Un arrêt met en lumière les conditions d’admission de la constitution de partie civile d’une association dans le cadre d’une action en justice.

Cet arrêt confirme une nouvelle fois que l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé. Dans l’affaire jugée, de nombreuses tombes d’un cimetière juif et un mémorial dédié aux martyrs de la Seconde Guerre mondiale ont fait l'objet de dégradations. Les auteurs de ces faits abjects ont été retrouvés. Il s’agit d’une dizaine de personnes, mineures à l’époque des faits, qui ont par la suite été condamnées pénalement par un tribunal pour enfants pour violation de sépultures en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion et dégradations en réunion de biens destinés à l'utilité publique. Cinq associations de lutte contre le racisme se sont constituées partie civile, mais elles ont été déclarées irrecevables en leur demande par ce même tribunal. La cour d’appel a confirmé le jugement d’irrecevabilité. L’arrêt d’appel a ensuite été censuré, quoique partiellement. Le raisonnement de la haute juridiction mérite d’être disséqué.

Pas de recevabilité sans texte

Tout d’abord, pour déclarer l'une des associations irrecevable en sa constitution de partie civile pour les faits de violation de sépultures en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion, l'arrêt d’appel considère que ce délit n'est pas inclus parmi les infractions pour lesquelles l'article 2-1 du code de procédure pénale permet aux associations ayant pour objet la lutte contre le racisme ou l'assistance aux victimes de discrimination d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Sur ce point précis, le pourvoi contre l’arrêt d’appel est rejeté. Pour rappel, cet article prévoit, en son premier alinéa, que « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne [...] les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne, les menaces, les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations qui ont été commis au préjudice d'une personne à raison de son origine nationale, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée ». Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, la cour d'appel « a justifié sa décision, dès lors que le délit de violation de sépultures, qui appartient à la catégorie des atteintes à la dignité de la personne, ne relève ni de la catégorie des atteintes à la vie ou à l'intégrité de la personne, ni d'aucune des autres infractions limitativement énumérées par le texte précité ». La solution, parfaitement orthodoxe, est conforme à sa jurisprudence. Elle a, à cet égard, déjà jugé que l'exercice de l'action civile devant les tribunaux de répression est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par le code de procédure pénale et que la constitution de partie civile des associations de lutte contre le racisme n’est recevable que dans les cas limitativement prévus par l’article 2-1.
Crim. 22 déc. 1975, n° 74-92.080

Circonstances aggravantes

Ensuite, c’est sur le second grief que la cassation intervient. Pour déclarer l'association irrecevable en sa constitution de partie civile pour les faits de dégradations aggravées dont les prévenus ont été déclarés coupables, l'arrêt d’appel avait énoncé que ces faits, pour lesquels la circonstance aggravante de commission à raison de l'appartenance de la victime à une ethnie, race ou religion déterminée n'a pas été relevée, n'entrent pas dans le champ de l'article 2-1 du code de procédure pénale. Or, pour la Cour de cassation, l’application de cet article n'est pas subordonnée à la caractérisation d'une circonstance aggravante déterminée.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel