Le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité du périmètre des droits reconnus aux associations qui se portent partie civile dans des affaires de discrimination.
Saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’initiative d’une association de lutte contre l’homophobie (Crim. 11 sept. 2024, n° 24-90.009), le Conseil constitutionnel est invité à se prononcer sur la conformité à la Constitution du troisième l’article 2-6 du code de procédure pénale (CPP), pris dans sa rédaction résultant de la loi du 10 mai 2024 (JO du 11).
Il était reproché à cette disposition, par l’association requérante, de ne pas permettre aux associations dont l’objet est de combattre les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de séquestration, de vol ou d’extorsion commis à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime. Ce faisant, elle priverait ces associations d’accès au juge pour ces infractions, en méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.
L’association reproche également à cet article 2-6 d’instaurer une différence de traitement injustifiée entre ces associations et celles habilitées à exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de séquestration, de vol ou d’extorsion par les articles 2-2, 2-8 et 2-17 du CPP. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice. Le Conseil constitutionnel rejette chacun de ces deux griefs et déclare dès lors la disposition contestée conforme à la Constitution.
Sur le recours juridictionnel effectif
Le Conseil constitutionnel a rappelé que les dispositions contestées visent à permettre à l’association d’exercer devant le juge pénal les droits reconnus à la partie civile afin de mettre en mouvement l’action publique ou de venir au soutien de la poursuite, à raison d’une infraction commise à l’encontre de la victime. Elles sont donc sans incidence sur le droit de la victime d’obtenir, devant le juge pénal ou civil, réparation du dommage que lui ont personnellement causé les faits.
Dès lors, juge le Conseil, le législateur a pu réserver à des infractions limitativement énumérées la faculté des associations de lutte contre les discriminations sexuelles et sexistes d’exercer devant le juge pénal les droits reconnus à la partie civile, sans l’étendre à la séquestration, au vol ou à l’extorsion. Le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit donc être écarté.
Sur le principe de l’égalité devant la loi et la justice
En premier lieu, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2000 (JO du 16), à l’origine des dispositions contestées, que le législateur a entendu permettre à ces associations d’agir aux côtés des victimes d’atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne ou de destructions, dégradations et détériorations, commises à raison du sexe ou des mœurs, eu égard à la nécessité de renforcer l’effectivité de la répression de tels faits.
D’une part, au regard de la nature distincte des infractions de séquestration, vol ou extorsion, la différence de traitement instaurée par ces dispositions est justifiée par une différence de situation. La formulation est classique.
v. par ex. Cons. const. 15 nov. 2019, n° 2019-813 QPC, spéc. pt 9
D’autre part, les victimes de ces infractions disposent, comme les victimes des infractions entrant dans le champ des dispositions contestées, de la possibilité d’obtenir, devant le juge compétent, réparation du dommage que leur ont personnellement causé les faits.
En second lieu, le Conseil a précisé que, en application des articles 2-2, 2-8 et 2-17 du CPP, les associations de lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement sexuel ou les violences exercées sur un membre de la famille, les associations de défense des personnes malades, handicapées ou âgées ainsi que les associations de défense des droits et libertés individuels et collectifs sont autorisées à exercer les droits reconnus à la partie civile, selon les cas, pour certains faits de séquestration, de vol ou d’extorsion.
Il en résulte une différence de traitement entre ces associations et celles concernées par les dispositions contestées. Toutefois, ces différentes associations se distinguent au regard de l’objet qu’elles se proposent de poursuivre par leurs statuts ainsi que des circonstances dans lesquelles les faits doivent être commis pour qu’elles puissent exercer les droits reconnus à la partie civile. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi.
Auteur
Juris associations pour le Crédit Mutuel