Sommaire
Marché public ou délégation de service public ?
Le marché public : le recours au marché à procédure adaptée
Qu’est-ce qu’un marché public ?
Un marché public est un contrat passé par une commune avec un opérateur économique pour répondre à l’un de ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. Il donne lieu à la rémunération d’une prestation.
Un marché public implique l’initiative de la commune, un lien direct entre les sommes versées par la municipalité et les prestations réalisées, une contrepartie directe pour la commune.
Comment passer un marché public ?
La définition des besoins est fonction essentiellement de leur nature (fournitures, services ou travaux) et de leur étendue. Cette étape est essentielle car elle détermine le choix de la procédure à mettre en œuvre pour la passation d’un marché public.
Une fois les besoins évalués, la collectivité territoriale vérifie si ces besoins atteignent un seuil déclenchant l’application d’une procédure formalisée. Le montant des seuils des procédures formalisées est modifié tous les deux ans par décret. Lorsque le montant estimé du besoin est égal ou supérieur à ces seuils, la collectivité doit recourir à une procédure formalisée.
Depuis le 1er avril 2019, de nouvelles règles sont entrées en vigueur. (Code de la commande publique). Pour les marchés passés avant cette date, les anciennes règles restent en vigueur et sont celles prévues par les textes non codifiés (Ord. n° 2015-899 du 23 juill. 2015 et Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016) et, pour ceux encore antérieurs, par le code des marchés publics.
Depuis le 1er octobre 2018, la passation des marchés publics est entièrement dématérialisée pour les commandes de plus de 40 000 € HT, les collectivités en tant qu’acheteurs doivent utiliser une plateforme pour toutes les étapes de cette procédure.
Ceci signifie que les acheteurs publics devront déclarer irrégulières les offres qui leur seront transmises au format papier par des associations. Il en est de même pour les offres que les associations enverraient sur un support électronique (ex. : clé USB).
Les associations doivent donc prendre leurs précautions d’une part en achetant un certificat de signature électronique valide, d’autre part en se formant à la réponse électronique aux marchés publics.
Désormais, la collectivité peut passer des marchés sans obligation de publicité et de mise en concurrence notamment pour ceux dont le montant est inférieur à 40 000 € HT. Dans certains cas, les marchés peuvent être passés selon une procédure non formalisée dite procédure adaptée (MAPA). Dans ce cas, les règles de publicité et de mise en concurrence sont fixées librement par la collectivité, et ce, essentiellement dans deux hypothèses :
- lorsque le montant estimé du besoin est inférieur à 221 000 € HT pour les marchés de fournitures et services, et à 5 538 000 € HT pour les marchés de travaux (seuils applicables depuis le 1er janvier 2024) ;
- pour certains marchés de prestations de services (notamment pour des services sanitaires, sociaux et soins de santé, administratifs, éducatifs et culturels), dès lors que leur montant est inférieur à 750 000 € (mais publicité au JO de l’Union européenne à partir de 750 000 €).
Au-delà de ces seuils, et hormis certains marchés de services énumérés ci-dessus, la collectivité doit se soumettre à une procédure formalisée de mise en concurrence.
Des règles de publicité particulières s’imposent à partir de 90 000 € HT.
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles de marchés publics, il est possible pour la collectivité de réserver certains marchés à des entreprises accueillant des personnes handicapées, à des entreprises employant des personnes défavorisées et aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Une association est-elle soumise aux règles des marchés publics ?
Une association relève en principe du droit privé et n’est donc pas soumise au code de la commande publique proprement dit.
Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et de son décret d’application du 25 mars 2016 (désormais codifiés au code de la commande publique), une association peut être qualifiée de « pouvoir adjudicateur » devant alors suivre des règles proches de celles du code, notamment en matière de transparence des procédures et de publicité préalable.
Trois critères sont retenus pour qualifier une association de « pouvoir adjudicateur » :
- être créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial ;
- être dotée de la personnalité juridique ;
- être sous le contrôle d’un organisme public, ledit contrôle étant déterminé par l’un ou l’autre des critères suivants : soit l’activité est financée majoritairement par une collectivité territoriale (ou l’un de ses groupements : établissement public de coopération intercommunale par exemple) ; soit la gestion est soumise à un contrôle de cette collectivité (ou de l’un de ses groupements) ; soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par la collectivité (ou l’un de ses groupements).
L’application de cette méthode de qualification, qui nécessite donc une appréciation au cas par cas, a été rappelée par le juge de l’Union européenne à propos des fédérations sportives.
CJUE 3 févr. 2021, aff. C-155/19 et C-156/19
Sur les autres cas pour lesquels une association peut être tenue de respecter les règles similaires à celles prévues par le code des marchés publics pour la réalisation de travaux, leurs achats de services ou de fournitures.
Voir « DAJ - Direction des Affaires Juridiques », fiche « Associations et commande publique », www.economie.gouv.fr, espace Marchés publics > Rubrique Conseil aux acheteurs > Fiches techniques.
La délégation de service public
La délégation de service public (DSP) diffère du marché public dont l’objet est de délivrer une prestation déterminée sans confier à l’association la gestion d’un service public.
Depuis le 1er avril 2016, la DSP devient une catégorie de concession.
Ord. n° 2016-65 du 29 janv. 2016
Décr. n° 2016-86 du 1er févr. 2016
Les règles la concernant sont désormais intégrées au code de la commande publique.
Dans ce cadre, la collectivité confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à une association à qui est transféré un risque lié à l’exploitation du service.
En contrepartie, la collectivité reconnaît à l’association un droit d’exploitation éventuellement assorti d’un prix.
Alors que, pour un marché public, l’association reçoit de la commune un paiement intégral et immédiat, pour une délégation de service public, sa rémunération est tirée principalement de l’exploitation du service.
Si la collectivité a toujours le libre choix de son association délégataire, ce choix ne peut intervenir qu’au terme d’une procédure de mise en concurrence garantissant l’entière transparence des décisions.
La DSP est soumise aux règles prévues par le code général des collectivités territoriales.
Art. L. 1411-1 s.
La délégation de service public reste régie par les dispositions du code général des collectivités territoriales mais constitue, depuis le 1er avril 2016, une catégorie de concessions. Cela signifie pour les associations qu’elles sont soumises à compter de cette date à de nouvelles obligations, notamment procédurales, de publicité et de mise en concurrence.
Les recours en cas de non mise en concurrence
Les procédures de passation des contrats de la commande publique (marchés publics, DSP) peuvent être contestées par les associations devant le juge administratif. Ce juge veille au respect des principes de la commande publique, en particulier à l’égalité d’accès à celle-ci et à la transparence des procédures.
Plusieurs recours peuvent être intentés par les tiers intéressés : chacun est soumis à un régime spécifique. Ils peuvent être formés avant ou après la conclusion du contrat, devant le juge administratif des référés ou le juge administratif du fond, à savoir le juge du contrat.
Le juge est doté de pouvoirs importants et diversifiés : il peut arrêter une procédure de passation à tous les stades, annuler un contrat et en modulant l’effet dans le temps, voire infliger à la collectivité négligente une amende financière.
Voir pour plus de détails sur le régime des différents recours en cas de manquement aux règles de mise en concurrence : DAJ, fiche « Les recours contentieux liés à la passation des contrats de la commande publique », www.economie.gouv.fr > espace Marchés publics > rubrique Conseil aux acheteurs > Fiches techniques
- Référé précontractuel. Ce recours a pour but de prévenir la passation d’un contrat, qui méconnaîtrait les règles de publicité et de mise en concurrence applicables. Il permet aux associations, qui constatent un manquement à ces règles, d’obtenir du juge du référé qu’il prononce les mesures nécessaires pour y remédier, avant la signature du contrat.
- Référé contractuel. Il permet de sanctionner les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, après la signature du contrat.
- Recours en contestation de validité du contrat. Ce recours est ouvert aux associations évincées de la conclusion d’un contrat administratif. Il leur permet de contester directement devant le juge administratif, après sa signature, la validité de ce contrat. Cette action peut être assortie de demandes indemnitaires.
Créé par le juge lui-même : CE, ass., 16 juillet 2007, « Société Tropic travaux signalisation Guadeloupe », req. n° 291545 et étendu par : CE, ass., 4 avril 2014, « Département de Tarn-et-Garonne », req. n° 358994
Respect des principes d’égalité et de neutralité
S’agissant de la commande publique, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République renforce les obligations des associations auxquelles est confiée, en tout ou partie, l’exécution du service public – ce qui recouvre finalement une large part des contrats de la commande publique (marchés et délégations de service public notamment).
