Au même titre que les associations, les coopératives structurent l’économie sociale et solidaire par leur modèle démocratique. Avec quelles spécificités ?

Fondamentales dans le paysage de l’économie sociale et solidaire, les coopératives sont à l’honneur en 2025, consacrée par les Nations Unies « Année internationale des coopératives ».
Cette reconnaissance mondiale se conjugue dans de nombreux évènements qui visent à souligner le rôle de ce modèle d’entreprise dans la construction d’une économie centrée sur les personnes, et à favoriser son développement.

Qu’est-ce qu’une coopérative ?

L’Alliance Coopérative Internationale (ACI) définit la coopérative comme « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs à travers une entreprise détenue collectivement et contrôlée démocratiquement ».

En France, la définition légale de la coopérative est formulée en ces termes :

« La coopérative est une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun et la mise en place des moyens nécessaires.

Elle exerce son activité dans toutes les branches de l'activité humaine et respecte les principes suivants : une adhésion volontaire et ouverte à tous, une gouvernance démocratique, la participation économique de ses membres, la formation desdits membres et la coopération avec les autres coopératives.

Sauf dispositions spéciales à certaines catégories de coopératives, chaque membre coopérateur dénommé, selon le cas, "associé" ou "sociétaire", dispose d'une voix à l'assemblée générale.

Les excédents de la coopérative sont prioritairement mis en réserve pour assurer son développement et celui de ses membres »1.

Ainsi, les coopératives reposent sur trois grands principes :

  • Fonctionnement démocratique : les prises de décisions stratégiques et l’élection des dirigeants s’effectuent lors d’un vote en assemblée générale sur le principe « une personne = une voix », quel que soit son rôle ou son apport en capital ;
  • Autonomie et indépendance : les associés non coopérateurs (personnes physiques ou personnes morales) ne peuvent être majoritaires en termes de droits de vote ;
  • Lucrativité limitée : les bénéfices sont prioritairement réinvestis dans l’entreprise (souvent en réserves indivisibles) pour assurer sa pérennité, la rémunération des associés est limitée et encadrée. Le remboursement des parts sociales d’un associé qui souhaite se retirer se fait à valeur nominale, excluant toute plus-value.

Les différentes familles coopératives

Le paysage coopératif se compose de plusieurs familles, qui ont chacune des spécificités organisationnelles et des statuts différents :

  • Les coopératives d’entreprises : elles regroupent des entrepreneurs aux intérêts conjoints pour organiser leur travail collectivement et mettre en commun des ressources (centrales d’achats, outils de production...). Elles comprennent notamment les coopératives agricoles, les coopératives de commerçants, les coopératives d’artisans, les coopératives de transport, ou les coopératives maritimes ;
  • Les coopératives d’utilisateurs ou d’usagers : elles associent les bénéficiaires d’un même service ou les usagers d’un même bien pour coordonner leurs intérêts. Elles se composent notamment de coopératives HLM, de coopératives d’habitants, de coopératives de consommateurs ou de coopératives scolaires ;
  • Les banques coopératives : les clients et bénéficiaires des services de paiement et de financement sont associés et participent au fonctionnement de la banque ;
  • Les sociétés coopératives et participatives (Scop, aussi appelées sociétés coopératives de production) : les associés sont les salariés de la structure. Les Scop sont présentes dans tous les secteurs d’activité ;
  • - Les sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) : toutes les parties prenantes d’un projet collectif sont associées (salariés, producteurs, bénéficiaires, bénévoles, usagers, associations...).

Bon à savoir

Les personnes de droit public (comme des collectivités territoriales) peuvent être associés dans des Scic.

Un modèle en plein essor

Les célébrations de l’année internationale des coopératives s’inscrivent dans une reconnaissance croissante de la valeur économique, sociale et environnementale de ce type de structure, et de leur participation à la réduction des inégalités.

En effet, le modèle coopératif affiche une ambition sociale plus vaste que la simple production de valeur marchande, et s’appuie sur des valeurs fondamentales prônées par l’ACI : « l'autonomie, la responsabilité, la démocratie, l'égalité, l'équité et la solidarité. Dans la tradition de leurs fondateurs, les membres des coopératives croient en des valeurs éthiques d'honnêteté, de tolérance, de responsabilité sociale et d'altruisme ».

Les coopératives s’appuient sur un fonctionnement à la fois mutualiste (communauté d’intérêts, mise en commun de ressources) et redistributif (les bénéfices financent l’appareil de production et le travail des coopérateurs), en dehors des logiques de spéculation financière. Ce modèle favorise donc des logiques plus durables, et entre en résonance avec des préoccupations grandissantes au XXIe siècle, notamment celles de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui recommande les statuts coopératifs et encourage leur développement depuis 2002.

Les performances des coopératives permettent également de valoriser leur modèle : en croissance continue depuis plus de dix ans, les coopératives sont aujourd’hui en France 22 410 entreprises, qui représentent 381 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 31 millions de sociétaires et 1,3 million de salariés (soit 4,8 % de l’emploi salarié).

Elles constituent 60 % du marché de la banque de dépôt, 40 % du chiffre d’affaires de l’agro-alimentaire, et 30 % du commerce de détail (source CoopFR).

La transformation d’association en coopérative

La transformation en Scop ou Scic peut apporter une réponse pertinente à de nombreuses situations qui se rencontrent fréquemment dans la vie d'une association : un conseil d'administration qui veut transférer ses responsabilités aux salariés, une volonté de renforcer son assise financière en s'appuyant sur une dynamique entrepreneuriale, une mutualisation de moyens entre plusieurs associations autour d'une nouvelle entité coopérative...

Les Scop et Scic représentent alors une solution de continuité par leur mode de gouvernance par leur fonctionnement démocratique, similaire à celui des associations.

Dans une Scop, les salariés sont les actionnaires majoritaires de l'entreprise. Ce type de structure privilégie la pérennité du projet et la valorisation du travail avec une répartition des bénéfices en conséquence : une grande partie (en moyenne 40 %) est réinvestie dans la Scop sous la forme de réserves impartageables. Le reste est partagé entre l'ensemble des salariés (participation) et les associés (dividendes ; cette part doit obligatoirement être inférieure à la part entreprise et la part salariés).

Le statut Scic, né en 20012, est une innovation permettant d'associer de multiples acteurs aux projets d'intérêt collectif : salariés, bénévoles, usagers, collectivités publiques, entreprises, associations, particuliers... Plus de la moitié de ses bénéfices (minimum 57,5 %) sont réinvestis dans ses réserves impartageables qui permettent de renforcer son assise financière pour ancrer durablement les Scic dans le paysage économique et pour favoriser l'émergence d'innovations sociales et de projets de développement économique local.

Dans les deux cas, la transformation n'entraîne pas la création d'une nouvelle personne morale : les contrats et conventions restent en place, et les capitaux propres de l'association sont transformés en réserves impartageables de l'entreprise3.

De plus, les projets de transformation peuvent bénéficier de l'appui et de l'expérience du réseau coopératif : les unions régionales des Scop en accompagnent chaque étape et disposent d'outils financiers adaptés à ce type d'opération, pour que les associations puissent évoluer sereinement vers une logique entrepreneuriale tout en continuant de respecter les valeurs de l'économie sociale et solidaire.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel