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Un des aspects les plus significatifs issu de la mise en place du nouveau règlement relatif au plan comptable des associations est incontestablement la remise en cause du raisonnement adopté en 1999  sur les subventions d’investissement.

Et le procédé utilisé par l’ANC est plutôt sournois car le changement est issu d’un silence absolu sur la disposition règlementaire. En effet, en rapportant le texte de 1999 , l’autorité annule le principe auquel les associations étaient soumises qui conduisait à distinguer les investissements destinés à financer les biens renouvelables ou non par l’organisme.

En passant sous silence tout dispositif nouveau, l’ANC renvoie ainsi de facto à l’application des dispositions du plan comptable général (règlement ANC n° 2014-03), sans qu’aucun commentaire ne vienne attirer l’attention sur ce « tour de passe-passe ». Il eut été, à minima, souhaitable d’accompagner l’article 611-1 d’une précision infra règlementaire plus explicite.

Dans son ouvrage « Règlementation comptable des associations et fondations » (édition septembre 2019 ), la profession comptable aborde ce sujet technique de façon claire et pragmatique sous forme de fiches techniques agrémentées d’exemples pratiques abordant les questions les plus fréquentes.

Car il s’agit bien d’un changement de méthode et l’analyse de ces dispositions suscite de nombreuses interrogations au moment de passer de l’ancien au nouveau règlement.

Le nouveau règlement supprime le traitement comptable spécifique introduit en 1999  qui permettait à une association de distinguer les subventions d’investissement destinées à financer un bien renouvelable ou non par l’organisme. Cette distinction entrainait la reprise, progressive ou non, de cette subvention au résultat de l’exercice au même rythme que l’amortissement du bien que ladite subvention avait financé.

Le règlement CRC n° 299-01 avait mis en place un raisonnement itératif qui permettait de renforcer les fonds propres des associations de façon permanente ou seulement temporaire. Cette règle dérogeait aux dispositions du Plan Comptable Général et c’est cela qui n’est plus admis aujourd’hui par le régulateur comptable. Les associations et fondations peuvent recevoir des subventions d’investissement destinées au financement d’un ou plusieurs biens dont le renouvellement incombe ou non à l’organisme, mais leur classement et leur traitement comptable diffère plus aujourd’hui selon les qualités du financeur que sur la nature du bien financé.

Comment opérer la distinction dans le nouveau plan comptable ?

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Cette distinction s’opère en analysant la convention de financement ou, à défaut, en prenant en considération les contraintes de fonctionnement de l’organisme. Les subventions d’investissement destinées au financement d’un bien renouvelable par l’entité étaient maintenues au passif dans les fonds associatifs avec ou sans droit de reprise.

Les subventions affectées à un bien non renouvelable par l’entité étaient inscrites au compte 13 – Subventions d’investissement affectées à des biens non renouvelables et reprises au compte de résultat au même rythme que l’amortissement du bien qu’elles avaient financé.

Les entités devront dorénavant appliquer les dispositions du Plan comptable général (PCG).

Selon le PCG, une subvention d’investissement peut être comptabilisée soit en produits, soit en subvention d’investissement, en compte 13.

Dans ce second cas, conformément à l’article 312-1 du PCG, cette subvention sera reprise en résultat au rythme des amortissements pratiqués sur les investissements qu’elle finance.

La question d’actualité se pose sur l’analyse de la situation relative aux subventions antérieurement comptabilisées aux comptes 102600 ou 103600 – Subventions d’investissement sur bien renouvelables par l’organisme, lesquels comptes disparaissent avec le nouveau règlement.

Conformément au PCG, le passage au nouveau plan comptable s’analyse comme un changement de méthode et les entités devront effectuer ce traitement selon la méthode rétrospective. Cela veut dire que les comptes, à l’ouverture de l’exercice de première application du nouveau règlement comptable devront être présentés comme si le règlement avait toujours été appliqué. Les écarts d’application impliquant le résultat des exercices antérieurs seront positionnés en « report à nouveau ».

En ce qui concerne le retraitement des subventions d’investissement sur bien renouvelables qui étaient antérieurement affectées aux comptes 102600  ou 103600 , leurs soldes se déverseront soit au compte 110000 – Report à nouveau, soit au compte 13 pour la partie restant à amortir.

La distinction s’opère à différents niveaux et il convient de se poser les questions dans l’ordre. Mais avant toute interrogation, un examen attentif de la convention de financement initiale s’avère indispensable.

En effet, rappelons que les subventions d’investissement dont il est question ici ne visent que des financements de nature publique, et bien souvent, la convention de financement contient une ou des clauses résolutoires qui exigent le reversement de la subvention d’origine dès lors qu’une situation est susceptible de changer l’affectation du bien ainsi financé. Et ces clauses peuvent se révéler durables dans le temps.

C’est donc bien la première analyse qu’il convient de mener. Car, en présence d’une telle clause, il conviendrait de retraiter la subvention d’investissement, analysée comme telle à l’aune du règlement comptable CRC n° 299-01, comme des fonds associatifs avec droit de reprise au sens du nouveau règlement ANC n° 22018-06 (compte 103400 – Fonds associatifs avec droit de reprise).

La seconde analyse qu’il convient de mener, dès lors qu’on a acquis la conviction que ladite subvention est débarrassée de tout engagement ou risque de reversement ou restitution, consiste à distinguer les subventions qui ont financé des biens présents à l’actif qui sont totalement ou en cours d’amortissement au moment du passage au nouveau plan comptable.

