Un rapport de la Cour des Comptes permet de rappeler les compétences de cette juridiction et les motifs de non-conformité d’un compte d’emploi des ressources.

La Cour des comptes a rendu public le rapport émis à l’encontre d’un fonds de dotation concernant les exercices 2017 à 2019, dont la lecture permet de préciser son interprétation du compte d’emploi des ressources et sa justification d’une déclaration de non-conformité des dépenses engagées aux objectifs poursuivis par l’appel à la générosité du public.

Statuts et avantages du fonds de dotation

« Le fonds de dotation emprunte au régime de l’association la facilité de création, au régime de la fondation la capacité de recevoir des libéralités bénéficiant d’avantages fiscaux (dons, legs, etc.), tout en conservant une grande souplesse d’organisation ». C’est en ces termes que la Cour des comptes introduit son rapport, rappelant les avantages offerts par le statut de fonds de dotation.

Ce modèle de structure a considérablement fait évoluer le secteur de la philanthropie et s’est largement développé depuis son instauration par la loi du 4 août 2008. Face à cette croissance, la Cour des comptes a engagé la formulation d’un état des lieux du recours aux fonds de dotation en France, comprenant une large enquête sectorielle et le contrôle de neuf fonds de dotation sélectionnés sur échantillon.

Cette démarche rappelle les obligations qui sont associées à la gestion d’un tel outil philanthropique et l’autorité de la Cour des comptes pour juger de leur respect.

Compétence juridictionnelle de la Cour des comptes

L’article L. 111-9 du code des juridictions financières dispose en effet que la Cour des comptes « peut contrôler, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, le compte d’emploi des ressources collectées auprès du public » par les organismes faisant appel à la générosité du public et vérifier la conformité des dépenses engagées au regard des objectifs poursuivis.

L’article L. 143-2 du même code indique que lorsque la Cour des comptes atteste d’un défaut de conformité à l’issue d’un contrôle, « elle assortit son rapport d’une déclaration explicite en ce sens. Cette déclaration est transmise au ministre chargé du budget et aux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle est rendue publique ».

Il appartient par la suite au ministre chargé du budget de statuer sur le maintien ou non des avantages fiscaux attachés aux dons, legs et versements pouvant bénéficier au fonds de dotation concerné.

Cas d’application pratique

C’est dans ce cadre que la Cour des comptes a publié la déclaration de non-conformité relative aux dépenses du fonds de dotation en question (Lucie Care).

Ce fonds de dotation a été créé en 2015 par l’association Union nationale des aveugles et déficients visuels (Unadev) pour prolonger son action à destination des jeunes déficients visuels. Il a bénéficié d’une dotation initiale de 3 millions d’euros de sa part.

On peut relever que lors d’un contrôle effectué en 2018, la Cour des comptes avait émis des réserves vis-à-vis de l’Unadev, jugeant que « la création du fonds de dotation Lucie Care [était] difficile à justifier, dès lors que ce fonds a vu ses missions s’élargir aux mêmes objets » que ceux de l’association.

Le contrôle relatif aux exercices 2017 à 2019 de Lucie Care a pourtant levé les réserves sur les missions du fonds de dotation, estimant que les projets mis en œuvre sont conformes à son objet social et représentent des « actions concrètes engagées au bénéfice des jeunes déficients visuels ».

La Cour des comptes aboutit malgré tout à une déclaration de non-conformité au motif que ces projets ne représentent qu’une part minime des dépenses de Lucie Care, dont l’essentiel des frais engagés est « consacré à la recherche de fonds au détriment des missions sociales ». Elle estime en effet que la part des dépenses affectées aux missions sociales oscille entre 27% et 30% sur la période, alors que celle des frais de recherche de fonds occupe entre 60% et 62% du montant des ressources comptabilisées. Par ces motifs, elle atteste que les dépenses engagées sur ces exercices n’ont pas été conformes aux objectifs poursuivis par l’appel à la générosité du public.

Le fonds de dotation a réagi dans un communiqué, qualifiant le contrôle de « profondément injuste » et mettant en doute le mode de recalcul des dépenses car il mélange la dotation initiale et les dons issus des appels à la générosité du public. Le fonds rappelle également que tous ses comptes ont été certifiés sans réserve par son commissaire aux comptes.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel