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La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a mis à mal les activités associatives, lesquelles n’ont pu se dérouler physiquement comme à l’accoutumée. Surtout, elle a rendu moins visibles les organismes sans but lucratif, et les français, craignant pour l’avenir et leur budget, ont réduit leurs dons à leur égard.
Tour d’horizon du dispositif de l’appel public à la générosité, pouvant offrir de nouvelles ressources pour rebondir.

La situation financière des associations post-déconfinement

Après pratiquement 15 années de croissance continue, au cours desquelles le secteur a dû faire face au transfert des soutiens publics des subventions vers les marchés publics, la ressource constituée par les dons et libéralités a accusé un net coup de frein dès 2018 à raison de réformes fiscales diverses, aux conséquences négatives pour les associations. Le léger rebond enregistré en  2019, insuffisant pour compenser cette contraction drastique de 2018, risque en conséquence de ne pas se reproduire en 2020 et de mettre à mal davantage encore les budgets des structures. Les statistiques démontrent que, sur un panel donné, environ la moitié des organismes sans but lucratif dépendent des ressources privées à plus de 80 % (cotisations, dons manuels et libéralités, activités lucratives). Concernant les dons, 40 % environ sont collectés lors du dernier trimestre, majoritairement en décembre d’ailleurs. Près d’un tiers des organismes constatent d’ores et déjà une diminution des dons récoltés sur 20201.

Appel public à la générosité, de quoi parle-t-on ?

Affichages dans l’espace public, démarchage téléphonique, bénévoles dans les rues, envois de courriels, publicité dans la presse, SMS, publications sur le site internet, sur les réseaux sociaux, sur des plateformes de financement participatif...

La concurrence et la professionnalisation au secours des associations ?

Les parties prenantes s’accordent à considérer qu’il est nécessaire de remobiliser les français afin qu’ils contribuent à l’intérêt général par le biais des institutions sans but lucratif, ce qui implique comme toujours de réussir à diffuser une culture du don en France. Le confinement a généralisé davantage encore le recours au réseau internet, ce qui implique de tenir compte à part entière des dons en ligne dans la stratégie à mettre en place. Car les associations bâtissent désormais des stratégies pluriannuelles, mobilisent des équipes dédiées, informent les donateurs potentiels, dans un mouvement général de professionnalisation. Imposé en partie par les pouvoirs publics au travers de différentes normes, tel que le suivi comptable, c’est également la raréfaction des ressources disponibles qui alimente une certaine concurrence entre institutions, afin de capter les donateurs.

1 : Le Mouvement Associatif, RNMA, Recherches & Solidarités, DJEPVA, « #Covid-19 : où sont les associations après le confinement ? », juin 2020

Les obligations juridiques de l’appel public à la générosité

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L’appel public à la générosité peut être défini comme la sollicitation de fonds auprès de personnes physiques ou morales, par ou hors médias, sans que celles-ci ne soient préalablement liées à l’organisme. L’association qui entend faire appel public à la générosité doit préalablement à celle-ci, informer la préfecture du lieu de son siège social de cette intention. Deux exceptions doivent être signalées : le fonds de dotation et la fondation d’entreprise.

La déclaration préalable en préfecture

La déclaration préalable est obligatoire au-delà d’un certain seuil désormais fixé à 153 000 € de dons recueillis au cours de l’exercice clos ou de l’un des deux exercices précédents.

Elle est rédigée sur papier libre à l’attention de la préfecture départementale du lieu du siège social de l’organisme, doit reprendre certaines informations obligatoires. En particulier, elle doit lister les objectifs poursuivis, à la réalisation desquels les sommes récoltées seront affectées, mais aussi les dates dudit appel, mais encore les modalités de la démarche (envois postaux, démarchage téléphonique, bénévoles dans les rues, envois de courriels, etc.).

Bien entendu, la déclaration doit présenter l’organisme à l’origine de la demande : dénomination, forme juridique, adresse du siège, numéros RNA voire SIREN, désignation des représentants.

Lorsque plusieurs organismes mutualisent leurs moyens pour s’inscrire dans un seul appel, les conditions de répartition entre eux des ressources collectées doivent être précisées.

Cette déclaration permettra le cas échéant le contrôle de la structure par la Cour des comptes, voire par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), voire encore par l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), si les domaines sociaux ou de l’éducation et de la recherche sont visés dans les causes déclarées de l’appel.

L’autorisation préalable concernant les seuls fonds de dotation

Les fonds de dotation relèvent, s’agissant des appels publics à la générosité, non d’une démarche déclarative mais d’une procédure d’autorisation préalable. À cet effet, ils doivent adresser au préfet du département du siège, une lettre recommandée avec accusé de réception requérant cette autorisation.

Par simplification, le silence du préfet gardé pendant 2 mois vaut autorisation tacite.

Par précaution, cette formalité sera effectuée annuellement.

Il a par ailleurs été remarqué2 que l’information délivrée par le fondateur d’un fonds de dotation sur son site internet et afférente aux avantages fiscaux retirés par les donateurs, ne semble pas constituer un appel public à la générosité soumise à une telle autorisation.

En outre, alors qu’en principe toutes libéralités émises au profit d’un fonds de dotation doivent être capitalisées dans sa dotation, les sommes récoltées par le biais des appels publics à la générosité peuvent par exception alimenter directement ses ressources ordinaires.

Enfin, dans les 6 mois de la clôture de son exercice, le rapport d’activité, les comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes doivent être adressés au préfet par lettre recommandée avec accusé de réception.

L’autorisation spécifique en matière de quêtes et collectes

La réalisation d’une campagne de collecte sur la voie publique doit respecter la réglementation en vigueur qui varie selon le type de campagne envisagée et son lieu de réalisation.

