Une nouvelle décision enrichit la jurisprudence relative à la recevabilité d’une action de groupe menée par une association de défense des consommateurs.

L’affaire est notoire. Elle concerne la toute première action de groupe « consommation » (C. consom., art. L. 623-1 et L. 623-2) instituée par la loi dite « Hamon » du 17 mars 2014. Elle a été initiée dans le secteur du logement locatif par une association de consommateurs bien connue, contre une société qui anime un réseau de filiales et de franchisés qui exercent l’activité de gestion immobilière et de transaction.

Validation des « frais d’avis d’échéance »

L’association de consommateurs a assigné cette société immobilière en action de groupe aux fins de faire juger illicite la facturation à des locataires, par les agences de son réseau, entre 2009 et 2014, de frais dénommés « frais d’avis d’échéance ». Sa demande a été jugée irrecevable par le tribunal de grande instance de Versailles car le bail d’habitation, régi par la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, n’est pas inclus dans le code de la consommation et obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte que les actions qui le concernent échappent à l’action de groupe (TGI Nanterre, 14 mai 2018, n° 14/11846).

La solution a ensuite été confirmée par la cour d’appel de Versailles (Versailles, 20 mai 2021, n° 18/04462). Certes, dans l’intervalle, l’article 138 de la loi du 23 novembre 2018, dite « ELAN », a modifié l’article L. 623-1 du code de la consommation en élargissant le champ d’application de l’action de groupe « consommation », lequel n’est plus limité à la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs nés à l’occasion de la « vente de biens ou de la fourniture de services », mais vise aussi à réparer le préjudice subi « dans le cadre de la location d’un bien immobilier », mais cette loi n’était bien évidemment pas applicable à l’époque des faits litigieux. Les juges versaillais ont à juste titre refusé d’en faire application. Ils ont également relevé que l’article 21 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 mars 2014, dite ALUR, n’interdisait pas la facturation de l’envoi d’avis d’échéance. Pour rappel, la loi ALUR a ajouté un alinéa à cet article 21 rédigé en ces termes : « Aucuns frais liés à la gestion de l’avis d’échéance ou de la quittance ne peuvent être facturés au locataire ».

Enfin, ils ont écarté l’argument fondé sur l’article 4, p) de la loi du 6 juillet 1989 interdisant la facturation aux locataires de frais de relance et d’expédition de quittances. L’avis d’échéance s’analysant, selon l’association, en une relance, c’est-à-dire en un rappel au locataire de son obligation de payer le loyer, la facturation pratiquée correspond à un service fictif puisque le locataire connaît cette obligation. Or, pour les juges versaillais, cet article 4, p) ne concerne pas l’avis d’échéance.

Nouvel échec d’une action de groupe

La Cour de cassation a ensuite rejeté le pourvoi formé par l’association de consommateurs, lequel portait spécifiquement sur ce dernier point. La haute juridiction a, en effet, jugé que, « ayant relevé que le service d’avis d’échéance n’était pas inclus dans les baux mais résultait d’un contrat de fourniture de services proposé par l’agence immobilière au locataire et retenu que l’avis d’échéance, qui était envoyé même s’il n’existait pas d’impayé, avait pour objet d’indiquer la somme dont le locataire était redevable pour le terme à venir. La cour d’appel en a exactement déduit que cet avis ne constituait pas une relance au sens de l’article 4, p), de la loi du 6 juillet 1989, laquelle a pour objet de rappeler à son destinataire son obligation en cas d’impayé ».

La recevabilité d’une action de groupe « consommation » par la Cour de cassation n’est donc pas encore pour aujourd’hui.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel