Les frontières de la minorité

De 0 à 18 ans : le principe

« Enfant », « jeune », « adolescent », « mineur », sont autant de mots utilisés aujourd’hui dans le langage courant pour désigner des réalités sociologiques et psychologiques proches mais cependant bien différentes d’un point de vue juridique.

Par exemple le mot « enfant » désigne tout autant un lien de filiation (« je suis l’enfant de mes parents ») qu’un âge ou plutôt une période de la vie (celle qui précède la puberté). L’enfant et l’adolescent se définissent par opposition à l’âge « adulte ». Mais le terme « jeune » est employé tant pour désigner des enfants (en excluant les plus « petits ») ou adolescents que de jeunes adultes...

Que dit le droit ? Il trace une première ligne simple à repérer et qui détermine l’essentiel des statuts en distinguant les majeurs des mineurs. Au terme de l’article 388 du code civil « le mineur est l’individu de l’un ou de l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de 18 ans ».

La minorité commence donc avec la naissance et prend fin à la majorité, c’est-à-dire au premier jour de ses 18 ans.

Périodes intermédiaires

Si dans le langage courant il est plutôt fait référence aux notions d’enfance ou d’adolescence, juridiquement c’est donc le mot « mineur » qui l’emporte. Cette minorité comporte cependant quelques périodes intermédiaires qui se calent sur la réalité du développement psychologique et physiologique des êtres humains mais pour des domaines précis. Citons quelques-uns de ces seuils juridiques :

  • un premier intervalle, commun à l’ensemble du droit, se situe entre 0 et 7/8 ans (l’« âge de raison ») : période de la vie que le droit qualifie d’« infans » et durant laquelle on considère de façon générale que l’enfant n’est pas encore capable de discernement, ce qui tout à la fois renforce sa protection juridique tout en diminuant ses obligations. C’est ainsi, par exemple, qu’à partir de 7 ou 8 ans on recherchera à obtenir l’avis de l’enfant dans une procédure judiciaire qui le concerne directement (adoption, divorce...) ;

Bon à savoir

Certains Tribunaux judiciaires ont conclu une convention avec le Barreau de leur ressort afin d’harmoniser les pratiques des juges aux affaires familiales en fixant l’âge auquel l’enfant peut être entendu dans le cadre d’une procédure judiciaire :

  • en matière pénale, un enfant de moins de 13 ans ne peut pas se voir imputer une infraction et ne peut donc pas être condamné à une sanction pénale (amende, prison...). Entre 10 et 13 ans des mesures éducatives contraignantes peuvent cependant être prononcées par un juge. À partir de 13 ans les mineurs sont pénalement responsables de leurs actes et peuvent être condamnés à une peine. Mais, en conformité avec les conventions internationales, ce sont des juges et tribunaux spécialisés qui s’occupent des mineurs délinquants. Les peines sont également adaptées et peuvent se substituer à des mesures éducatives. À partir de 16 ans, les mineurs, tout en bénéficiant encore d’une justice spécifique, voient cependant leur régime pénal se rapprocher de celui des majeurs.
    C. pén., art. 122-8
  • en matière de protection de l’enfance un seuil de 15 ans peut s'appliquer pour certaines infractions : des atteintes physiques ou morales infligées à des mineurs de 15 ans sont par exemple plus lourdement sanctionnées.

La protection du mineur

Pourquoi déterminer juridiquement une distinction entre majeurs et mineurs ? Comment se traduit cette distinction ? Le maître-mot est la protection du mineur qui se traduit par une diminution de ses obligations et droits : pour le protéger on réduit la capacité juridique du mineur assisté alors par des adultes, au premier chef ses parents.

« L’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant, comme après la naissance ».

Les Nations Unies le proclament dans la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et le rappelle dans la Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU du 20 novembre 1989 : « l’enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales », pour lui permettre une croissance, un bien-être, l’épanouissement harmonieux de sa personnalité. L’enfant doit pouvoir recevoir la protection et l’assistance dont il a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté. Il doit grandir dans le milieu familial dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension.

Pour autant cette protection ne doit pas être étouffante de la part des parents ou des autorités : elle doit l’accompagner pour devenir un adulte libre et responsable. C’est pourquoi l’enfant dispose de libertés et droits fondamentaux qu’il pourra éventuellement invoquer à l’encontre de ses parents ou de ceux qui l’élèvent. Parmi ces droits signalons : la liberté d’expression, la liberté de pensée, de conscience ou de religion, la liberté d’association ou encore la liberté de réunion pacifique.

Pour garantir cette protection et promouvoir les droits énoncés, l’intérêt de l’enfant doit être la considération primordiale de toute société.

En pratique, le mouvement associatif se bat tous les jours pour faire valoir les droits de l’enfant. Si des réformes ont vu le jour en matière de protection des mineurs, elles ont souvent été portées par le monde associatif.

Bon à savoir

Outre la Convention internationale des droits de l’enfant, le souci d’accorder une protection spéciale à l’enfant a été énoncé dans :

  • la Déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l’enfant ;
  • la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par les Nations-Unies en 1959.

Elle a été reconnue dans :

  • la Déclaration universelle des droits de l’homme ;
  • le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (articles 23 et 24) ;
  • le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 10) ;
  • les statuts et instruments pertinents des institutions spécialisées et des organisations internationales qui se préoccupent du bien-être de l’enfant.

L’émancipation : cas particulier

L’émancipation [Article 413-1 et suivants du code civil] est un mécanisme juridique par lequel un mineur acquiert la pleine capacité et se trouve de ce fait assimilé à un majeur. L’émancipation est prononcée par le juge des tutelles à la demande des parents ou de l’un d’eux.

Le mineur peut être émancipé à partir de 16 ans révolus. Il est émancipé de plein droit par le mariage.

Même émancipé, le mineur doit pour se marier ou se donner en adoption observer les mêmes règles que s’il était mineur.

Le mineur émancipé peut faire tous les actes de la vie civile dans les mêmes conditions que s’il était majeur. Il peut donc, outre les actes de la vie courante, faire des actes d’administration, de conservation et de disposition.

Bon à savoir

L’acte d’administration a pour but la gestion normale d’un patrimoine, comme la mise en location d’un appartement.

L’acte de conservation vise à conserver le patrimoine en l’état, comme la rénovation de l’appartement pour qu’il soit loué à un bon prix.

L’acte de disposition est un acte qui engage le patrimoine du mineur pour le présent et l’avenir par une modification importante de son contenu, comme la vente de ce même appartement.