Le rescrit fiscal

Le rescrit fiscal

Le « rescrit » est la prise de position formelle de l’administration sur un point de droit.

Concrètement, il se matérialise par une réponse écrite, signée par un fonctionnaire qualifié pour engager l’administration, à une question posée par un particulier ou une personne morale. La prise de position est considérée comme « formelle » dès lors que l’administration répond à la question qui lui est posée de manière suffisamment explicite, précise et non-équivoque 1.

Ce n’est que dans ce cas que l’administration se trouve « engagée » par sa prise de position vis-à-vis de l’auteur du rescrit.

Le rescrit est « fiscal » dès lors que la prise de position émane de l’administration fiscale et porte sur l’interprétation du sens et de la portée d’un texte fiscal ou sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal. Dans cette dernière hypothèse, l’administration analyse une situation donnée à partir des éléments portés à sa connaissance par le contribuable, lequel peut être une association.

Dans cette hypothèse, l’initiative du rescrit fiscal appartient exclusivement à l’association. L’administration fiscale ne peut pas contraindre une association à engager un rescrit fiscal. En effet, le rescrit fiscal doit être appréhendé comme une démarche visant :

  • à sécuriser une opération fiscale, ou ayant des implications fiscales, envisagée par l’association ;
  • à prévenir l’association sur les risques liés à une opération ;
  • à conforter l’association sur une situation de fait préétablie mais pour laquelle elle s’interroge sur son régime fiscal.

Le législateur a créé différents types de rescrits fiscaux. Mais deux sont couramment utilisés par les associations. Il s’agit du rescrit général dit rescrit « fiscalité » et du rescrit spécial dit rescrit « mécénat ».

1 Conseil d’Etat, 29« décembre« 2004, n°« 255831, Conseil d’Etat, 4« août« 2006, n°« 271525, et Conseil d’Etat, 30« mai« 2007, n°« 274477

Attention

Une association prend le risque, en déposant un rescrit, de se voir opposer une décision d’assujettissement aux impôts commerciaux (IS, TVA et CET) si l’administration fiscale considère qu’elle intervient dans des conditions lucratives. Elle ne pourra pas alors échapper à l’engrenage des obligations fiscales qui en découlent, y compris de façon rétroactive.

Il importe d’insister sur le fait qu’une association qui dépose un rescrit « mécénat » peut, si le caractère non lucratif de l’association (composante de la notion d’intérêt général) est contesté, faire l’objet d’une décision d’assujettissement aux impôts commerciaux.

L’administration fiscale peut ne pas s’en tenir seulement à l’impossibilité d’émettre des reçus fiscaux au profit des donateurs !

Enfin, les voies de recours ne sont pas identiques selon le type de rescrit utilisé.

Notre présente lettre porte sur ces deux types de rescrits.

Types de rescrit fiscal

Deux rescrits fiscaux sont couramment utilisés par les associations : le rescrit général dit rescrit « fiscalité » et le rescrit spécial dit rescrit « mécénat ». Comparatif.

Le rescrit général ou rescrit « fiscalité » Le rescrit spécial ou rescrit « mécénat »

Définition

C’est une procédure permettant à une association d’interroger l’administration fiscale sur le caractère lucratif ou non de son (ou ses) activité(s), et de savoir si elle doit être soumise aux impôts commerciaux (IS, TVA, CET) (Livre des procédures fiscales, article L 80 B, 1°).

Définition

C’est une procédure permettant à une association d’interroger l’administration fiscale sur son éligibilité au mécénat, c’est-à-dire sur son habilitation à recevoir des dons manuels non soumis aux droits d’enregistrement et à délivrer des reçus fiscaux (Livre des procédures fiscales, article L 80 C).

Critères d’appréciation

Dans ce cadre, l’administration fiscale apprécie la situation de l’association au regard de la méthode d’analyse en trois étapes (BOFiP-Impôts, BOI-ISCHAMP- 10-50-10-10 du 12 septembre 2012) :

  • sa gestion est-elle désintéressée ?
  • concurrence-t-elle une entreprise ?
  • exerce-t-elle son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise du secteur commercial, par le produit qu’elle propose, le public qui est visé, les prix qu’elle pratique et la publicité qu’elle effectue sur ses activités (règle des « 4P ») ?

Critères d’appréciation

L’administration fiscale examine la demande de l’association au regard des critères définis aux articles 200 et 238 bis du Code général des impôts :

  • a-t-elle un caractère d’intérêt général ? C’est-à-dire une gestion désintéressée et une activité principale non lucrative au sens de la règle des « 4P ». Elle ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes ;
  • a-t-elle un objet social et exerce-t-elle une (ou des) activité(s) visée(s) à l’article 200 du CGI (liste à consulter dans notre guide Fiscalité sur le site https://www.associatheque.fr) ?

La demande

Voir page 3 « Comment rédiger et présenter sa demande de rescrit fiscal ? »

La demande

Voir page 3 « Comment rédiger et présenter sa demande de rescrit fiscal ? »

La réponse

A compter de la date de réception de la demande de rescrit général par le service compétent, l’administration fiscale dispose d’un délai de 3 mois pour répondre. La date de réception est celle mentionnée sur l’accusé de réception du courrier recommandé.

Si l’administration fiscale juge que les informations fournies sont incomplètes, elle peut demander des informations complémentaires (Livre des procédures fiscales, article R*80 B-13). Le délai de réponse de l’administration commence donc à courir à compter de la réception des informations complémentaires demandées.

En cas d’erreur d’envoi à un service des impôts incompétent, celui-ci la transmet sans délai au service compétent (Livre des procédures fiscales, article R*80 B-14). Dans ce cas, le délai de 3 mois commence à courir à compter de sa réception par le service des impôts compétent.

Attention

L’administration fiscale répond, en principe, dans le délai de 3 mois qui lui est imparti, mais elle peut également ne pas répondre à une demande de rescrit.

L’absence de réponse de l’administration fiscale n’équivaut pas à une réponse tacite positive à la question posée dans le rescrit général. Elle doit être interprétée comme une réponse tacite négative.

La réponse

Le service des impôts dispose d’un délai de 6 mois (et non de 3 mois comme dans le cadre d’un rescrit « fiscalité ») à compter du jour de réception du courrier recommandé de la demande, pour donner son avis.

Par exemple, lorsqu’une demande a été reçue par l’administration fiscale le 10 mai, le délai de 6 mois expire le 10 novembre à minuit. Si le délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au 1er jour ouvré suivant.

Bon à savoir

Lorsque la demande ne contient pas tous les éléments, elle invite l’association, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à produire les éléments manquants. Le délai de 6 mois ne court qu’à compter de la réception de la totalité des éléments du dossier.

Attention : la réponse doit être adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception et être présentée à l’association dans le délai de 6 mois. A défaut, et contrairement au rescrit général, l’association peut se prévaloir d’une réponse tacite positive à sa demande d’éligibilité au mécénat.

Attention

Délivrer des reçus fiscaux malgré une réponse négative fait encourir une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur les reçus fiscaux ou, à défaut d’une telle mention, d’une amende égale au montant de la réduction d’impôt indûment obtenue (CGI, article 1740 A), ainsi qu’une taxation des dons perçus aux droits d’enregistrement applicable aux mutations à titre gratuit au taux de 60 % (CGI, article 777).

Comment rédiger et présenter sa demande de rescrit fiscal ?

Comment rédiger et présenter sa demande de rescrit fiscal ?

La demande

La demande de rescrit spécial « mécénat » doit être effectuée à partir d’un modèle défini par voie règlementaire.

