Delphine Castel – rédactrice juridique Juris associations - Partenaire Associathèque.
« En 2018, en France, 170 000 associations sont employeuses et 1,1 million sont non employeuses. Elles fonctionnent grâce à 2,2 millions de salariés et 21 millions de participations bénévoles, un même bénévole pouvant s’investir dans plusieurs associations. Sur l’année, cela représente 1,5 million d’emplois salariés en équivalent temps plein et 580 000 équivalents temps plein bénévoles »1.
Le bénévolat est la ressource-clé des associations, sans lequel elles ne pourraient exister. La particularité de l’association est de fonctionner avec des collaborateurs variés tels que les membres, les adhérents, les usagers, les bénévoles, les employés, les intervenants externes, les salariés mis à disposition, etc., qui sont autant de statuts juridiques venant cohabiter au sein de l’association. Dans ce patchwork, trois catégories intéressent particulièrement le droit du travail et, par suite, la qualité d’employeur que peut endosser l’association : les salariés, bien naturellement, mais également les bénévoles et les volontaires, qui peuvent faire planer sur l’association un risque de requalification en contrat de travail.
Le risque de requalification dans les relations de travail associatif
Le statut des bénévoles est souvent défini en creux, voire en opposition par rapport au salariat : un bénévole n’est pas rémunéré, n’a pas d’horaires, n’est pas soumis à un lien de subordination… Pourtant, un bénévole n’est pas le négatif d’un salarié. Par ailleurs, de nombreuses règles concernent l’engagement des actifs et les possibilités qui leur sont offertes de valoriser cet engagement. Le statut des volontaires est différent : loin d’être à mi-chemin entre le bénévolat et le salariat, les volontaires bénéficient d’un statut à part entière incluant un lien de subordination et une rémunération dans le cadre d’un contrat de droit privé.
Pour définir le bénévolat ou le volontariat, il faut donc commencer par qualifier la relation salariée et délimiter les contours de la notion de contrat de travail. Ainsi, le contrat de travail peut être défini comme le contrat par lequel une personne (le salarié) s’engage à travailler, pour le compte et sous la direction (lien de subordination) d’une autre (l’employeur), moyennant rémunération. Lorsqu’une association fait appel à des bénévoles ou à des volontaires, mais que, dans les faits, les critères du contrat de travail sont réunis, le bénévolat ou le volontariat est requalifié en salariat. Si le volontariat est relativement encadré, le bénévolat n’a pas de définition légale, mais la jurisprudence considère que la situation de bénévole s’apprécie au regard de l’absence de rémunération ou d’indemnisation et de l’inexistence d’un quelconque lien de subordination avec l’association. La notion de bénévolat est construite par opposition avec celle de salariat.
Le risque de requalification est d’autant plus pertinent que le juge n’est pas lié par la qualification que les parties confèrent à leurs relations ou à leur accord verbal. La qualification de contrat de travail est indisponible, elle est d’ordre public et le juge est tenu de requalifier le bénévolat en contrat de travail s’il estime que les conditions sont réunies : « l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs » (CPC, art. 12). Ainsi, un contrat dénommé « de collaboration », de « prestation de services » (Soc., 23 janv. 1997, n° 94-40.099), de « partenariat » ou encore « d’intérêt commun » peut être requalifié en contrat de travail. Inversement, un contrat de travail peut ne pas en être un en réalité.
Les juges ont par exemple considéré que des accompagnateurs, non-sociétaires, étaient bien liés à une association par un contrat de travail, dès lors qu’ils effectuaient leurs tâches sous les ordres et selon les directives de cette dernière, qui avait le pouvoir d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements éventuels, et percevaient en outre une somme forfaitaire supérieure au montant des frais réellement exposés.
Soc., 29 janv. 2002, n° 99-42.697
Conséquences de la requalification en contrat de travail
La requalification d’une activité bénévole en activité salariée est lourde de conséquences : compétence ou non du conseil de prud’hommes, affiliation à un régime de Sécurité sociale et assujettissement aux cotisations sociales, application du droit du travail et versement des salaires et indemnités légales et/ou conventionnelles, condamnation à des dommages et intérêts, poursuites pénales pour travail dissimulé, etc. La notion de contrat de travail est une « frontière », un « passage brutal » vers une « qualification cruciale ».
E. Dockès, G. Auzero, D. Baugard, « Droit du travail », Dalloz, coll. Précis, 32ème éd., 2019, n° 195