Lorsque le bien financé par la subvention d’origine est totalement amorti, le reclassement au compte de report à nouveau évoqué ci-dessus ne pose aucune difficulté et ne nécessite aucun calcul rétrospectif.

Par contre, lorsque le bien financé par la subvention d’origine est en cours d’amortissement, il n’y a pas d’alternative et le reclassement doit s’opérer au compte 13 , le calcul rétrospectif exigeant de retraiter la partie restant à amortir sur les exercices comptables à venir.

Toutes ces modifications devront faire l’objet de mentions et tableaux dans l’annexe aux comptes annuels expliquant le passage de l’ancien au nouveau plan comptable.

L’enjeu se situe bien à ce niveau car, ayant pour conséquence la reprise partielle au compte de résultat d’une quote-part de la subvention restant à amortir, il aura des incidences (notoires pour certaines associations) sur les résultats futurs de l’organisme. Or ce n’est bien souvent pas le cas souhaité dans les formats économiques et les plans d’investissements qui ont appuyés les demandes de financements concernés.

Que faut-il faire lorsque les compte 102600 ou 131000 contiennent des financements qui ne sont pas des subventions publiques ?

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Comme il est dit ci-dessus, tout le raisonnement relatif aux subventions ne concerne désormais que les financements ayant un caractère public au sens de l’article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Rappelons que cet article a été créé par la loi ESS du 31 juillet 2014 qui a introduit, pour la première fois, une définition légale de la notion de subvention publique. Ainsi, le règlement ANC prévoit que le terme « subvention » ne définit désormais que les financements ayant ce caractère. Le règlement distingue, les « subventions publiques », par ailleurs, des « concours publics » ou encore, des « contributions financières » lorsque ces financements sont reçus d’autres personnes morales de droit privé à but non lucratif.

Aussi, l’analyse du passé nous amène-t-elle à détecter dans les comptes de subventions à reclasser des financements qui n’ont pas le caractère « public » au sens des textes exposés ci-dessus.

La transition au nouveau règlement comptable implique nécessairement d’effectuer cette analyse de manière systématique et très fine pour bien s’assurer de la correcte ventilation et du reclassement de ces sommes dans les bonnes rubriques :

  • 102400 ou 103400 – Autres fonds propres (avec ou sans droit de reprise selon le cas)
  • 131xxx – Subventions (publiques) d’investissement reçues
  • 195100 – Fonds dédiés sur contributions financières d’autres organismes

Soulignons, ici, que le règlement ANC n° 2018-06 ne prévoit pas en l’état de pratiquer des fonds dédiés sur concours publics reçus. Cette position ne va pas sans soulever quelques difficultés dans des cas biens particuliers :

  • Les financements publics reçus par les organismes gestionnaires d’établissements et services sociaux et médicosociaux au titre, par exemple des crédits non reconductibles de fin d’exercice attribués par les tiers financeurs au sens du Code de l’action sociale et des familles (ARS ou Conseils départementaux). En effet, certains de ces financements sont affectés à la réalisation d’investissements.
    Ils n’en constituent pas néanmoins des subventions publiques au sens de l’article 9-1 de la loi du 12 avril 2000 précitée.
  • De même, il est impossible, dans l’état actuel du règlement, de comptabiliser un financement d’investissement reçu au titre de la taxe d’apprentissage versé par une entreprise ou un organisme collecteur. La logique économique et financière voudrait pourtant que le report de ce financement au compte de résultat accompagne l’amortissement du bien qu’il a financé, et le schéma adopté via les fonds dédiés pour les autres financements privés se prête parfaitement à cette situation.
  • D’autres cas moins fréquents mais similaires pourraient se révélerà l’avenir.

Aussi, conviendrait-il pour donner plus de souplesse à l’application du nouveau règlement que l’ANC revoit sa position et ouvre la possibilité de pratiquer des fonds dédiés sur concours publics (bien entendu, dès lors que les caractéristiques sont réunies) en introduisant un compte 197 - Fonds dédiés sur concours publics.

Le cas particulier des organismes gestionnaires d’établissements et services sociaux et médicosociaux.

Outre la particularité évoquée ci-dessus en ce qui concerne le cas des fonds dédiés sur crédits non reconductibles affectés aux investissements, le reclassement des subventions d’investissement dans le secteur médico-social est un élément significatif qui nécessite toute l’attention des gestionnaires.

Il s’avère qu’une grande partie des financements reçus et comptabilisés aux comptes 102600 ou 103600 l’ont été, ces dernières années, dans le cadre de la réalisation de contrats de plan Etat-Régions. Or, bien souvent, voire systématiquement, les conventions de financement associées à la mise en oeuvre de ces contrats sont assorties de conditions de retour ou de restitution en cas de fermeture ou de transfert d’établissement. Dans ces cas qui constituent une majeure partie des situations observées, le reclassement ne souffrira pas d’alternative et le raisonnement développé ci-dessus sera appliqué (103400 – Autres fonds propres avec droit de reprise).

Pour conclure...

Le reclassement des subventions d’investissement dans le cadre de l’application du nouveau plan comptable des associations peut bien vite devenir un véritable casse-tête pour certains organismes.

Il est véritablement urgent et important de s’en préoccuper dès à présent.

Auteur

Acteur majeur de l’expertise comptable en France, In Extenso accompagne au quotidien plus de 4 000 associations.
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