Une décision du Conseil d’État confirme l’intérêt à agir des associations de défense des libertés de la presse dans la régulation de l’audiovisuel.

L’arrêt du Conseil d’État du 14 février 2024 a déjà fait couler beaucoup d’encre, certains regrettant qu’il mette à mal la liberté d’information des chaînes privées (J.-E. Schoettl), d’autres, à l’inverse, estimant qu’il constitue une excellente nouvelle pour le pluralisme (J. Cagé).

Une conception exigeante du respect du pluralisme

Saisie par une association de défense de la liberté de la presse sur le fondement de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Ln° 86-1067, JO du 1er oct.) à propos d’une chaîne d’informations télévisée, la haute juridiction administrative a jugé que, pour apprécier le respect par une chaîne de télévision, quelle qu’elle soit, du pluralisme de l’information, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinion représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques.

Le Conseil d’État juge, par ailleurs, que l’Arcom doit s’assurer de l’indépendance de l’information au sein de la chaîne en tenant compte de l’ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation, et pas seulement à partir de la séquence d’un extrait d’un programme particulier. Faute d’avoir examiné tous ces aspects, l’Arcom devra réexaminer sous six mois la demande de mise en demeure à l’encontre de la chaîne d’information, formulée par l’association, en tenant compte des précisions apportées par le Conseil d’État sur la portée des obligations prévues par la loi.

Intérêt à agir de l’association

Formellement, l’Arcom avait pris une décision rejetant la demande de l’association visant à ce que la société éditant la chaîne télévisée soit mise en demeure de se conformer à ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information. Compte tenu des reproches formulés par le Conseil d’État, cette décision est annulée par la haute juridiction administrative. Cette dernière ne s’est pas uniquement prononcée sur la légalité de la décision de l’Arcom, mais également sur des questions d’ordre procédural, notamment sur celle de l’intérêt à agir de l’association, que contestait l’autorité de régulation.

Pour le Conseil d’État, si l’Arcom soutient que l’objet social de l’association de défense de la liberté de la presse ne lui confère pas un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l’une de ses décisions, il ressort toutefois de l’article 1er de ses statuts que cette association, reconnue d’utilité publique, a pour but de « défendre la liberté de la presse » ainsi que le « droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique [...] celui de chercher, de recevoir et de répandre [...] les informations et les idées [...] ». Ainsi, l’association doit être regardée comme une organisation de défense de la liberté de l’information reconnue d’utilité publique au sens du troisième alinéa de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986, habilitée par la loi à demander à l'Arcom de faire usage de ses pouvoirs de mettre en demeure un opérateur de service. Et d’en déduire que l’Arcom n’est pas « fondée à soutenir que la requête de l’association serait irrecevable faute d’intérêt lui donnant qualité pour agir contre le refus de prononcer une mise en demeure litigieux ».

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel