Les enseignements marquants

Nous vous présentons dans cette lettre un résumé de certains enseignements marquants issus du « Paysage associatif français », réalisé par Viviane Tchernonog, Chercheuse au Centre d'économie de la Sorbonne (CNRS-Université Paris1).

Un poids économique considérable

Les quelque 1 500 000 associations actives représentent un poids économique et social considérable : avec un budget de 113 milliards d’euros, elles participent pour 3,3 % à la production des richesses nationales mesurée à partir du PIB. Les 159 000 associations employeuses occupent, à temps plein ou partiel, 1 850 000 salariés pour un volume de 1 505 000 en ETP, soit 7 % du volume de l’emploi total public et privé. 22 millions de bénévoles1 ont réalisé ensemble un volume de travail correspondant à 1 400 000 emplois en ETP.

Un essor du bénévolat et des associations de bénévoles : une forte vitalité de la société civile

Le nombre de petites associations de bénévoles a augmenté à un rythme rapide, qui témoigne de la vitalité de la société civile alors que le nombre d’associations employeuses amorce désormais un recul, consécutif à une tendance à la concentration du secteur. Les indicateurs de mesure du travail bénévole sont ceux qui connaissent la plus forte évolution : le nombre de participations bénévoles et le volume horaire de travail bénévole ont poursuivi leur fort développement puisqu’ils ont augmenté à des rythmes respectifs de 4,5 et 4,9 % par an.

Une stagnation de l’emploi salarié et des budgets depuis 2011

La raréfaction des financements publics et la faible croissance économique du pays, qui a pour conséquence un resserrement des rémunérations, expliquent en partie la relative stagnation du poids économique du secteur associatif observée dans les dernières années. Le budget cumulé du secteur associatif a augmenté à un rythme annuel moyen de 1,6 %, très proche de celui de l’inflation, essentiellement grâce à la participation croissante des usagers.

Évolution des principaux indicateurs d’activité des associations

1 : Source : Lionel Prouteau, « Bénévolat et bénévoles en France - État des lieux et tendances », CRA-CSA, Octobre 2018, enquête réalisée entre autres avec le concours financier du Crédit Mutuel

Comment vivent les associations ?

Évolution de la structure des ressources de 2005 à 2017

Contrairement à de nombreuses idées reçues, les associations vivent principalement à partir de ressources tirées de leur activité, c’est-à-dire pour l’essentiel de la vente de services à leurs usagers ou à des collectivités publiques dans le cadre de commandes publiques. Ces ventes représentent 66 % du budget cumulé du secteur, et leur poids dans les budgets associatifs ne cesse de croître. Les subventions publiques, qui ont pour objectif de soutenir l’initiative associative et qui représentaient en 2005 34 % de leur budget, n’en représentent plus que 20 % aujourd’hui. Les cotisations de membres qui constituent la ressource unique de nombreuses associations, représentent 9 % des ressources du budget total. Le poids des ressources tirées de la générosité privée - dons et mécénat - alimentent près de 5 % du budget total du secteur associatif (cf. graphique 2).

Les ressources varient cependant d’une association à l’autre selon leur taille, selon la présence de professionnels salariés ou selon le secteur d’activité.

Dans les petites associations de bénévoles et dans le secteur sportif, les cotisations constituent une part importante des ressources. Dans les grandes associations, et dans les secteurs fortement professionnalisés comme le médicosocial, les ressources tirées de l’activité constituent l’essentiel des ressources. Les ressources sont par ailleurs très concentrées dans le secteur social et médicosocial et dans les grandes associations (cf. graphique 3) : ce secteur qui représente 14 % du nombre d’associations concentre 51 % du budget cumulé des associations. Les budgets sont également concentrés dans les grandes associations : ainsi les associations qui réalisent un budget annuel de plus de 500 K€ ne représentent qu’1,3 % du nombre total d’associations mais concentrent 71 % des ressources du secteur (cf. graphique 4).

Répartition des budgets associatifs et du nombre d'associations selon le secteur d'activité
Répartition des budgets associatifs et du nombre d'associations selon la taille

L’analyse des évolutions récentes montre que les processus de concentration se poursuivent. Le poids relatif du secteur social et médico-social augmente en raison de la crise économique qui a pour conséquence d’orienter vers ce secteur les financements des collectivités publiques. Le processus de concentration se poursuit également au niveau de la taille des associations. Les changements intervenus dans les modalités du financement public avec le développement des commandes ont pour conséquence d’éloigner les associations de taille moyenne des circuits de financement public, avec pour conséquence une diminution de leur nombre et de leur poids ; leur activité est souvent reprise par les plus grandes associations qui voient leur poids relatif augmenter.

Qui sont les dirigeants bénévoles des associations ?

La croissance élevée du travail bénévole ne doit pas masquer les difficultés liées à la recherche de bénévoles, et particulièrement de dirigeants bénévoles. Les associations signalent des difficultés structurelles pour trouver des bénévoles2 : le contexte de forte professionnalisation du secteur associatif conduit à rechercher des bénévoles présentant la formation et les qualifications adéquates ; les difficultés sont particulièrement aiguës concernant la recherche de dirigeants bénévoles et contribuent à un renouvellement insuffisant des structures dirigeantes des associations. Le profil des dirigeants bénévoles, et des présidents en particulier, est fortement marqué par le poids des hommes, des seniors, des catégories socioprofessionnelles moyennes ou supérieures, souvent issues du secteur public. Le profil des présidents d’associations apparaît peu représentatif de la population française et ces caractéristiques n’ont guère évolué entre 2011 et 2017.

Une lente montée des femmes dans les présidences associatives

La féminisation des présidences augmente, mais à un rythme lent (cf. tableau 1) : la part des femmes dans les présidences est passée de 31 % en 2005 à 36 % en 2017. Si les fonctions de trésorier sont désormais également partagées entre hommes et femmes, les femmes apparaissent nettement plus nombreuses dans les fonctions de secrétaire des associations. Les caractéristiques de l’association jouent un rôle important dans l’accès des femmes aux responsabilités associatives.

Part des femmes parmi les dirigeants associatifs en 2005, 2011 et 2017

Ainsi, les hommes président plus souvent les associations des secteurs du sport, de la chasse et de la pêche, de la défense des droits et des causes, tandis que les femmes sont toujours très nombreuses dans l’action humanitaire, l’action sociale et la santé où elles sont devenues majoritaires. (cf. tableau 2). Elles sont également mieux représentées dans les associations employeuses, même si les plus grandes - plus de 50 salariés - restent très majoritairement dirigées par des hommes.

Genre des présidents selon le secteur d'activité

Un poids élevé et croissant des seniors

Les seniors représentaient 32 % des présidences associatives en 2005 et 34 % en 2011 ; ils en représentent 41 % en 2017. Outre le fait que le poids des français de plus de 65 ans s’accroît dans la population, les seniors réunissent un certain nombre de qualités très utiles pour diriger une association : du temps libre, des compétences en matière de droit, gestion, communication. Le poids des jeunes dans les présidences n’évolue guère ; les moins de 36 ans occupent 7 % des présidences en 2017 contre 8 % en 2011 (cf. graphique 5).

Structure par âge des présidents d'associations

Des présidents d’associations très diplômés, souvent cadres ou enseignants

32 % d’entre eux ont un diplôme égal ou supérieur à BAC+4, ce qui s’explique par le nombre élevé de cadres moyens et supérieurs parmi les dirigeants associatifs : hors enseignants, ces CSP représentent 40 % des présidents d’associations, les seuls enseignants occupant 13 % des présidences associatives. Celles-ci ont a contrario des difficultés à s’ouvrir aux ouvriers, qui sont particulièrement peu représentés - 5 % des présidents d’associations sont des ouvriers - alors que ces derniers représentent 20 % de la population active (cf. graphique 6). La structure par CSP des présidents apparaît en outre quasiment inchangée entre 2011 et 2017.

Structure par âge des présidents d'associations

2 : Viviane Tchernonog, Jean-Pierre Vercamer - L'évolution des difficultés rencontrées par les associations - Deloitte, Paris 2018

Auteur

Viviane Tchernonog,
chercheuse au Centre d’Economie de la Sorbonne (CNRS - Université Paris 1)