, comment et à quel prix ?

Accessibilité universelle ou presque

Tout un chacun peut donc faire appel au « Crowdfunding », les particuliers, les entreprises, les collectivités, tout comme les associations, et bénéficier donc d’une forme alternative de financement.

Sous réserve toutefois que le projet soit bien ficelé et l’affaire un tant soit peu carrée. En effet, toute « Crowdfunding » soit-elle, la démarche ne s’improvise pas.

Il faut concevoir un projet fiable et « appétent » bien sûr, mais également choisir la ou les plateformes, à même de l’accueillir et de lui offrir la meilleure visibilité. Nous l’avons vu ces dernières se spécialisent par nature de « Crowdfunding » (prêt, dont, participation), mais aussi souvent par types d’activités. Il conviendra donc d’opter pour la bonne formule. Helloasso.com en est un bon exemple pour ce qui concerne le monde associatif.

Pour autant, l’affaire n’est pas jouée. De nombreuses plateformes étudient les projets avant de les accepter. Par la même occasion elles accompagnent souvent les porteurs de projets pour que les dossiers soient le mieux ficelés possible. Un projet peut en outre être déposé sur plusieurs plateformes pour multiplier les chances de succès.

Enfin il faut savoir que les plateformes prélèvent au « porteur de projet » des frais, compris généralement entre 5 % et 10 % de la collecte réussie, ou beaucoup plus rarement laissent au donateur le choix du « pourboire » pour le service rendu.

Dernier point à prendre en considération, la période de collecte est généralement confinée, de quelques jours à trois mois maximum dans la majorité des cas. Il convient donc de planifier l’action à mener en tenant compte de tous ces paramètres.

Retours attendus

Le retour côté contributeur peut prendre différentes formes :

  • Rien : aucune contrepartie n’est prévue, sinon la satisfaction d’avoir participé à un projet, bien sûr ; il s’agit, en quelque sorte, d’une contrepartie morale ;
  • Honorifique : le nom du donateur est porté sur une liste par exemple ;
  • Un cadeau : un produit ou un service émanant du projet soutenu est offert ;
  • Le capital : les remboursements (hors intérêts) sont versés périodiquement ;;
  • Des intérêts : ils sont servis le cas échéant au fil des remboursements ;;
  • Un pourcentage : il est perçu en fonction de l’investissement de départ ;
  • Des parts : elles peuvent prendre la forme d’actions, de dividendes, de bénéfices.

Il peut arriver aussi que l’investissement revienne à une perte sèche, si le projet « capote » après son lancement, ou, dans de très rares cas, fait l’objet d’une fraude.

Fiscalité

Si elle est très rarement évoquée la fiscalité est pourtant belle et bien une donnée à prendre en considération, et ce pour les trois types de financement participatif, le don, le prêt et l’apport en capital.

Côté don, si l’association bénéficiaire peut délivrer des reçus fiscaux, le don effectué peut donner droit à réduction d’impôt au bénéfice du donateur, sous réserve du respect de certaines conditions propres aux dons et subventions ayant un caractère d’intérêt général. L’association, quant à elle, selon qu’elle est fiscalisée ou non, devra payer des impôts, le cas échéant, sur les dons perçus. De même, sa TVA pourra être impactée si les contreparties offertes, le cas échéant, sont des produits régulièrement vendus par elle.

Les prêts entre particuliers n’échappent pas à certaines obligations et sont soumis aux règles du contrat de prêt en général, en l’absence, pour l’heure, de règles spécifiques au P2P : la législation exige donc qu’un prêt entre particuliers, dont le montant est supérieur à 5 000 € (760 € jusqu’au 26 septembre 2020), soit déclaré à l’administration fiscale.

À défaut, il pourrait être considéré comme un revenu de l'emprunteur et donc soumis en tant que tel à l'impôt sur le revenu. Attention, ce seuil de 5 000 € s’applique au total des prêts entre particuliers accordés sur une même année civile. La rémunération de ces prêts est libre, dans la limite bien sur des taux d’usure. Tant l’emprunteur que le prêteur doivent déclarer la part des intérêts payés ou reçus, qui sont alors soumis à l’impôt sur le revenu. Signalons ici que le système retenu par une plateforme comme Prêt d’Union permet de déclarer les intérêts au titre de revenus sur valeurs mobilières puisqu’il repose sur une mécanique d’investissement en Fonds Commun de Placement (FCP).

Risques

Pour les contributeurs, hormis « l’arnaque », très rare, le principal risque est que le projet ne capte pas assez de fonds pour aboutir. Ce qui n’aura pour effet pour lui... que de récupérer ses fonds sans perte, dans la très grande majorité des cas. En effet, la levée de fonds n’est effective que si le quota de collecte est atteint. Dans le cas contraire les fonds retournent aux contributeurs.

Pour les porteurs, cela revient à ne pas pouvoir disposer des fonds sur lesquels il comptait pour lancer son projet.

Il faut savoir que très peu de plateformes proposent une garantie quant au risque de perte de capital. Jusque très récemment, car les choses pourraient bien bouger avec l’initiative de Zopa. Cette plateforme de « P2P lending » introduit une notion de garantie qui la distingue de la masse. Désormais, elle garantit l'investissement des prêteurs avec Zopa Safeguard. En pratique, cela se traduit par la mise en place d’un fond mutualisé, abondé par les commissions des emprunteurs, l’objectif étant bien sûr de crédibiliser le dispositif à leurs yeux et donc de les fidéliser, voire d’en développer le nombre.

Sur des plateformes comme Prêt d’Union, en France, portée par une banque, un système d’assurance est classiquement intégré. D’autres tolèrent d’emblée un certain niveau de prise de risque (entre 25 % et 75 %), comme la NEF (aujourd’hui rebaptisée Zeste, plateforme de financement participatif dédiée aux projets de la transition écologique et solidaire).

D’autres encore, comme WiSEED, rappellent simplement aux investisseurs potentiels les aléas du capital risque : « sur 10 entreprises investies, 3 seront liquidées (perte totale de l’investissement), 2 permettront un multiple de 10 ou plus, le gain sur les autres sera entre fois 1 et fois 3 ».

Le site Happy Capital propose d’ailleurs ouvertement aux investisseurs de répartir le risque « entre une société qui démarre et une société qui a plusieurs années d’existence et dégageant déjà du résultat ».

Attention

Si le CrowdFunding se révèle donc une alternative séduisante à un besoin de financement, il n’empêche pas rigueur et professionnalisme dans l’approche, et ne doit pas faire oublier la notion de risques, aussi minimes soient-ils.

1 : La consommation collaborative désigne un modèle économique où l'usage prédomine sur la propriété : l'usage d'un bien, service ou encore privilège, peut être augmenté par le partage, l'échange, le troc, la vente ou la location de celui-ci.