Xavier Delpech – Docteur en droit, Juris associations - Partenaire Associathèque

Le collège de déontologie de la juridiction administrative est une instance trop méconnue.
Ce collège est chargé d'apporter un éclairage à l'ensemble des membres de la juridiction administrative sur l'application des principes et bonnes pratiques rappelés par la charte de déontologie qui leur est applicable. Cette charte évoque l’activité associative des membres des juridictions administratives. Elle énonce, à cet égard, que ces derniers sont libres d’adhérer à un parti politique, à une organisation syndicale ou à une association, mais que cette liberté doit être concilié avec le devoir de réserve dont ils sont également tenus (pt 40). La charte ajoute qu’on ne peut exclure que certains de leurs engagements personnels se révèlent, en pratique, inconciliables avec l’exercice normal des fonctions au sein de la juridiction administrative. Il peut en aller ainsi, par exemple, de « certaines responsabilités de premier plan au sein d’associations ou de fondations, dans des domaines dont l’intéressé ne pourrait pas éviter, compte tenu notamment de la taille de la juridiction à laquelle il appartient, d’avoir à connaître dans l’exercice de ses fonctions (contentieux des étrangers, urbanisme, environnement...) » (pt 51). Il a publié le 17 janvier dernier son rapport annuel d'activité pour 2022.

Un avis rendu par le collège au cours de l’année 2012 et reproduit dans le rapport (avis n° 2022/5 du 8 déc. 2022) évoque une question nouvelle et intéressante concernant l’activité associative des magistrats de l’ordre administratif. Un tel magistrat – précisément Maitre des requêtes au Conseil d’État – envisageait l’hypothèse où ses engagements associatifs dans le domaine de la santé pourraient le conduire à être désigné pour siéger au sein du conseil d’administration d’un établissement public composé d’une part de représentants de l’Etat, d’autre part de représentants de divers organismes dont des associations. Il s’interrogeait précisément sur le point de savoir si, dans une telle situation, il lui serait possible sans méconnaître pour autant ses obligations déontologiques de prendre, en sa qualité de représentant d’associations, des positions différentes de celles de l’État. La question paraît effectivement inédite.

Pour le collège, la réponse à celle-ci devait être recherchée, indépendamment des règles et principes déontologiques applicables aux magistrats administratifs, dans la logique du fonctionnement d’un organe délibérant associant des représentants de l’État et des représentants d’organismes extérieurs tels que, notamment, des associations. Il a considéré, à cet égard, que « [lorsqu]’un texte a prévu que des représentants d’associations siègent en tant que tels au sein du conseil d’administration d’un établissement public, il a nécessairement entendu, d’une part, que ces représentants puissent en cette qualité faire état de leur expérience et apporter au conseil la connaissance des positions et points de vue de ces organismes et, d’autre part, qu’à cette fin ils disposent d’une entière liberté d’expression et, notamment, prennent, le cas échéant, des positions différentes de celles des représentants de l’État ».

Ce principe une fois posé, son application au cas des magistrats administratifs ne faisait pas difficulté, selon le collège. D’une part, ils peuvent librement être membres d’associations et exercer des responsabilités au sein de celles-ci. D’autre part, aucune particularité de leur régime statutaire et déontologique « ne saurait conduire à déroger à cette logique ni, par suite, à faire obstacle à la participation d’un magistrat, en qualité de représentant d’une association, au conseil d’administration d’un établissement public de l’État, non plus qu’à restreindre la liberté de ses prises de position ». Le collège a cependant émis une petite réserve. Il a, en effet, rappelé d’une part que, dans une telle situation il conviendrait de ne pas faire état de la qualité de magistrat et d’autre part que les propos tenus au nom de l’association ne devraient pas « méconnaitre la dignité et la délicatesse qui incombent à tout magistrat s’exprimant en public ». C’est dire que les activités associatives sont largement ouvertes aux membres des juridictions de l’ordre administratif. En est-il de même pour leurs homologues de l’ordre judiciaire ? On aimerait le savoir...