Une décision de la Cour de Cassation met en lumière les nuances du contrat à durée déterminée (CDD) et des procédures pour faute qui peuvent mener à sa rupture.

Un salarié qui enchaîne auprès du même employeur des contrats à durée déterminée (CDD) successifs peut-il se voir reprocher une faute grave commise dans un précédent contrat qui permettrait la rupture anticipée d’un contrat de travail en cours ? C’est à cette question qu’a récemment répondu la Cour de cassation.

En l’espèce, une salariée avait été employée par une société en qualité d’assistante administrative dans le cadre de trois CDD successifs à partir du 30 janvier 2014. Estimant que la salariée avait commis une faute grave, l’employeur décide de rompre le troisième contrat de manière anticipée, arguant de faits commis au cours de l’exécution du deuxième CDD.

Du point de vue du contrat

Un CDD est un contrat de travail « d’exception » par rapport au contrat à durée indéterminée (CDI), contrat de droit commun. Par conséquent, pour éviter tout abus, le CDD a été limité et encadré dès son origine. Notamment, il convient de ne pas confondre la succession de CDD avec le renouvellement de CDD : la succession implique la conclusion de plusieurs CDD qui se suivent alors que le renouvellement consiste à prolonger le terme d’un CDD. Dans le cas de la succession, le premier contrat étant arrivé à son terme, les parties choisissent de contracter à nouveau et un nouveau contrat naît (C. trav., art. L. 1244-1 et s.) ; dans le cas du renouvellement, les parties décident de repousser le terme du contrat et, par conséquent, le même contrat se poursuit (C. trav., art. L. 1243-13 et s.).

Dans l’affaire commentée, la question posée à la Cour pourrait être formulée de cette manière : peut-on rompre le contrat de travail d’un salarié sur la base d’une faute commise lors de l’exécution d’un autre contrat ? En toute logique, la réponse est négative, mais encore faut-il tenir compte des règles régissant la faute grave.

Du point de vue de la faute grave

Une faute est qualifiée de grave lorsque les faits commis par le salarié rendent impossible le maintien de la relation de travail, même pendant le temps du préavis. Compte tenu de son régime juridique, il est couramment admis que la qualification de faute grave ne tient pas lorsque l’employeur a attendu quelque temps avant de démarrer la procédure de licenciement, qu’il n’a pas mis à pied le salarié ou encore qu’il l’a laissé exécuter le préavis. Le juge prud’homal, qui n’est pas lié par la qualification donnée par les parties, peut parfaitement requalifier la faute grave en simple cause réelle et sérieuse, indépendamment de la question de la réalité de la faute elle-même.

La faute grave doit donc être sanctionnée dans un délai bref, mais ce délai ne commence pas le jour où elle est commise : il commence le jour où l’employeur découvre la faute. L’employeur est-il en droit de rompre la relation de travail le liant au salarié dès lors qu’il découvre une faute grave ? Oui, mais à la condition que le contrat de travail soit toujours en cours d’exécution. Après la relation de travail, l’employeur n’a aucun fondement d’action contre le salarié, à l’exception de quelques hypothèses tenant soit à une faute de nature pénale, permettant à l’employeur de se constituer partie civile, soit à une faute civile dont l’exécution dans le temps se poursuit, telle qu’une concurrence déloyale. Aucune faute liée à l’exécution du contrat, même grave, ne peut être poursuivie après le terme du contrat et permettre à l’employeur de prononcer la rupture du CDD pour une faute commise lors d’un précédent CDD ou de solliciter une indemnisation. Le contraire aurait, d’une part, méconnu le régime juridique des CDD successifs, qui sont par nature indépendants, et, d’autre part, ouvert aux employeurs la possibilité de poursuivre les salariés sur un fondement non prévu par la loi. Par conséquent, la Cour de cassation a très justement jugé que la rupture anticipée du CDD au motif d’une faute grave commise lors d’un contrat précédent était illicite.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel