Xavier Delpech – Docteur en droit, Juris associations - Partenaire Associatheque.fr

À défaut, les fondateurs d’une association ayant bénéficié, grâce à celle-ci, de subventions auxquelles ils ne sont normalement pas éligibles doivent répondre de leurs agissements. Telle est la leçon à tirer de cette intéressant arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Création d’une association d’aide aux personnes

Une association a été créée au cours de l’été 2013 par des dirigeants d’une société ayant pour activité principale la fourniture de services à la personne et d’aide à domicile.

L’objet de cette association était louable : « venir notamment en aide aux familles ainsi qu’aux personnes âgées dans leurs tâches et activités de la vie quotidienne et ce, par une assistance personnelle à leur domicile ».

Il s’avère qu’un certain nombre de salariées ont été engagées par l’association par un contrat de travail associé à un emploi d’avenir. Par avenant à ces contrats, ces salariées ont été mises à disposition de la société pour travailler auprès des familles. Les contrats de mise à disposition ont pris fin le 1er mars 2014, à la suite de la contestation par l’administration – la Dreets (Direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l’emploi et des conditions de travail) – de l’éligibilité de l’association au dispositif emploi d’avenir et du retrait de certaines aides publiques.

Une procédure de liquidation judiciaire a ensuite été ouverte à l’égard de l’association fin 2014.

Mise en liquidation judiciaire de l’association et intervention de l’AGS

Le régime de l’assurance de garantie des salaires (AGS) a alors pris en charge une partie des sommes dues aux salariés de l’association, au titre des salaires impayés et de l’indemnité de préavis qui leur était due. Pour mémoire, l’AGS est un dispositif, financé par les employeurs, qui permet de garantir le paiement des sommes dues aux salariés (salaires, préavis, indemnités de rupture, etc.) en cas de procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Cette garantie est financée par une cotisation patronale obligatoire pour tous les employeurs.

L’AGS a alors réclamé à la société une certaine somme, correspondant aux avances consenties par cette dernière dans le cadre de la liquidation judiciaire de l’association au bénéfice des salariées au titre des salaires et de l’indemnité de préavis. La société, refusant de donner droit à cette demande, a été condamnée par la cour d’appel de Lyon à verser à l’AGS ladite somme.

La chambre sociale de la Cour de cassation confirme pleinement cette condamnation. Elle approuve la cour d’appel d’avoir jugé que la société avait dissimulé l’embauche des salariés derrière un dispositif d’emplois aidés pour lesquels elle n’était pas éligible en créant une association, laquelle avait ensuite mis à la disposition de la société le personnel qu’elle avait engagé. La cour d’appel ajoute que la société n’avait pas apporté à l’association, en difficulté financière pour payer les salariés, les aides qu’elle aurait dû apporter compte tenu des liens étroits entre elles. Elle a ensuite retenu que l’AGS n’avait pas à supporter les frais d’une telle situation de confusion et d’imbrication des deux entités.

Responsabilité extracontractuelle de l’auteur de la pratique frauduleuse

Reste à savoir sur quel fondement la société est condamnée à l’égard de l’AGS.

C’est sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle que c’est basée la cour d’appel de Lyon, là encore approuvée par la chambre sociale. La faute génératrice de responsabilité commise par la société réside dans le fait que celle-ci avait mis en place un montage juridique lui permettant, par le truchement d’une association créée à cet effet, de bénéficier frauduleusement des subventions de l’État.

La suppression de ces subventions ayant entraîné la dissolution de l’association et la mise en jeu de la garantie de l’AGS, la cour d’appel a ainsi caractérisé la faute de la société et le préjudice en résultant pour l’AGS et a légalement justifié sa décision de condamnation.

Source : Soc. 12 févr. 2025, n° 23-22.310