La Cour de cassation précise les modalités de mise en œuvre d’un transfert de contrat de travail, et les justifications possibles pour sa résiliation.

Il n’est pas rare qu’une collectivité reprenne en régie des activités jusque-là confiées à des acteurs privés, associations ou entreprises (accueil périscolaire, restauration scolaire, etc.). Ce transfert d’activité dans le cadre d’un service public administratif s’accompagne d’un transfert des contrats de travail des salariés concernés, en application de l’article L.1224-3 du code du travail. La personne publique doit alors leur proposer un contrat de droit public reprenant les « clauses substantielles » du contrat transféré. Le législateur étant resté muet quant aux modalités pratiques du transfert des contrats de travail, la jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur la question, comme c’est le cas dans cet arrêt du 6 mars 2024.

Un obstacle apparent à la reprise de la salariée...

En l’espèce, une commune reprend en direct la gestion d’un centre de loisirs jusqu’ici confiée à une association. Elle refuse toutefois de reprendre la « directrice enfance » de la structure, considérant que celle-ci ne dispose pas des qualifications nécessaires pour occuper le poste de directrice d’un centre de loisirs, ce sans procéder à son licenciement, à défaut de lui proposer un contrat de droit public.

L’intéressée saisit alors la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Les juges, confirmés par la cour d’appel, accueillent sa demande tout en condamnant la collectivité territoriale au paiement de diverses indemnités et rappels de salaire. Un pourvoi est formé par la commune qui fait valoir qu’elle n’aurait pu proposer un contrat de droit public à la salariée sans contrevenir à ses obligations réglementaires, l’article R.227-14 du code de l’action sociale et des familles (CASF) réservant les fonctions de directrice ou directrice adjointe d’un centre de loisirs aux titulaires du brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD). La double question qui se posait à la Cour était donc de savoir si, en cas de contradiction entre les dispositions réglementaires conditionnant l’accès à un emploi public et l’article L.1224-3 du code du travail, le contrat de travail d’un salarié devait malgré tout être transféré au repreneur public et, dans l’affirmative, de préciser les obligations de ce dernier.

... qui n’empêche pas le transfert de plein droit du contrat de travail

D’après la chambre sociale, en application de l’article L.1224-3 du code du travail, les contrats de travail en cours au jour du transfert entre secteur privé et secteur public subsistent entre le personnel de l’entreprise et le nouvel employeur, qui est tenu, dès la reprise de l’activité, de continuer à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu’à ce que ceux-ci acceptent le contrat de droit public qui leur est proposé ou jusqu’à leur licenciement s’ils le refusent ou s’il n’est pas possible, pour la personne publique, au regard des dispositions législatives ou réglementaires dont relève son personnel, de maintenir le contrat de travail de droit privé en cours au jour du transfert ou d’offrir à l’intéressé un emploi reprenant les conditions de ce contrat.

Dans les faits, le contrat de travail de la salariée ayant été transféré de plein droit à la commune, celle-ci était bel et bien tenue de payer les salaires à compter de la date à laquelle cette activité lui avait été transférée. Par ailleurs, les manquements de la commune à ses obligations rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et justifiaient sa résiliation.

En adoptant cette solution, la chambre sociale apporte des précisions bienvenues permettant de concilier le mécanisme de transfert des contrats de travail du privé vers le public et les contraintes particulières pesant sur les collectivités.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel