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Isoler des activités lucratives
Isoler des activités lucratives dans une filiale commerciale n'est pas sans conséquences
Si l’association se contente de détenir les parts sociales de sa filiale commerciale, sans intervenir dans sa gestion, elle n’encourt, en principe, du fait de cette filialisation aucun risque fiscal. Les dividendes perçus d’une société française sont assujettis pour les exercices clos depuis le 31 décembre 2009, au taux d’impôt sur les sociétés de 15 %.
En revanche, si elle intervient de façon active dans la gestion de la filiale (c’est le cas notamment lorsqu’elle est l’associé unique d'une EURL ou d'une SASU), ou lorsque la filiale a reçu dans le cadre d’un apport partiel d’actif une branche d’activité lucrative précédemment exploitée par l’association, la gestion des titres de la société constitue un secteur distinct lucratif, au sein de l’association. Celle-ci devient redevable de l’impôt sur les sociétés au taux commun sur les dividendes perçus.
Néanmoins, le régime fiscal des « sociétés mères-filles » limite l’incidence de cette fiscalisation. Si ce secteur n’est pas prépondérant, les activités non lucratives de l’association demeurent exonérées.
Enfin, si l’association conserve avec sa filiale une complémentarité économique, procède à une répartition de clientèle ou à des échanges de services, ou lorsque la société assume des charges relevant de l’association, cette dernière peut être fiscalisée sur l’ensemble de ses activités sans possibilité de sectorisation.
Cette hypothèse devrait essentiellement viser des situations dans lesquelles l’activité de l’association tend à favoriser l’activité commerciale de la filiale (existence de relations privilégiées avec une entreprise) ou encore lorsqu’il existe une confusion de gestion et de patrimoine entre les deux structures. Mais la seule complémentarité entre l’activité de la filiale et celle de l’association est insuffisante pour entrainer l’assujettissement de l’association aux impôts commerciaux.
Exemple
Ainsi, a été assujettie aux impôts commerciaux une association entretenant des relations privilégiées caractérisées par une complémentarité économique, l'association offrant des débouchés économiques à la société et concédant par ailleurs à celle-ci l'usage de la marque et son logo pour l'Europe, l'Asie et l'Afrique en échange de 10 % des droits d'entrée exigés par la société à chaque conclusion de contrat de franchise, alors que cette société assure en échange, par contrat, la promotion des activités développées par l'association, valorise son image et gère sa notoriété en assurant notamment la promotion de la marque et en organisant des campagnes de publicité.
De même, l’association qui pour se conformer à une obligation du Code du sport, crée une société commerciale dont elle est actionnaire, lui cède son équipe professionnelle, l’usage des installations sportives, le personnel salarié, la disposition de son logo et l’exploitation des produits dérivés permet à cette société d’accroitre ses recettes et de réaliser des économies. Elle participe indirectement à une activité lucrative (même si elle ne recherche pas d’excédents de recettes) et doit, à ce titre, être assujettie aux impôts commerciaux.
CAA Bordeaux, 13 mars 2014, n° 12BX01918
De même, s’agissant d’une association ayant pour objet social la prise en charge de personnes présentant des insuffisances respiratoires, la participation à la formation médicale, paramédicale et médicotechnique, la recherche médicale et la promotion de l'humanisme en médecine. Son action s’inscrivait dans le prolongement de l’activité d’une société portant le même nom, spécialisée dans le traitement respiratoire à domicile, qui commercialisait du matériel médical, en vue de la prise en charge médicotechnique des patients à leur domicile.
Le président de l’association était aussi président du conseil d’administration de la société. L’association et la société partagent des locaux appartenant à une SCI dont elles détiennent ensemble le capital.
La CAA de Bordeaux a estimé que l’association entretenait des relations privilégiées avec une entreprise du secteur commercial : « [...] les deux entités ont des intérêts communs manifestes résultant de la complémentarité de leurs objets respectifs, qui se traduisent par la collaboration opérationnelle de leurs services de recherche fondamentale ou encore par leurs adhésions respectives à la même fédération [...] ». La gestion de l’association n’est pas désintéressée, son activité doit être regardée comme lucrative.
CAA Bordeaux 15 novembre 2018, n° 16BX03243
Une association proposant des cours d’initiation au ski pour des enfants a demandé une exonération de TVA au titre de l’article 261-7,1° b) du CGI concernant les œuvres à caractère social et philanthropique, ce qui correspond à la règle des « 4P » Elle soutenait que sa gestion était désintéressée, que les prix pratiqués étaient inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises commerciales. Cette exonération est refusée par le Conseil d’État dans la mesure où les cours sont assurés par des moniteurs de ski, membres de l’association, et exerçant cette activité professionnelle en leur nom. Les activités de l’association leur procuraient un avantage concurrentiel. L’association entretenait donc des relations privilégiées avec ses membres, acteurs économiques, et présentait donc un caractère lucratif par contamination.
CE 17 octobre 2022, n° 453019
Une association a été créée par un consortium d’entreprises pour répondre à un appel à projet d’un ministère ayant pour objet l’émergence de projets urbains fortement innovants. Pour cela l’association entendait porter une démarche originale de coopération entre acteurs publics et privés. Elle sollicitait le bénéfice du mécénat afin, par les dons recueillis, de couvrir ses frais de fonctionnement mais également d’en reverser une partie aux entreprises pour compenser les dépenses d’étude et de recherche qu’elles devaient engager dans le cadre de l’activité associative. Ainsi, les entreprises membres du consortium auraient pu réduire leurs coûts sur ces projets et bénéficier d’un avantage sur les concurrents et augmenter leurs chances de remporter le marché. Cela caractérisait des relations privilégiées avec des entreprises donnant un caractère lucratif à l’association et justifiant d’une part son assujettissement aux impôts commerciaux et son exclusion du régime du mécénat.
TA Cergy-Pontoise, 10 janvier 2023, n° 191579