(BOI-LETTRE-000132 du 12 septembre 2012)

S’agissant du rescrit général « fiscalité », la demande peut être effectuée sur papier libre. Néanmoins, il est recommandé de présenter sa demande de rescrit général sur la base du modèle proposé par l’administration fiscale. Celle-ci invite à utiliser un questionnaire qui, sans être strictement identique au questionnaire « mécénat », comporte globalement les mêmes rubriques.

Bon à savoir

Les courriers électroniques de l’administration fiscale ne sont pas assimilés à des réponses aux demandes de rescrit. De la même manière, une réponse écrite, signée par un agent du service des impôts, en réponse à une question adressée par courrier électronique par une association, ne constitue pas une prise de position formelle de l’administration fiscale.

Les formulaires de demande de rescrit fiscal semblent, à première vue, aisés à remplir.

L’administration fiscale se contente en effet de préciser que l’auteur de la demande doit être clairement identifié et mandaté par l’organisme, que la demande doit comporter une présentation précise, complète et sincère de l’activité exercée par l’organisme ainsi que toutes les informations nécessaires pour apprécier si celui-ci relève de l’une des catégories mentionnées aux articles 200 du CGI et 238 bis du CGI.

Or, de nombreux pièges sont à éviter dans la rédaction d’un rescrit fiscal ! L’association ne doit pas se contenter de répondre brièvement aux questions posées ; elle doit apporter des informations pertinentes qui permettent de cerner la nature de ses activités et les modalités de leur exercice, leur spécificité par rapport au secteur marchand.

Les risques

Une mauvaise rédaction du rescrit fiscal peut entraîner, dans le cadre d’un rescrit général, un assujettissement de l’association aux impôts commerciaux, et, dans le cadre d’un rescrit spécial « mécénat », un refus de l’administration fiscale d’habiliter une association à délivrer des reçus fiscaux.

  • Au regard de ces conséquences éventuelles, il est conseillé de faire voter la décision de présenter une demande de rescrit fiscal par les organes dirigeants (conseil d’administration, comité directeur...).
  • Il est recommandé de se faire assister par un spécialiste en droit et fiscalité des associations pour la rédaction du rescrit fiscal. Ce dernier devra, en amont de la rédaction du rescrit fiscal, analyser la situation fiscale de l’association ou de l’opération envisagée afin de préconiser les mises en conformité préalables et nécessaires pour augmenter les chances de succès de la demande de rescrit fiscal.
  • Il convient également de présenter la situation de l’association en mettant en avant les éléments favorables, sans rien travestir ou omettre de la réalité. C’est donc un exercice qui nécessite de s’interroger sur les spécificités de l’association et de réinterroger le projet associatif, voire les statuts.
  • Il est également utile d’avoir connaissance des entreprises commerciales existant sur le même secteur d’activité et la même zone géographique pour mieux se démarquer.
  • Par ailleurs, s’agissant du rescrit « mécénat », il convient de présenter ses activités en lien avec les définitions que retient l’administration fiscale notamment les différentes activités visées aux articles 200 et 238 bis du CGI.
  • Enfin, ne pas hésiter à joindre un courrier d’accompagnement à la demande de rescrit, avec les pièces justificatives demandées et celles considérées comme probantes pour expliquer la spécificité de l’association, vis-à-vis de la concurrence commerciale. Il conviendra de préciser dans ce courrier d’accompagnement, le type de demande de rescrit présenté par l’association.

Attention

La position formelle exprimée par l’administration fiscale n’est valable que pour l’auteur de la demande. Une association ne peut donc se prévaloir, pour son cas personnel, de l’appréciation d’une situation de fait concernant une autre association, même si cette dernière présente le même objet, sauf si elle a participé à l’acte ou à l’opération ayant donné lieu à cette situation.

Mais lorsque l’administration fiscale publie un rescrit au Bofip, celui-ci lui est désormais opposable (par exemple : associations sportives, accueil de jeunes, activités éducatives...).

Auteur

ALCYACONSEIL accompagne les organismes sans but lucratif et les entreprises de l’économie sociale et solidaire dans l’ensemble de leurs problématiques juridiques et fiscales.