Appréhender l’environnement

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L’environnement est en permanente évolution. Ainsi, l’association doit être en mesure de réinterroger sa stratégie face à des tendances qui se confirment.

Un paysage évolutif de l’économie sociale et solidaire : la création de nouvelles formes de sociétés ou d’agréments spécifiques (sociétés à mission, entreprises à impact, entreprises agréées solidaires et d’utilité sociale – ESUS, etc.) contribue à une difficulté de perception par le grand public de la place de « l’exception associative ». Ce flou se traduit par un resserrement d’activités proposées à la fois par des associations et des structures commerciales, d’autant plus que, corrélativement, les associations tendent à développer des prestations lucratives pour accroître leur financement propre.

L’émergence d’initiatives citoyennes diffuses : des collectifs se créent afin d’initier une action collective sans forcément que leur représentation ne s’effectue à travers des structures « habituelles » (associations, syndicats, etc.). Ces tendances révèlent des malaises sociaux dont l’expression n’a pas été suffisamment perçue en amont et pour lesquels les réseaux sociaux ont permis une diffusion large et instantanée. Ceci doit conduire le secteur associatif à s’interroger sur la manière d’anticiper ce type de mouvements spontanés au risque de perdre sa légitimité à représenter les actions citoyennes.

Un marché de l’emploi en mutation : à l’instar des sociétés, le secteur associatif fait face, et souvent dans une plus grande ampleur, à des difficultés de recrutement. Des secteurs comme l’aide à domicile, la santé, l’animation sont très touchés et sont parfois obligés de réduire leur offre.

Devant ces enjeux, une définition claire de la stratégie de l’association - et sa déclinaison en projet associatif - demeure un point clé pour se situer dans l’environnement et ses potentielles évolutions.

La capacité d’anticipation est une priorité : les associations doivent être en mesure de recueillir les attentes et les besoins futurs de ses usagers, de participer à des initiatives communes (entre pairs, à la demande des partenaires publics et privés). Dans ce contexte, la présence de bénévoles provenant de divers horizons et aux profils variés constituera un atout essentiel à l’évolution de la stratégie.

Maîtriser son exploitation

Afin de maîtriser la poursuite de ses activités, l’association doit identifier les leviers d’actions possibles afin de pouvoir les activer rapidement en cas de besoin.

Les ressources

  • Des financements publics contractés et réorientés : après 2 fortes années de soutien aux structures impactées par le COVID, les crédits alloués aux associations stagnent globalement. De plus, la politique publique de subventionnement évolue vers une notion de commande publique, fixant des objectifs plus contraignants.
  • De nombreuses associations cherchent à développer le mécénat d’entreprises, les appels aux dons voire le crowdfunding pour capter de nouvelles ressources. Cependant, il est nécessaire d’évaluer si la structure a les moyens et les projets adéquats pour mener des actions dynamiques de recherches de fonds, notamment pour des souscriptions exceptionnelles.
  • Les ressources propres constituent un socle nécessitant de réinterroger sa politique tarifaire, à la fois sur le niveau des cotisations et sur les prestations proposées. Cette réflexion d’augmentation doit être mûrement réfléchie à la lumière de la capacité contributrice des usagers et bénéficiaires.

La maîtrise des coûts

L’ optimisation des coûts demeure une préoccupation permanente mais insuffisamment explorée. Pourtant, certains leviers peuvent être actionnés :

  • sur les coûts récurrents : les contrats permanents doivent être régulièrement réétudiés. Que ce soit en matière de téléphonie, d’assurance, de maintenance, d’abonnements, il est fréquent d’observer des conditions obsolètes ou inadaptées au fonctionnement de l’association.
  • sur la possibilité de coûts « évités » : les associations d’intérêt général peuvent faire financer par d’autres les coûts qu’elles supportent. La mise en place de reçus pour abandon de frais des bénévoles en lieu et place de remboursements de frais en est une parfaite illustration. La recherche de mécénat en nature en contrepartie d’une valorisation de l’action peut également réduire des coûts permanents ou ponctuels.
  • sur la capacité de mutualisation : la réflexion doit porter sur les coûts qui peuvent être mis en commun avec d’autres associations ou partenaires. En termes d’emplois administratifs, de locaux, de moyens informatiques, les leviers peuvent être significatifs. Ceci requiert toutefois d’identifier au préalable ce qui relève d’une compétence exclusive de l’association et ce qui semble pouvoir être partagé avec d’autres.

Assurer ses équilibres de trésorerie

Une association peut disposer de fonds propres positifs, générer des résultats excédentaires et pourtant faire face à des difficultés de trésorerie. Ce besoin en fonds de roulement, issu le plus souvent de décalages de versements des fonds publics, est renforcé par la nécessité de paiement mensuel des salaires et charges sociales.

Or, une carence de trésorerie, même ponctuelle, peut signifier un arrêt immédiat des activités. Ce qui apparaît comme une évidence est pourtant l’une des premières causes de défaillance des associations.

De bonnes pratiques peuvent être mises en place en termes d’anticipation des entrées de ressources, par exemple :

  • pour l’encaissement des soldes de subventions, produire au plus tôt les informations nécessaires, sans attendre l’ultime délai,
  • pour les cotisations et les prestations, les solliciter au plus tôt et organiser un mécanisme systématique de relances.

