Brigitte Clavagnier – ELAN Avocats - Partenaire Associatheque.fr

Une association ne peut prétendre au bénéfice d’une exonération d’impôts commerciaux que si sa gestion est strictement bénévole et désintéressée et qu’elle exerce une activité non concurrentielle ou dans des conditions caractérisant son utilité sociale (règle des « 4P »).

La première condition implique qu’aucun administrateur ou membre du bureau ne perçoive d’avantages directs ou indirects, y compris par personne interposée, provenant de l’association. Cela vise tout type d’avantages, quelle que soit leur nature et qualification, dès lors qu’il ne s’agit pas de stricts remboursements de frais sur justificatifs engagés pour les besoins et dans l’intérêt de l’association et que les montant excèdent la tolérance administrative de ¾ du SMIC ou les limites légales fixées aux article 261-7-1°, d) du code général des impôts.

Si l’on évoque régulièrement, dans ce cas, les conséquences fiscales encourues par l’association (assujettissement à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun, à la TVA et à la contribution économique territoriale sur l’ensemble de ses revenus), les conséquences pour le bénéficiaire n’en sont pas moins significatives. La jurisprudence récente en offre quelques illustrations.

  • La première situation, relativement fréquente, concerne une association créée pour permettre à son fondateur de bénéficier d’un cadre juridique et fiscal « avantageux », partant du principe erroné qu’une association est exonérée d’impôt. Mais en cas de contrôle fiscal, une telle situation peut devenir redoutable non seulement pour l’association qui sera assujettie aux impôts commerciaux, mais aussi pour son dirigeant ayant bénéficié d’avantages divers ou de revenus « occultes ».

La cour administrative d’appel de Paris1 a eu le cas de la situation d’une association ayant pour objet social « le développement de la connaissance de la psychanalyse ». Un contrôle fiscal a mis en évidence le fait que l’association était référencée sur le site des Pages Jaunes, dans la liste des psychanalystes, dans la même rubrique que les trois autres professionnels libéraux installés dans la même zone géographique d’attraction. L’annonce faisait état de l'accompagnement, « en séances individuelles, de personnes qui souffrent de conflits intérieurs et qui souhaitent mieux se connaître ». Ces séances étaient réalisées par la Présidente fondatrice, l’association n'employant aucun autre psychanalyste ni aucun autre salarié.

La Cour administrative d’appel a considéré que la présidente avait constitué sa clientèle, grâce au référencement de l’association sur ce site. Les services offerts par cette association étaient en concurrence avec ceux proposés au même public par les autres psychanalystes de la ville, à des tarifs équivalents et les méthodes commerciales utilisées ne différaient pas de celles des autres professionnels.

L’Administration fiscale a donc pu considérer à juste titre que l’association exerçait une activité concurrentielle lucrative.

De plus, la Présidente assurait la gestion et l’administration de l’association qu’elle représentait vis-à-vis des tiers. Son époux était le secrétaire.

La Présidente détenait seule la signature bancaire, prélevait tous les trimestres, sur le compte bancaire de l’association, une somme forfaitaire de 1 000 euros, et a fait prendre en charge par celle-ci diverses dépenses personnelles dont elle n’a pu justifier l’intérêt pour l’association. La Présidente avait donc un intérêt direct dans les résultats de l'exploitation de l'association dont la gestion présentait dès lors un caractère intéressé. Lors de la reconstitution du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés de l’association, l’administration fiscale a refusé la déduction de ces dépenses personnelles, étrangères aux besoins des activités de l’organisme.

Par ailleurs, la Présidente s’est vue reprocher à titre personnel d’avoir perçu des « revenus réputés distribués ». Or, il a été jugé que les avantages, consentis au dirigeant d'une association exerçant une activité lucrative - et donc passible de l'impôt sur les sociétés- constituent des bénéfices distribués, imposables entre les mains du dirigeant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers2 et soumis aux contributions sociales.

En l’espèce, la présidente n’a pu apporter la preuve de ce qu’elle n'a pas appréhendé les revenus réputés distribués en litige alors qu'elle gérait et administrait seule l'association.

Dans ces conditions, elle doit être regardée comme le maître de l'affaire et, par suite, comme le bénéficiaire des revenus réputés distribués par cette association, le tout étant majoré des intérêts de retard et de pénalités.

Il faut également savoir que la responsabilité pénale du dirigeant d’association peut être engagée pour fraude fiscale lorsque l’association n’est en réalité qu’un stratagème permettant à son dirigeant de faire échapper ses activités à l’impôt3. Le risque est d’autant plus important que les dispositifs matière de fraude fiscale et d’abus de droit ont été étendus et durcis.

Notons également en dernier lieu dans cette affaire, que l’exercice des consultations individuelles en matière de psychanalyse n’est pas explicitement mentionné dans l’objet social de cette association qui porte sur « le développement de la connaissance de la psychanalyse ». Cela peut constituer une infraction de pratique para-commerciale, également susceptible d’engager la responsabilité pénale de la présidente. Par exemple, a été condamné le président d’une association se livrant à des activités lucratives non prévues par les statuts et s’adressant à des personnes non adhérentes sollicitées par voie publicitaire4.

  • De façon particulièrement sévère, cette notion de « revenus distribués » a également été appliquée aux sommes forfaitaires versées par un club de foot à un dirigeant bénévole qui faisait valoir qu’elles correspondaient à des remboursements de frais de déplacements effectués pour le compte de l'association.

Pour justifier ces déplacements, le bénévole a communiqué à l’administration fiscale un tableau par année d'imposition, énumérant des frais sous l'intitulé « indemnisation kilométrique » et mentionnant, outre son nom et ses coordonnées, des dates, des motifs de déplacement et des distances exprimées en kilomètres. Selon la juridiction administrative, les seules mentions de ce tableau ne peuvent suffire à établir la réalité des dépenses correspondant aux remboursements en cause, en l'absence de production, notamment, de tickets de péage ou d'achat de carburant, et à tout le moins de justification de l'utilisation par ce dirigeant de son véhicule personnel. Dès lors, les sommes versées par l'association au titre de remboursements de frais kilométriques sont constitutives d'un avantage en nature, sans contrepartie. La gestion du club de foot ne peut par suite être regardée comme désintéressée et c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposés les sommes versées au bénévole en tant que rémunérations et avantages occultes, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions de l'article 111, c) du code général des impôts.

En conséquence, il convient de prêter une grande attention aux modalités de remboursements de frais qui, s’ils ne peuvent être justifiés précisément, peuvent en cas de contrôle fiscal, être considérés comme des avantages et rémunérations occultes, entrainant, outre l’assujettissement de l’association aux impôts commerciaux, une procédure de rectification de la situation fiscale des bénéficiaires et l’imposition supplémentaire des revenus occultes qu’ils ont perçus.
CAA de PARIS, 2e chambre, 19 mars 2025, 23PA03767

1 : CAA Paris, 9e, 17-01-2025, n° 23PA05068
2 : CE plén10-4-1992 n° 77319., Paccou : RJF 6/92 n° 823 ; BOI-RPPM-RCM-10-20-10 n° 30, 12-9-2012
3 : Cass. Crim. 3 janvier 1983, D. 1984, 615, note Renoux
4 : Cass. Crim. 19 octobre 1992, n° 91-86-998