Une responsabilité objective et de plein droit

Fondée sur l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, la responsabilité délictuelle du fait des choses est une responsabilité objective et de plein droit.
Réd. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016 ; ancien art. 1384, alinéa 1er

Elle a un prolongement dans l’article 1243 du même code, qui précise que « le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».
Réd. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016 ; ancien art. 1385

La responsabilité du fait des choses est :

  • indépendante de toute faute,
  • réalisée par le seul fait que la chose dont on a la garde a contribué à la réalisation d’un dommage.

La jurisprudence définit la « garde de la chose » comme un pouvoir effectif exercé sur un bien, qui en confère la direction et le contrôle sans dépendance aucune à l’égard de quiconque.

Appliquée aux associations, cette formule revient à consacrer les principes suivants :

L’association est présumée gardienne de toutes les choses dont elle a la propriété

La responsabilité du fait des choses incombe en premier à l’association, sauf, si elle prouve :

  • qu’elle a perdu la garde,
  • qu’elle l’a juridiquement ou matériellement transférée à un tiers,

Cette preuve n’est pas facile, comme en témoigne l’exemple suivant.

Exemple

Deux enfants mineurs avaient été blessés par l’explosion d’une bombe provenant d’un feu d’artifice organisé la veille par un comité des fêtes.

Ce comité et sa compagnie d’assurances furent mis en cause par le père des victimes.

La Cour de cassation lui donna raison, estimant que les pouvoirs de surveillance et de contrôle exercés sur la bombe n’avaient pas été transférés par le comité des fêtes aux enfants mineurs.

Cour de cassation, 1er avril 1987

  • que la chose gardée, lorsqu’elle est inerte, ne présente pas un caractère anormal : ce n’est pas le cas du chemin d’accès à un immeuble, couvert de verglas et caché par la neige, qui présente un état de dangerosité anormal au regard de sa destination.
    Cour de cassation, 15 juin 2023

L’association devient gardienne de la chose dont elle a accepté contractuellement la garde

La responsabilité du fait des choses pèse sur l’association, dès lors qu’elle accepte par contrat le transfert de la garde de la chose.

Exemple

Les conventions de transfert conclues par la fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) avec les propriétaires publics ou privés de sites d’escalade ont pour conséquence de libérer ces derniers de toute responsabilité fondée sur la garde des sites en cause, et de rendre, au contraire, la fédération responsable en cas de défaillance des parois escaladés.

Tribunal de grande instance de Toulouse, 14 avril 2016

L’association a la garde de la chose par l’intermédiaire de ses dirigeants

Parce que les dirigeants ont le pouvoir de représenter l’association, ils détiennent les choses dont celle-ci a la propriété, non pour leur compte personnel, mais pour le compte de l’association elle-même.

L’association reste gardienne lorsqu’elle confie la chose à l’un de ses préposés

En effet, par hypothèse, les préposés, du fait de leur subordination, ne peuvent exercer aucun pouvoir « autonome et réellement indépendant » sur la chose qui leur est confiée.

L’association n’a pas ou n’a plus la garde de la chose, toutes les fois que celle-ci relève d’une direction et d’un contrôle qui lui échappent

Exemple

  • Une association sportive n’est pas responsable de la chute d’un cycliste heurté par un ballon projeté hors d’un stade, dès lors que le joueur à l’origine de l’accident ne dispose pas des autorisations nécessaires pour occuper le terrain. L’association n’a de ce fait ni l’usage, ni la direction, ni le contrôle du ballon ayant causé le dommage.
    Cour de cassation, 7 octobre 1987
  • Pareillement, même loué par une association, un voilier est sous la garde exclusive du skipper, conformément aux usages et aux règles applicables en matière de course en mer.
    Cour de cassation, 12 avril 2012
  • Est encore gardien le participant à une journée d’initiation au golf, même débutant, qui s’apprête à frapper la balle, et qui, avec son club, blesse au visage un autre joueur.
    Grenoble, 28 avril 2016
  • D’une manière générale, relèvent de la responsabilité de plein droit fondée sur la garde de la chose tous les accidents en lien avec des instruments actifs participant d’un jeu ou d’une compétition : ainsi d’une raquette de badminton (Toulouse, 18 octobre 2018), ou d’une crosse de hockey sur gazon (Paris, 21 janv. 2019).
  • Parce que la responsabilité édictée par l'article 1385, devenu 1243, du code civil à l'encontre du propriétaire d'un animal ou de celui qui s'en sert est fondée sur l'obligation de garde corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d'usage qui la caractérisent, reste gardien le propriétaire d’un cheval participant à une manifestation taurine, qui en était également le cavalier, ce dont il résultait qu'il avait conservé les pouvoirs d'usage et de contrôle de l'animal, et que la garde n’avait pu être transférée au manadier qui supervisait le lâcher des taureaux.
    Cour de cassation, 16 juillet 2020
  • Une association ne perd pas la garde d’un objet dangereux, dès lors qu’il est accessible à un enfant ou à un jeune adolescent. De bon sens, cette solution est déduite d’un arrêt de la Cour de cassation rendu en ces termes : « Ayant relevé qu'un enfant s'étant rendu au sous-sol du domicile des personnes auxquelles, accompagné de sa mère, il rendait visite, s'était blessé accidentellement en manipulant un pistolet gomme-cogne, qui s'y trouvait entreposé, une cour d'appel a pu déduire de ses constatations et énonciations, faisant ressortir que l'enfant, âgé de onze ans, ne pouvait être considéré comme ayant acquis les pouvoirs de direction et de contrôle sur l'arme dont il avait fait usage, que la preuve du transfert de garde invoqué par les propriétaires de cette arme n'était pas rapportée ».
    Cour de cassation, 26 novembre 2020

Il est à noter qu’une garde en commun est possible, ce qui est par exemple le cas de la garde du ballon assurée par des joueurs de football (Cour de cassation, 13 janvier 2005), ou encore du palet au cours d’un match de hockey sur glace (Tribunal de grande instance de Pontoise, 23 mai 2017). La responsabilité pèse alors in solidum sur tous les co-gardiens (Tribunal de grande instance de Bordeaux, 28 avril 1986), mais certaines juridictions en déduisent, de manière fort contestable, que le club organisateur de la compétition reste alors gardien de la chose (Tribunal de grande instance de Pontoise, 23 mai 2017).

L’association n’a plus la maîtrise de la chose lorsqu’un évènement d’origine externe est la source du dommage

Ce n’est plus le fait de la chose qui en est alors l’élément causal, mais la force majeure, voire le fait d’un tiers, ou le fait de la victime elle-même.

Seul le fait de la victime à l’origine exclusive de son dommage fait obstacle à la responsabilité de l’association en sa qualité de gardien de la chose.

Pour être dégagée de toute responsabilité, l’association doit faire la preuve, non seulement d’une imprudence de la victime, mais encore d’une imprudence reconnue comme étant la cause exclusive de son dommage. Tel n’est pas le cas d’une personne, alcoolisée et ayant consommé du cannabis, qui a chuté depuis le 5e étage d’un immeuble, après s’être assise sur le rebord d’une fenêtre, alors que cette fenêtre, sous la garde structurelle de son propriétaire, située à 42 centimètres du sol, était dépourvue de garde-corps susceptible d’empêcher une chute.
Cour de cassation, 7 avril 2022