Elles doivent ainsi garantir que leurs personnels et leurs sous-traitants assurent l'égalité des usagers devant le service public et veillent au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public.
Concrètement, les contrats passés entre les collectivités et les associations depuis le 25 août 2021 doivent intégrer ces clauses de respect des règles de neutralité.
Pour les contrats alors en cours ou pour lesquels une consultation avait été lancée avant le 25 août 2021 mais qui se terminaient avant le 25 février 2023, ces clauses n’avaient pas à être insérées.
En revanche, pour ceux s’achevant après le 25 février 2023, les acheteurs et autorités concédantes avaient un an (jusqu’au 25 août 2022) pour les intégrer.
Les risques de requalification d’une subvention en marché public ou délégation de service public
La requalification d’une subvention en marché public ou en délégation de service public implique, en pratique, des conséquences importantes pour les associations et les collectivités. Trois types de risques sont identifiés :
- un risque fiscal : la requalification implique un assujettissement à la TVA des sommes en question. En effet, si les subventions sont exonérées de TVA, tel n’est pas le cas des services réalisés en contrepartie d’un prix (CGI, art. 256 et 261, 7., 1°, b) à l’instar de ceux réalisés dans le cadre d’un marché public ;
- un risque pénal : la requalification est susceptible de faire relever les élus du délit de favoritisme (art. 432-14 du code pénal). Ce délit sera à coup sûr constitué dès lors que l’attribution d’une « fausse » subvention, en contrepartie d’une prestation, n’est jamais précédée d’une mise en concurrence prévue par le code de la commande publique ;
- un risque juridique : en cas de requalification de la subvention en contrat public (marché public ou délégation de service public), la collectivité doit se soumettre aux règles de publicité et de mise en concurrence. Par ailleurs, l’association doit reverser à la collectivité territoriale la subvention si celle-ci a déjà été attribuée.
Commande publique et crise des prix
L’inflation et les difficultés d'approvisionnement mettent à mal la bonne exécution des marchés publics et des délégations de service public passés parfois par les associations. Le Conseil d’État puis les pouvoirs publics ont rappelé et précisé certaines règles permettent d'assurer la continuité des contrats et du service public lorsqu’elles se trouvent confrontées à des difficultés avec la collectivité et/ ou leurs fournisseurs. Des solutions existent pour les gérer au mieux et les anticiper pour les futurs contrats.
- Pour les contrats en cours. L’adaptation aux imprévus liés aux hausses de prix est possible au regard de la réglementation et de la jurisprudence qui autorisent les modifications contractuelles non substantielles, autrement dit des changements de prix dans la limite de 10 % du montant du contrat initial des marchés de fournitures et de services et de 15 % pour les marchés de travaux.
La théorie de l’imprévision, règle dégagée par la jurisprudence administrative, permet d’indemniser le cocontractant en passant avec lui une convention spécifique (document distinct du contrat). Cette indemnité peut être accordée par l’acheteur ou par le juge. La circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2022 (n° 6374/SG) rappelle que l’indemnité « laisse traditionnellement à la charge du titulaire une partie de l’aléa variant de 5 à 25 % du montant de la perte effectivement subie » et qu’elle doit être versée au moment le plus proche du bouleversement de l’équilibre du contrat (lors des difficultés rencontrées par l’entreprise).
Afin d’alléger la charge de l’association titulaire du marché ou de la délégation, la collectivité voire l’association dans le cadre de ses relations avec son fournisseur, peut décider de ne pas appliquer au titulaire les pénalités contractuelles dues en cas de retard, « tant que [l’entreprise] » ne peut pas « s’approvisionner dans des conditions normales », explique la circulaire. Si les deux parties ne trouvent pas d’accord, le contrat peut même être résilié. - Pour les contrats à venir. Des prix révisables (avec une formule de révision de prix faisant au moins référence à un des indices officiels de fixation de ces cours) peuvent être privilégiés aux prix fermes dans les contrats à conclure à l’avenir, en particulier pour les marchés de plus de trois mois directement affectés par les fluctuations de cours mondiaux. Par ailleurs, le groupement de commandes ne doit pas être négligé, car il permet d’obtenir souvent de meilleurs prix en jouant sur un effet de volume... à condition toutefois qu’il n’y ait pas de problème d’approvisionnement !