Concernant les charges, l’analyse des principaux contrats fournisseurs doit permettre de définir des échéanciers de paiement afin d’éviter les paiements immédiats.

Quoi qu’il en soit, le prévisionnel de trésorerie – et sa mise à jour régulière - demeure l’outil essentiel pour anticiper les périodes les plus délicates en communiquant en amont avec sa banque pour trouver des solutions à moyen terme.

Piloter avec des indicateurs clés

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La carence d’indicateurs fragilise la pérennité car elle ne permet pas la détection des problèmes et leur source.

Ainsi, des indicateurs d’exploitation sont nécessaires pour percevoir les points de faiblesse : une diminution du nombre d’adhésions, la baisse de fréquentation, l’absentéisme, un site internet peu fréquenté sont autant de signaux d’alerte que l’entité devra identifier suffisamment tôt pour engager des actions correctives.

En termes d’indicateurs financiers, la gouvernance doit être en mesure de juger régulièrement de la santé financière de l’association au moyen de quelques informations synthétiques, régulières et fiables. Un croisement entre les indicateurs financiers et les éléments d’activités devra permettre la compréhension de l’existant afin de prendre des décisions sereines et adaptées qui seront mesurées dans le temps.

Impliquer les ressources humaines

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Les associations présentent cette particularité d’associer des ressources humaines diverses : salariés, bénévoles impliqués dans la gouvernance mais aussi dans la mise en oeuvre des activités.

Les bénévoles dirigeants

Le constat est sévère : renouveler et recruter les bénévoles « exécutifs », ceux qui assurent les fonctions dirigeantes (président, trésorier, secrétaire, etc.) est devenu un casse-tête.

Les problématiques de temps et de niveau de professionnalisme exigé par ses fonctions constituent un frein à de nouveaux recrutements. Dans les structures de taille significative (secteur médico-social par exemple), l’âge moyen augmente dans les conseils d’administration et peut conduire à des nécessités de regroupement avec d’autres entités.

Si l’association souhaite demeurer indépendante et active, une politique du bénévolat doit être mise en oeuvre : définir les méthodes de « recrutement » de nouveaux bénévoles, établir une politique de formation et de préparation à leurs nouvelles fonctions, tout en respectant le délicat équilibre entre leur implication et le travail opérationnel des salariés.

Comment impliquer les bénévoles du conseil d’administration dans leur rôle de direction sans empiéter sur les missions des salariés ? Des solutions pratiques existent :

  • définir la répartition des rôles et des pouvoirs entre bénévoles de la gouvernance et salariés par des fiches de délégation précises ;
  • sensibiliser, mais aussi démystifier, sur le sujet de la responsabilité des dirigeants, auprès des bénévoles et des salariés ;
  • établir un planning annuel des réunions d’instance et de leurs attributions.

Les salariés

Les ressources humaines salariées sont au coeur des actions associatives et représentent généralement le poste budgétaire le plus significatif. Dès lors que des tensions salariales voient le jour ou que les difficultés de recrutement augmentent, les impacts financiers et en termes d’activités sont immédiats.

Les associations sont très exposées aux métiers en forte tension de recrutement et peinent à fidéliser leurs emplois face à l’étendue des besoins et la concurrence du secteur marchand qui propose souvent des conditions de rémunération plus élevées. De plus, les aléas de sources de financement et le recours important aux temps partiels fragilisent le recrutement dans un contexte de changements plus fréquents d’employeur.

L’association doit également mesurer les risques sociaux potentiels tels que le coût des départs à la retraite, la bonne application de la convention collective et des accords en vigueur, les potentiels contentieux prud’homaux.

Prévenir les risques

La prévention des risques et l’existence de procédures de contrôle interne sont souvent perçues à tort comme le propre des grandes sociétés ou organisations.

À titre d’exemple, les traitements informatisés font partie du quotidien : que ce soit en termes de cybercriminalité, de manipulation de données personnelles (RGPD) ou de sécurisation des moyens de paiement, les associations de toute taille sont concernées.

Le recours à des prestataires externes pour sensibiliser et conseiller sur la rédaction de procédures clés, simples et adaptées à l’organisation constitue une solution. L’association peut aussi nommer au sein de son conseil d’administration une personne dont la responsabilité sera d’apporter son avis sur les procédures existantes et d’en proposer des évolutions. L’intérêt principal est d’obtenir un avis neutre et « naïf » pour se réinterroger régulièrement sur sa capacité d’adaptation.

En synthèse, inscrire ses actions dans la durée c’est avant tout prévenir et anticiper.

Lorsque les difficultés apparaissent, l’association peut être amenée à prendre des décisions à court terme, sans réelles réflexions stratégiques, et parfois se détourner de son projet associatif. À contrario, si la structure réalise des analyses en amont et identifie les leviers à actionner en cas de difficultés, elle demeurera maître de ses choix pour y remédier, selon le degré d’urgence et les résultats attendus.

Que ce soit avec l’appui de conseils extérieurs, de bénévoles avertis, ou de dispositifs d’accompagnement, une cartographie régulière des risques principaux et de leur prévention constituera toujours un outil précieux et pertinent, aussi bien pour assurer la pérennité de l’association que pour rassurer les nouveaux administrateurs.

Auteur

Acteur majeur de l’expertise comptable en France, In Extenso accompagne au quotidien plus de 6 000 acteurs de l’économie sociale.
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