Xavier Delpech – Docteur en droit, Juris associations - Partenaire Associathèque

Le bénévolat associatif, ce n’est pas toujours une sinécure. Nul n’est à l’abri d’un accident dans son activité de bénévolat. Et lorsque celui-ci survient, il n’est pas toujours facile d’en identifier le responsable.

Une affaire, récemment jugée par la cour d’appel de Poitiers, est là pour s’en convaincre.

Le membre bénévole d’une association d’éducation populaire avait participé en 2013 à l’installation des décors, de la tribune et des gradins dans la salle polyvalente d’une commune de l’ouest de la France en vue des représentations d’une pièce de théâtre. Malheureusement, il a été victime d’un accident survenu lors de l’installation des gradins. La première phalange du majeur de sa main gauche a été écrasée et sectionnée, ce qui l’a obligé à subir une réimplantation digitale. Il a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur de protection juridique, lequel a transmis une demande de prise en charge à l’assureur de l’association.

Face au refus de l’assureur de l’association de l’indemniser, sous prétexte qu’un membre du conseil municipal serait en réalité le véritable responsable de l’accident (présent durant le montage, il est précisé qu’il a donné un violent coup de pied pour enfoncer la planche que tenaient deux bénévoles de l’association – dont la victime – qui ne s’emboîtait pas), le bénévole se tourne vers les tribunaux.

Il assigne en dommages-intérêts l’association.

D’abord, sur le fondement de l’article 1242 (anc. art. 1384) alinéa 1er, du code civil, relatif à la responsabilité du fait de la garde de la chose, en tant que gardien de la chose.

Ensuite sur le fondement de l’article 1242 (anc. art. 1384) alinéa 5, du code civil, relatif à la responsabilité du commettant du fait des préposés, considérant que le membre du conseil municipal fautif était préposé de l’association.

Sur chacun de ces deux fondements, le bénévole blessé est débouté de sa demande.

À propos du premier, il est précisé que la tribune avait été louée par l’association à une entreprise spécialisée. Du fait de cette location, l’association était devenue gardienne de ladite planche. Les juges estiment que si l’association est effectivement responsable des dommages causés par les choses dont elle a la garde, la victime n’a pas démontré que la planche, élément inerte, soit la cause de son dommage dès lors que c’est le fait d’un tiers, le coup de pied donné par le conseiller municipal, qui est la cause déterminante de sa blessure au doigt. Dès lors, la demande tendant à la condamnation de l’association de l’association en tant que gardien est rejetée.

A propos du second fondement, l’élu a expliqué sa présence lors du montage par la volonté de finaliser la notice de montage ou prendre des photographies. Mais il ne justifie d’aucune demande, instruction, contrôle émanant de l’association et ne démontre pas avoir agi à la demande préalable des bénévoles. L’association ne saurait être condamnée en qualité de commettant du membre du conseil municipal, le lien de préposition – qualifié, à tort par les juges, en l’absence de contrat de travail de lien de subordination – n’étant d’aucune manière caractérisée.

Mais le bénévole avait également pris soin d’assigner le membre du conseil municipal au titre de la responsabilité délictuelle, sur le fondement de l’article 1240 (anc. art. 1382) du code civil. Avec davantage de succès cette fois. L’élu a reconnu avoir commis une erreur qui a occasionné la blessure du bénévole et être à l’origine de l’accident.

Les juges considèrent que son initiative intempestive, maladroite, est directement à l’origine des blessures du bénévole et que ces éléments caractérisent une faute personnelle qui engage sa responsabilité. Il est condamné, lui et son assureur, à verser à la victime une somme d’environ 15 000 euros en réparation de son préjudice corporel. La commune dont il est élu n’est, en revanche, pas inquiétée.

Le bénévole est finalement indemnisé, et c’est là l’essentiel.

Mais fallait-il vraiment que ce soit l’élu qui supporte le poids – juridique, sinon financier, compte tenu de la présence de son assureur – de la condamnation ?

Cour d’appel de Poitiers, 15 janvier 2019, n° 20/2019