Deux ordonnances permettent à des associations de toucher les sommes d’une astreinte liquidée suite à une condamnation de l’Etat par la justice.

Dans chacune de ces deux affaires, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, par deux ordonnances du 13 juillet 2022, enjoint au préfet de l’Isère de proposer à deux jeunes étrangers des lieux d’hébergement susceptibles de les accueillir dans un délai de 48 heures à compter de la notification de ses ordonnances sous astreinte de 200 euros par jour de retard – montant porté à 300 euros par de nouvelles ordonnances du 12 août 2022.

Inaction du préfet et liquidation d’astreinte

Puis, par ordonnance du 19 octobre 2022, et compte tenu de l’inaction du préfet, le même juge a liquidé provisoirement l’astreinte à hauteur de 15 000 euros. En effet, en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive de la décision qu’elle avait prononcée, la juridiction procède, en vertu de l’article L. 911-7 du code de justice administrative, à la liquidation de l’astreinte.

Pour autant, à la suite de cette ordonnance, le préfet n’a pas davantage réagi : il a même laissé s’écouler un délai de plusieurs mois sans agir, sous prétexte que la prise en charge des mineurs isolés ne relevait pas de la compétence des services de l’État, mais de ceux, en l’espèce, du département de l’Isère.

Toutefois, dans le cadre d’un nouveau référé, visant cette fois à obtenir la liquidation définitive de l’astreinte, cet argument a été jugé inopérant dans la mesure où les injonctions prévues par les premières ordonnances – celles du 13 juillet 2022, lesquelles n’ont été contestées par aucune des parties – ont été adressées à l’État et non au département. Il appartenait dès lors au préfet de l’Isère de déférer à ces injonctions dans les délais impartis. Pour le tribunal administratif, dans ces circonstances, il y a lieu de liquider définitivement l’astreinte en cause, dont le montant est fixé à 30 000 euros dans une affaire, à 21 000 euros dans l’autre.

Des associations cobénéficiaires d’une astreinte liquidée

Reste à répartir ces sommes. Le juge des référés a alors rappelé qu’en vertu du premier alinéa de l’article L. 911-8 du même code, la juridiction a la faculté de décider, afin d’éviter un enrichissement indu, qu’une fraction de l’astreinte liquidée ne soit pas versée au requérant – en l’occurrence, les deux jeunes étrangers –, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l’État.

Toutefois, l’astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer lorsque l’État est débiteur de l’astreinte en cause. Ce dernier ne saurait, en effet, être à la fois créancier et débiteur d’une même somme d’argent.

Le juge ajoute que, « dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l’exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d’office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d’affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec l’objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d’intérêt général également en lien avec cet objet ».

Assez logiquement, les sommes de 30 000 et 21 000 euros, qui correspondent, pour rappel, aux astreintes définitives, sont réparties à parts égales entre trois associations dont l’objet statutaire inclut l’aide aux étrangers.

Le tribunal administratif fait ici application pour la première fois des principes prétoriens dégagés par le Conseil d’État dans sa décision Association Les Amis de la Terre France (4 août 2021, req. n° 428409) en matière de répartition de l'astreinte liquidée. Pour mémoire, dans cette affaire, le montant de l’astreinte provisoire de 10 millions d’euros à laquelle avait été condamné l’État pour cause de pollution de l’air avait été réparti entre plusieurs agences étatiques – dont l’Ademe – et associations de protection de l’environnement.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel