Philippe Guay – Directeur Stratégie & Développement - In Extenso - Partenaire Associathèque

L’Etat accorde sa garantie via Bpifrance aux nouveaux prêts délivrés par les établissements de crédit aux entreprises selon les conditions fixées par l’arrêté du 23 mars 2020, pris en application de l’article 4 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (JO du 24 mars).

Parmi les entités éligibles, figurent les associations et fondations ayant une activité économique au sens de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

Par ailleurs, l’article 5 de l’arrêté précité stipule que le montant du prêt ne peut excéder (pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019), un plafond de 25% du chiffre d’affaires HT 2019 constaté, le cas échéant, de la dernière année disponible.

Focus sur ces vocables empruntés au monde de l’entreprise qui méritent quelques explications.

1 – L’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire définit l’économie sociale et solidaire comme un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent toutes les personnes morales de droit privé qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :

  • un but poursuivi autre que le partage de bénéfices ;
  • une gouvernance démocratique définie et organisée par les statuts ;
  • une gestion conforme aux principes suivants :
    • les bénéfices sont consacrés majoritairement au maintien et au développement de l’activité de l’entité ;
    • des réserves obligatoires sont constituées et leur utilisation est réglementée.

D’une manière générale, l’économie sociale et solidaire est constituée des activités de production, de transformation, de distribution, d’échanges et de consommation de biens ou de services portées par les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Introduite pour la première fois dans le Code de commerce par la loi de prévention des difficultés des entreprises (loi du 1er mars 1984), la notion de personne morale exerçant une activité économique trouve ici sa définition légale et modernisée appliquée au monde associatif et à l’économie sociale.

Aux acteurs traditionnels que sont les sociétés coopératives, les mutuelles et unions relevant du code de la mutualité, les sociétés d’assurance mutuelles relevant du code des assurances, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ou par le code civil applicable en Alsace-Moselle, les fondations, viennent s’ajouter les sociétés commerciales qui remplissent les conditions suivantes :

  • recherchent une utilité sociale ;
  • ne procèdent pas à l’amortissement de leur capital ou à la réduction de leur capital non motivée par des pertes ;
  • prélèvent sur les bénéfices des fractions, définies par voie d’arrêté du ministre compétent, affectées :
    • à la constitution d’un « fonds de développement,
    • en report bénéficiaire ou en réserves obligatoires.

Ces acteurs de l‘économie sociale et solidaire doivent mettre en œuvre les bonnes pratiques contenues dans un « Guide des bonnes pratiques » et en rendre compte lors de leur assemblée générale annuelle.

2 – Comment définir le « Chiffre d’affaires » dans les « Ressources » des personnes morales à but non lucratif, exerçant une activité économique ?

En effet, le critère fiscal d’assujettissement à la tva (HT ou non) n’est pas la caractéristique essentielle qui permet de distinguer le « Chiffre d’affaires » pour une association ou une fondation.

Les ressources de ces organismes sont composées d’éléments très diversifiés en fonction de leurs activités ou des secteurs dans lesquels elles exercent leurs moyens d’actions.

À contrario, une subvention publique, un don ou une contribution financière d’un organisme privé ne constituent pas nécessairement un élément de « Chiffre d’affaires ».

Le critère à retenir sera plutôt celui qui répondra positivement à la question « existe-t-il une contrepartie à cette ressource pour le tiers qui la verse ou pour un tiers désigné... ? ».

En quelques sortes, la ressource correspond-elle à une prestation de service (quelle que soit la qualification de cette prestation au sens commercial ou fiscal par ailleurs) ?

Pour éclairer au mieux cette approche, il sera utile d’appliquer au raisonnement la démarche préconisée par le nouveau règlement comptable ANC n° 2018-06 qui s’applique aux personnes morales de droit privé à compter du 1er janvier 2020. Ce règlement a le mérite de moderniser la démarche et la classification des ressources des entités associatives en respectant l’approche décrite ci-dessus.

Détails

  • Comptes 70 – Ventes de produits fabriqués, de prestations de services et de marchandises.
    Cette rubrique ne pose pas de difficultés particulières car les comptes sont empruntés au secteur marchand et à l’activité économique des entreprises. Elle est donc similaire et correspond, bien souvent à des activités lucratives qu’il convient de considérer comme du « Chiffre d’affaires ».
  • Comptes 73 – Concours publics.
    Cette rubrique déjà utilisée par le secteur médico-social sera entièrement consacrée à partir du 1er janvier 2020 à recevoir des ressources issues de la facturation de produits tarifés d’une activité contrôlée concernant des services bénéficiant à des tiers (hébergement, prix de journée, soins, aide à domicile, etc.). Bien que les versements soient effectués par des autorités administratives (&Eeacute;tat, collectivités publiques, établissements publics, autres), il ne s’agit pas de subventions publiques au sens de l’article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. Les éléments de cette rubrique sont également à considérer comme du « Chiffre d’affaires ».
  • Comptes 74 – Subventions publiques.
    Le caractère discrétionnaire et l’absence de contrepartie pour la collectivité publique qui octroie ces soutiens financiers ne permettent pas de considérer qu’il s’agit d’un élément de « Chiffre d’affaires ». Même si le versement de ces subventions est récurrent.
  • Comptes 754 – Ressources liées à la générosité du public.
    Les dons, donations legs et mécénat ont un caractère occasionnel et, par essence même, sans contrepartie pour les donateurs. Ils ne peuvent être considérés comme des éléments de « Chiffre d’affaires ».
  • Comptes 755 – Contributions financières reçues d’autres organismes.
    Pour cette catégorie de recettes, le règlement comptable est clair : « Ces contributions ne constituent pas la rémunération de prestations ou de fournitures de biens » (ANC n° 2018-06, art.142-3).
  • Comptes 756 – Cotisations.
    Concernant cette rubrique, il convient de distinguer les cotisations avec contrepartie qui entrent dans la composition du « Chiffre d’affaires » (c’est le cas des clubs sportifs, par exemple), des cotisations sans contrepartie qui donnent simplement le droit d’adhérer et de participer aux instances de l’association. Sur cette rubrique, les associations n’utilisent pas toujours le même vocabulaire pour désigner les mêmes choses.

On s’aperçoit ainsi qu’il est très difficile de définir le « Chiffre d’affaires » d’une entité sans but lucratif exerçant une activité économique sans détenir un minimum d’informations et de détails sur la nature même de ses ressources. La ventilation comptable des différents éléments de recettes en sera facilitée dès lors qu’il sera fait une application régulière du nouveau règlement comptable des associations et fondations.