S’il s’agit d’une quête nationale sur l’ensemble du territoire, l’autorisation devra être délivrée par le ministère de l’Intérieur sur proposition du ministère de tutelle dont dépend l’association et rentrant dans la catégorie des journées nationales.

Pour des collectes de moindre envergure, les demandes d’autorisation seront déposées :

  • auprès du Préfet pour une quête au niveau départemental ou une zone couverte par la police nationale ou dans au moins deux communes ;
  • auprès du maire pour une collecte dans la commune ou dans une zone de gendarmerie.

Cette collecte ne pourra être organisée qu’au cours des journées définies par l’autorisation qui sera délivrée et après obtention de celle-ci. Les dates d’autorisation et d’appel public à la générosité dans la déclaration préalable doivent bien entendu concorder.

Le cas de la fondation d’entreprise

La fondation d’entreprise n’a pas la capacité juridique de procéder à des appels publics à la générosité.

Elle ne peut en effet recevoir de dons ni de legs, sauf ceux émanant des salariés, mandataires sociaux, actionnaires des sociétés du groupe auxquels appartient l’entreprise fondatrice, lorsqu’elle fait partie d’un tel groupe de sociétés, ou de la seule entreprise fondatrice dans le cas contraire.

La transparence rejointe par la comptabilité

Les organismes se doivent de communiquer sur les actions conduites, l’utilisation des fonds et l’évaluation des actions menées grâce aux appels publics à la générosité, pour entretenir le lien avec leur réseau de donateurs d’une part, et pour maintenir la confiance avec eux par la transparence d’autre part. Des obligations comptables concrétisent par ailleurs cette obligation de transparence.

2 : Millésime 2019 du rapport annuel de la Direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers (MINEFI) publié en mai 2020.

Le versant comptable et fiscal du dispositif

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L’appel public à la générosité induit d’une part certaines obligations comptables. Il peut permettre d’autre part de bénéficier d’avantages fiscaux. En cas de contrôle et d’anomalies, ces avantages peuvent faire l’objet d’une suspension en principe temporaire.

Les obligations comptables à l’aune du dernier règlement comptable

Le dernier règlement de l’autorité des normes comptables (ANC) réforme le plan comptable applicable aux associations et impose diverses règles supplémentaires s’agissant des libéralités.

Un suivi comptable pluriannuel détaillé est requis, en particulier des legs qui figurent désormais au bilan, ce qui implique un contrôle interne sécurisé et efficient et l’instauration d’une comptabilité dite analytique.

L’annexe comptable doit éclairer sur ce point les comptes annuels (compte de résultat et bilan), tandis qu’un compte de résultat par origine et par destination (CROD) répond au désormais traditionnel compte d’emploi ressources (CER).

Toutefois, le décret n° 2019-504 du 19 mai 2020 fixe à 153 000 € de dons au cours de l’exercice ou au cours de l’un des deux exercices précédents, le seuil au-delà duquel l’établissement de comptes annuels et du CER est obligatoire. Ce montant est fixé en cohérence avec celui qui impose de désigner un commissaire aux comptes et de publier ses comptes au journal officiel des associations et fondations d’entreprise (JOAFE).

L’exonération de droits de mutation à titre gratuit

Les libéralités entre personnes tierces sont frappées de droits de mutation au taux de 60 %.

Par exception, les libéralités effectuées au profit des fondations et associations reconnues d’utilité publique déployant une activité philanthropique, éducative, scientifique, sociale, humanitaire, sportive, familiale, culturelle, concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la langue et des connaissances scientifiques françaises sont exonérées, à l’instar de celles reçues par les fonds de dotation, les associations de bienfaisance et d’assistance, les associations cultuelles et congrégations autorisées ainsi que les fondations universitaires et partenariales.

L’applicabilité du régime fiscal de faveur du mécénat

Lorsque l’organisme sans but lucratif présente une gestion désintéressée, n’exerce pas d’activité lucrative et ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes, tout en agissant dans certains domaines énumérés par la loi, sans concurrencer des entreprises commerciales ou en fonctionnant très différemment de ces dernières, il peut être éligible au régime du mécénat.

Les donateurs personnes physiques bénéficient alors d’une réduction d’impôt égale à 66 % de leur don dans la limite de 20 % de leur revenu imposable ; les entreprises quant à elles bénéficient d’une réduction de 60 % dans la limite de 5 pour mille de leur chiffre d’affaires, sauf recours aux plafonds alternatifs en valeur absolue de 10 000 ou 20 000 € désormais.

L’organisme faisant appel public à la générosité met généralement en avant cet argument fiscal et il adresse ensuite au donateur un reçu fiscal conforme aux obligations réglementaires qui doit être produit sur demande de l’administration fiscale.

La suspension des avantages fiscaux en cas de contrôle révélant des irrégularités

Si la Cour des comptes rend une décision de non-conformité à l’issue d’un contrôle portant sur une structure faisant appel public à la générosité, le ministre en charge du budget peut par arrêté, suspendre tous les avantages fiscaux qui lui bénéficiaient. Sauf cas graves, l’organisme peut demander le retrait de l’arrêté au terme d’une année, bien entendu en montrant patte blanche. Lorsque des infractions pénales ont été constatées notamment, le délai est porté à 3 ans.

La mise en place de contrôles internes et des dispositifs de suivi et d’évaluation visant la transparence au profit des membres, donateurs, bénévoles et tiers, couplé au respect des obligations ci-dessus rappelées, devrait toutefois limiter ces situations anormales et exceptionnelles.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel