Une décision de la Cour de Cassation offre une piqûre de rappel des possibilités d’action en justice visant les dirigeants associatifs.
La Cour de cassation persiste et signe : aucune action des membres d'une association n'est ouverte à l'encontre de ses dirigeants en place si cette action n'est pas prévue dans les statuts.
Nature du préjudice et intérêt à agir
Les faits sont simples : une société possédait la qualité d'adhérente d'une association, elle-même présidée par une personne physique. Imputant des fautes de gestion au dirigeant, la société adhérente l'assigna devant le tribunal judiciaire, notamment en indemnisation du préjudice social subi par l'association – une action dite « ut singuli » mise en œuvre par un membre au bénéfice de l'association elle-même. Qu'il s'agisse de l'ordonnance rendue en première instance par le juge de la mise en état ou de l'appel interjeté contre sa décision, chacun dénia l'intérêt à agir du sociétaire demandeur.
La Cour de cassation, par un arrêt en date du 20 juin 2024, ne divergera aucunement de cette appréciation en affirmant que « la possibilité d'exercer l'action sociale ut singuli à l'encontre d'un dirigeant est réservée par le législateur aux seuls membres de sociétés et constitue une dérogation, pour ces groupements, à la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur. [...] S'agissant des associations, les statuts déterminent librement les organes habilités à agir dans leur intérêt et, en l'absence d'une clause statutaire le prévoyant, aucun texte n'autorise leurs membres à exercer l'action ut singuli à l'encontre d'un dirigeant, en indemnisation du préjudice par elles subi ». Dans la droite ligne de sa jurisprudence (Civ. 3e, 7 juill. 2022, n° 22-10.447), il apparaît donc que l'action ut singuli ne saurait à l'heure actuelle prospérer concernant les associations.
Les membres d’une association peuvent-ils agir contre les dirigeants en place ?
Pour autant, l'admission d'une telle action au bénéfice des sociétaires d'une association n'aurait pas été incohérente alors même que la pratique existe en droit des sociétés et qu'il n'est pas rare que le juge s'en inspire en droit associatif (v. par ex. Civ. 1re, 29 nov. 1994, n° 92-18.018). Susceptible de permettre un meilleur contrôle des actes du dirigeant d'une association, l'admission de l'action ut singuli serait venue compléter la panoplie limitée du sociétaire existant en la matière et relativement insatisfaisante quant à ses conditions ou ses effets.
Pour information, l'arrêt du 7 juillet 2022 précité en rappelait la liste :
- agir contre un ancien dirigeant ;
- agir à titre personnel en réparation de son propre préjudice ;
- demander la désignation d'un administrateur ad hoc.
Il convient de préciser qu'à l'occasion du contentieux du 7 juillet 2022, le demandeur n'aura pas manqué d'introduire une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par mémoire distinct concernant :
- la constitutionnalité de la loi du 1er juillet 1901 en ce qu'elle serait susceptible de violer les dispositions des articles 4, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et le droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi que le principe d'égalité ;
- la constitutionnalité de l'alinéa 1er de l'article 1843-5 du code civil ouvrant l'action ut singuli aux associés d'une société dès lors que l'article ne prévoit pas de telle possibilité pour une association.
Cependant, la question ne fut pas transmise au Conseil constitutionnel en ce qu'elle fut jugée comme n'étant ni nouvelle, ni sérieuse.
En l'état, si « nul ne plaide par procureur », il convient de se demander s’il est au moins réellement possible de plaider...
Auteur
Juris associations pour le Crédit Mutuel