L’action en justice d’un collectif d’associations de protection de l’environnement agréées met en lumière leur capacités juridiques et leur place dans la procédure.

Saisi par cinq associations de protection de l’environnement, le tribunal administratif de Paris avait reconnu l’existence d’un préjudice écologique consistant, du fait de l’usage des produits phytopharmaceutiques, en la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de ces produits, le déclin de la biodiversité et de la biomasse et l’atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement.

Il avait en outre jugé ce préjudice imputable à des fautes commises par l’État1. La cour administrative d’appel de Paris confirme le jugement, mais au prix d’une analyse quelque peu différente.

Responsabilité de l’État sur le fondement... du code civil

La cour admet, tout comme le tribunal administratif de Paris, la possibilité d’une action en réparation du préjudice écologique dirigée contre l’État devant le juge administratif sur le fondement des articles 1246 à 1248 du code civil créés par la loi dite « Biodiversité » du 8 août 2016, bien que ces articles ne prévoient pas expressément une telle action contre l’État.

Elle reconnaît ensuite l’existence d’un tel préjudice, apprécié notamment dans sa dimension relative à la santé humaine, et juge qu’il résulte de l’usage des produits phytopharmaceutiques, même si d’autres facteurs peuvent intervenir. La cour examine enfin si ce préjudice peut être lié à des manquements de l’État. Elle écarte plusieurs fautes invoquées par les associations, en particulier celle qui aurait consisté pour l’État à ne pas avoir respecté la trajectoire prévue par les plans Écophyto : elle considère en effet que les objectifs chiffrés de réduction de l’usage de pesticides fixés par ces plans n’ont pas de caractère contraignant.

Elle juge en revanche que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dans sa mission d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques réalisée au nom de l’État, aurait dû se prononcer au regard du dernier état des connaissances scientifiques et techniques, ce qu’elle n’a pas fait systématiquement.

En conséquence, elle ordonne à l’État de mettre en œuvre une évaluation conforme aux exigences requises, en particulier s’agissant des espèces non ciblées, c’est-à-dire à celles qui ne sont pas visées par le produit, et de procéder, dans un délai de 24 mois, à un réexamen des autorisations de mise sur le marché déjà délivrées. Elle condamne également l’État à verser un euro symbolique à chacune des associations requérantes au titre du préjudice moral subi.

Intérêt à agir des associations requérantes

L’existence d’une qualité et d’un intérêt à agir des cinq associations requérantes était contestée tant par l’État que par le syndicat professionnel des entreprises du secteur de l'agrochimie. En vain. En effet, pour la cour, ces associations ont toutes pour objet social la protection de l’environnement et de la biodiversité. L’article 1248 du code civil attribue qualité à agir en réparation du préjudice écologique, entre autres, aux « associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement ». À l’exception d’une seule d’entre elles, elles avaient été créées depuis au moins 5 ans à la date du 10 janvier 2022, date de l’introduction de l’instance. Par suite, ajoute la cour, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des associations requérantes doit être écartée.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel

1 : TA Paris, 29 juin 2023, n° 2200534