La notion des dirigeants de fait

notion

On vise sous cette qualification de dirigeant de fait les personnes qui ne sont pas désignées conformément aux statuts de l’association, mais qui remplissent des fonctions normalement dévolues aux dirigeants statutaires, qui exercent « une activité positive dans la direction et la gestion de la personne morale, en toute souveraineté et indépendance, pour influer sur celle-ci de manière déterminante » 2.

La situation des dirigeants de fait nécessite une alerte

Une alerte, car, bien souvent, une dirigeance de fait s’installe au fil du temps, sans que les administrateurs de l’association et la ou les personnes concernées n’en aient conscience.

C’est souvent à l’occasion d’un audit externe, d’un contrôle fiscal ou de l’URSSAFanalysant l’évolution de la gouvernance de l’association ou encore à l’occasion d’une procédure collective ouverte en raison de la cessation des paiements de l’association, que ces situations sont découvertes.

Une dirigeance de fait ne résulte pas nécessairement d’une volonté hégémonique du directeur salarié par exemple, mais souvent d’une confiance excessive des administrateurs qui ne contrôlent plus la gestion du directeur, ou encore de la carence des administrateurs statutaires et de la nécessité d’assurer la continuité de la gestion.

La notion de dirigeant de fait concerne généralement des personnes exerçant des fonctions de direction, mais selon la taille de l’association, un simple permanent salarié peut exercer une influence déterminante et peut aussi aisément devenir dirigeant de fait, en l’absence de tout contrôle effectif de la part des dirigeants statutaires.

Conseil

« Il importe de vérifier quelles sont les personnes qui exercent effectivement la gestion et l’administration de l’organisme, en ce sens qu’elles prennent, à l’instar des membres dirigeants d’une entreprise commerciale, les décisions de dernier ressort relatives à la politique de l’organisme, notamment dans le domaine financier, et effectuent les tâches de contrôle supérieur [...]. De telles activités sont caractérisées par l’adoption plutôt que par la mise en œuvre, de décisions relatives à la politique de l’organisme et interviennent, en conséquence, au niveau le plus élevé. Dès lors, des personnes effectuant des tâches de pure exécution ne sont pas concernées par l’exigence de gestion et d’administration à titre essentiellement bénévole » 3.

1 : Article 261, 7- 1°- d du CGI.
2 : (Cour d’appel de Paris, 16 décembre 1997, 3e chambre A ; Feug c/Me Giffard es-qual., JCPE, n° 718 du 12 février 1998, p. 250).
3 : (CJCE 21 mars 2002 Commissioners of Customs & Excise c/ Zoological Society of London, aff.C-267/00 ; RJF 6/02, n° 736).

Doctrine fiscale et précautions à prendre

La situation des dirigeants de fait nécessite des explications

La notion de dirigeant de fait n’est pas définie par la loi, mais résulte d’une analyse par faisceau d’indices.

explications

La doctrine fiscale

Selon la doctrine fiscale, il appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve de l’existence d’un dirigeant de fait 4

Néanmoins, elle admet que, dans les grosses associations, les directeurs salariés puissent bénéficier de délégations de pouvoirs importantes de la part des dirigeants statutaires. Ils peuvent avoir le pouvoir d’accomplir des actes au nom et pour le compte de l’association (recruter du personnel, conclure des contrats). Ils peuvent également bénéficier d’une délégation de signature. Mais ils doivent agir dans le cadre des orientations définies par les instances statutaires et rendre compte de l’exercice de leur mission.

Ainsi, plus que l’importance des pouvoirs délégués, c’est l’absence d’orientation et l’absence de contrôle effectif de la part du président et du conseil d’administration qui sont déterminants. À cet égard, de simples directives de l’AG ou du CA ne suffisent pas pour écarter la qualification de dirigeant de fait : un réel contrôle du Président et du conseil d’administration, auxquels le directeur salarié doit rendre compte de son travail, est nécessaire
(Cass. Soc. 19 novembre 1986 n° 2832)

Bon à savoir

En pratique, l’administration se fonde généralement sur les indices suivants :

  • l’exercice de pouvoirs généraux de gestion : signature des contrats au nom de l’association, signature de la correspondance sociale, signature des déclarations fiscales et sociales, établissement et signature des comptes annuels, délégation totale de pouvoirs consentie par le dirigeant de droit ;

  • la maîtrise des décisions de direction sur le plan technique et commercial : passation des marchés, fixation des prix, négociation avec la clientèle et les fournisseurs ;

  • l’exercice de pouvoirs financiers importants : relations avec les banques, engagement des dépenses, signature des chèques et des traites, procurations bancaires générales, pouvoir de décision en matière d’emprunt et de gestion de la trésorerie sociale ;

  • l’exercice de pouvoirs généraux en matière de gestion et de direction du personnel (recrutement, évolution des carrières, autorité hiérarchique, licenciement, politiques salariales et augmentations individuelles) ;

  • l’absence de contrôle effectif des organes statutaires de l’association (en particulier en l’absence d’une véritable vie associative ou en cas de carence des administrateurs dans l’exercice de leurs fonctions de direction et de contrôle, du fait de leur éloignement, de leur méconnaissance de la réglementation applicable à l’association).

Les précautions à prendre

En conséquence, même s’il appartient à l’administration d’apporter la preuve de cette gestion de fait, il convient de prendre un certain nombre de précautions :

  • veiller au bon fonctionnement statutaire : réunion périodique et en nombre suffisant des organes de direction de l’association (bureau, CA, AG), établissement des PV permettant d’attester de ces réunions, des modalités de convocation, de l’ordre du jour traité et des délibérations adoptées ;

  • veiller à une information adéquate et objective du conseil d’administration, remise en temps utile pour permettre aux administrateurs d’étudier les dossiers qui leur sont soumis ;

  • veiller à l’établissement d’un contrat de travail et d’une fiche de fonctions le cas échéant, définissant les missions confiées au directeur et les éventuelles délégations de pouvoirs, notamment en ce qui concerne l’engagement des dépenses et le fonctionnement des comptes bancaires ;

  • veiller à la mise à jour périodique des délégations de pouvoirs et de signatures ;

  • veiller au contrôle effectif et régulier de la façon dont le directeur exécute sa mission (Attention : déléguer un pouvoir, ce n’est pas l’abandonner !) ;

  • d’une façon générale, le directeur et les cadres de l’association ne peuvent participer au CA en qualité de membre de droit avec voix délibérative. Ils ne peuvent y assister qu’à titre consultatif, sans disposer du droit de vote.

Exemple

Un tiers qui a un doute sur l’étendue des pouvoirs du représentant de l’association peut interroger celle-ci pour avoir confirmation de l’étendue des pouvoirs du représentant. L’absence de réponse de l’association dans un délai raisonnable ne permet plus à celle-ci de s’opposer à l’acte5.

Lorsqu’un directeur salarié est considéré comme un dirigeant de fait, il ne peut en tout état de cause bénéficier du dispositif légal autorisant la rémunération de 1 à 3 dirigeants. En effet, les conditions légales requises ne sont par définition pas remplies dans le cadre d’une dirigeance de fait.

4 : (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20-20120912,§390).
5 : (Ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018).

Exemples de situation de dirigeance de fait

Vous trouverez ci-dessous 6 exemples illustrant la situation de dirigeance de fait dans une association et ses conséquences pour l’association.

exemples

Exemple 1 :

La fondatrice d’une association culturelle développant une activité théâtrale d’art et d’essai, était devenue la permanente salariée de l’association. L’association porte son nom, son siège social est à son domicile. Cette personne bénéficie d’une procuration sur les comptes bancaires de l’association, participe aux conseils d’administration, effectue l’essentiel des choix de la compagnie et se présente comme la personne responsable de l’association.
(Cour administrative d’appel de Paris, 11 juin 1998, n° 96-1322 et 96-1688, RJF 11/98, n° 1271)

Exemple 2 :

Le fondateur de l’association avait démissionné de ses fonctions de président pour devenir délégué général rémunéré de l’organisme. Les magistrats, retenant l’argumentation de l’administration fiscale, ont relevé que la démission de cette personne n’avait pas été déclarée à la préfecture du lieu du siège social de l’association conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901. Cette démission était donc inopposable aux tiers. En outre, dans les faits, cette personne avait continué à diriger l’association comme lorsqu’il en était le président.
(Tribunal administratif de Paris, 4 juillet 2001, n° 9500687/1 et 9827952/1)

Exemple 3 :

L’importance des délégations de pouvoirs dont dispose le directeur technique de l’association, la procuration bancaire dont il bénéficie, les initiatives fiscales qu’il a prises au nom de l’association, le fait qu’il ait disposé à titre gratuit d’un véhicule et d’un logement, qu’il ait perçu des rémunérations très importantes, que son fils, salarié également de l’association pendant une brève période, ait bénéficié d’une procuration sur le compte bancaire de l’association, non justifiée par ses fonctions, établissent une absence de gestion bénévole et désintéressée.
(Cour administrative d’appel de Douai 12 juillet 2001, « Association la Clé des champs », n° 99DA00274)

Exemple 4 :

En l’espèce, le directeur technique salarié d’une association qui était, envertu du règlement intérieur, responsable de l’encadrement du personnelsalarié de l’association et de son recrutement, participait régulièrementau comité directeur. En outre, il disposait d’une procuration sur le comptebancaire de la structure. Il était enfin le gérant associé d’une SCI qui louaitdes locaux à l’association pour les besoins de son activité. Les jugesd’appel ont considéré que le fait que la SCI ait consenti des réductionsde loyers à l’association compte tenu des difficultés de cette dernière,révélait le contrôle effectif et constant du directeur sur l’association. Ledirecteur a été considéré comme un dirigeant de fait intéressé à la gestion.
Ainsi, même l’octroi d’avantages à l’association peut être la preuve d’uneimplication du directeur caractérisant une dirigeance de fait. Le directeura, en effet, intérêt à la continuité de l’exploitation de l’association qui lesalarie.
(Cour administrative d’appel de Versailles, 5ème chambre, 26 mai 2008, n° 07VE01448, Association Val d’Yerres Sport)

Exemple 5 :

Le directeur d’une mutuelle disposant d’une délégation de signature sur le compte bancaire de l’organisme non limitée doit être considéré comme le véritable dirigeant de celle-ci. La gestion de la mutuelle n’est donc pas désintéressée.
(Cour administrative d’appel de Lyon, 16 mai 2007, « Mutuelle de l’Association lyonnaise de prévoyance », n° 07LY00173)

Exemple 6 :

Une association gestionnaire d’un centre dentaire avait versé à l’un de ses praticiens des rémunérations très élevées en contrepartie de ses activités dans l’association. Celui-ci était le seul titulaire du compte et de la carte bancaire de l’association, chargé du recrutement du personnel, de l’achat des équipements et matériels dentaires. Il pouvait être considéré comme le dirigeant de fait de l’association, ce qui conférait à l’exploitation du centre dentaire un caractère lucratif.
(Cour administrative d’appel de Versailles, 28 décembre 2007, « Association Centre dentaire Valmy », n° 06VE00943)

Actualités juridiques, fiscales et sociales

Pour vous aider à suivre chaque trimestre l’actualité juridique, sociale et discale, nous avons relevé pour vous les informations suivantes

Juridique

Les critères d’adhésion ne doivent pas être discriminatoires

L’adhésion à la seule association interprofessionnelle constituée sur un marché est l’unique moyen de bénéficier des aides européennes nécessaires pour que les entreprises du marché puissent préserver leur équilibre financier. L’adhésion est également le seul moyen de favoriser les débouchés à l’aval de ce marché. L’Autorité de la concurrence avait relevé que les critères d’adhésion à cette association n’étaient ni objectifs ni transparents et par conséquent discriminatoires. Pour éviter que ses critères d’adhésion ne soient discriminatoires et donc illicites, l’association a dû prendre des engagements auprès de l’Autorité de la concurrence.

Délégation de pouvoir pour licencier un salarié

La technique de la délégation de pouvoir est souvent utilisée dans les associations.

Dans l’affaire jugée, le chef du personnel d’une association prononce le licenciement d’une salariée, embauchée en qualité d’aide à domicile. Cette dernière saisit la juridiction prud’homale et obtient des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : les juges estiment que ce chef du personnel n’a pas valablement reçu par délégation le pouvoir de licencier. La Cour de cassation censure : une note interne précisant le rôle et les attributions de la direction générale et de chacun des responsables de service, signée par le président de l’association, déléguait le pouvoir de licencier au responsable de la gestion du personnel. La délégation de pouvoir de licencier étant expresse, le licenciement était donc régulier.

Fiscal

Frais kilométriques des bénévoles pour la réduction d’impôt

Les frais engagés par les bénévoles dans le cadre de leur activité associative, non remboursés par l’association, peuvent ouvrir droit, sous certaines conditions, à une réduction d’impôt sur le revenu. Lorsque le bénévole n’est pas en mesure de justifier du montant effectif des dépenses, ses frais sont évalués forfaitairement en fonction d’un barème kilométrique.

Ainsi le barème 2018 pour l’année 2017 s’élève à :

  • 0,311 € par kilomètre parcouru si le bénévole se déplace en véhicule automobile ;
  • 0,121 € par kilomètre parcouru s’il se déplace en vélomoteur, scooter ou moto

Chèque emploi associatif n° 0 810 1901 00 et www.cea.urssaf.fr

Indices 2018

Plafond mensuel de la Sécurité sociale

3 311 €

SMIC horaire

9,88 €

Minimum garanti

3,57 €


Cotisations sociales et bases forfaitaires. Consultez-les sur le site www.urssaf.fr « Espace associations »

Spectacles occasionnels : cotisations forfaitaires

Cachet maximum

817 €

Employeur

45 €

Salarié

15 €

Total

60 €

Indice de référence des loyers

4ème trimestre 2017 126,82 (pour la révision des loyers)

Frais kilométriques des bénévoles pour la réduction d’impôt (Barème 2018)

Voiture : 0,311 €
Vélomoteur, scooter, moto : 0,121 €
www.interieur.gouv.fr

Restructurations : du nouveau sur le rescrit fiscal

Lorsqu’une association effectue une opération de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif, elle peut bénéficier d’un régime fiscal de faveur. Ce régime n’est pas accordé aux opérations ayant comme objectif la fraude ou l’évasion fiscale.
(CGI, art. 210-0 A, III)

Afin de s’assurer que l’opération envisagée ne sera pas privée du régime fiscal de faveur, toute association de bonne foi peut interroger préalablement l’administration.
(LPF, art. L. 80 B, 9°)

L’administration dispose d’un délai implicite de 6 mois pour répondre.

Un décret fixe les modalités de mise en œuvre de ce rescrit spécifique : lieu de dépôt des demandes, contenu de la demande et décompte du délai de 6 mois.

Social

Assurance chômage des intermittents du spectacle

Le taux d’assurance chômage des intermittents du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma relevant des annexes 8 et 10 au règlement annexé à la convention d’assurance chômage est précisé.

Il est de 12,40 % du 1er janvier 2018 au 30 septembre 2018, puis de 11,45 % à compter du 1er octobre 2018, la part salariale de droit commun (de 0,95 %) étant supprimée à cette date. Par suite : la part patronale est de 9,05 % (contribution de droit commun : 4,05 % ; « contribution spécifique annexes 8 et 10 » : 5 %) ; pour les CDD d’usage d’une durée inférieure ou égale à 3 mois, l’employeur supporte une majoration de 0,50 %, ce qui porte sa contribution à 9,55 % ; la part salariale est de 3,35 % (contribution de droit commun : 0,95 % supprimée au 1er octobre 2018 ; « contribution spécifique annexes 8 et 10 » : 2,40 %).

Auteur

Dossier réalisé par Brigitte Clavagnier et Béatrice Guillaume, Avocats au Barreau de LYON, Alcyaconseil-associations