Yves Mayaud, Agrégé des Facultés de droit, co-directeur du Lamy Associations - Partenaire Associathèque

Engagée depuis près de vingt ans et promise à des échéances proches, la réforme du droit de la responsabilité civile tarde à être adoptée. Il faut dire que la matière est consistante, portée par une jurisprudence abondante et inventive, à la mesure des changements de notre société depuis la codification napoléonienne de 1804. Finaliser et formuler un tel ensemble dans des textes qui entendent intégrer cette évolution n’est pas une entreprise facile, ni techniquement, ni politiquement, et l’engouement pour un texte rapide a connu une période d’essoufflement. Un projet du ministère de la justice a vu le jour le 13 mars 2017, mais qui reste dans l’attente d’arbitrages interministériels sur certains sujets sensibles. En fait, la réforme ne figure pas parmi les priorités gouvernementales, et c’est pourquoi la commission des lois du Sénat a pris l’initiative de la relancer, avec la publication, en juillet 2020, de 23 propositions « pour simplifier la vie des Français en facilitant la réparation des dommages ». Une proposition de loi a suivi qui, partant du projet de la Chancellerie, intègre ce travail sénatorial.
Proposition de loi n° 678 portant réforme de la responsabilité civile, Sénat, 29 juillet 2020

Plusieurs innovations du projet disparaîtraient.

  • Tout d’abord, la création d’une amende civile. Soutenu par les associations de consommateurs et de victimes, le principe de cette amende revêt une dimension punitive affirmée, s’agissant de sanctionner les comportements les plus graves, en imposant à leurs auteurs de verser, en plus des dommages et intérêts dus aux victimes, une somme d’argent au Trésor public, qui pourrait aller jusqu’au décuple du montant du profit réalisé. Cette amende est en soi très discutable, qui revient à ne pas respecter la finalité réparatrice de la responsabilité civile, et c’est pourquoi elle serait condamnée à disparaître.
  • Il en serait de même de la reconnaissance d’une responsabilité collective en cas d’impossibilité de déterminer l’auteur d’un dommage parmi un groupe de personnes. Cette forme de responsabilité existe déjà, mais dans des cas très précis (accidents de chasse, santé publique...). Sa généralisation soulève plus de questions qu’elle n’en résout, particulièrement en rapport avec des activités de type syndical, associatif ou politique (ainsi des responsabilités à l’issue d’une manifestation).
  • Disparaîtrait également une définition spécifique de la faute appliquée aux personnes morales, l’approche des manquements source de responsabilité civile devant être identique quels que soient les sujets de droit concernés.
  • Enfin, serait abandonnée l’extension aux trains et tramways de la loi Badinter sur les accidents de la route, compte tenu de ses implications financières.

En revanche, reste centrale l’idée du projet de 2017 de mettre le dommage corporel, défini comme « toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne », au-dessus de tous les autres dommages. Les clauses limitatives de responsabilité seraient interdites, et l’auteur d’un tel dommage ne pourrait voir sa responsabilité partiellement exonérée qu’en cas de faute lourde de la victime. Quant à cette dernière, dans l’hypothèse d’un dommage lié à l’inexécution ou à la mauvaise exécution d’un contrat, elle aurait la possibilité d’opter pour le régime de la responsabilité extracontractuelle.