Initiative gouvernementale

C’est au ministère de l’Economie et des Finances que revient l’initiative d’avoir créé ce nouveau modèle de personne morale de droit privé à but non lucratif. La démarche du législateur, à l’origine destinée à satisfaire la structuration financière du grand projet de construction du Louvre à Abou Dhabi, s’est rapidement orientée vers l’encouragement des personnes privées, sociétés ou entreprises, à concourir à la satisfaction d’un projet d’intérêt général. Et l’idée sous-jacente vise également à permettre le financement d’œuvres ou de missions d’intérêt général, par le seul fonds de dotation, ou en complément de financement à d’autres personnes morales à but non lucratif dans l’accomplissement de leurs missions d’intérêt général (hôpitaux, musées, universités, mais également insertion, enseignement, recherche, etc.).

Un succès foudroyant

Le succès est au rendez-vous dès les premiers mois. Les fondateurs, les porteurs de projets et les dirigeants associatifs apprécient rapidement la souplesse et la légèreté du dispositif ainsi que l’autonomie procurée.

Mais ce n’est pas la seule raison de cette réussite et de cette forte attractivité. De nombreux acteurs voient dans les fonds de dotation le réceptacle idéal pour les projets de petite et moyenne importance, les projets plus importants étant plutôt orientés vers les fondations reconnues d’utilité publique. En effet, avant les fonds de dotation, les financements modestes ne trouvaient pas structures d’accueil « à leur pied ». On peut affirmer, aujourd’hui que les fonds de dotation permettent ainsi de donner corps à de véritables projets d’intérêt général qui n’auraient certainement pas vu le jour sans eux.

Quelques chiffres

Le nombre de fonds de dotation enregistrés sur le site des Journaux Officiels témoigne de la création d’un fonds de dotation par jour calendaire depuis dix ans : 360 fonds sont donc créés en moyenne chaque année et ils étaient plus de 3 000 à la fin du mois de juin 2018.

Les fonds ayant pour objet principal « l’action artistique et culturelle » ainsi que « l’enseignement, éducation et action socioculturelle » représentent aujourd’hui plus de 40 % des fonds existants. Et c’est naturellement la région Ile-de-France qui concentre le plus grand nombre de structures. La quasi-totalité des départements français (sauf deux) connaissent les fonds de dotation. Y compris ceux d’Outre-Mer.

Caractéristiques essentielles

Le fonds de dotation présente, entre autres, les caractéristiques suivantes :

  • Une ou plusieurs personnes physiques ou morales de droit privé peuvent créer un fond de dotation pour une durée déterminée ou indéterminée (il peut même être créé à titre posthume).
  • Sa structure est simple à mettre en place : elle se fait par simple déclaration en préfecture, avec le dépôt des statuts qui sont librement rédigés par le ou les fondateurs, comme dans le cas d’une association. Le délai moyen de constitution d’un fonds est d’environ un mois tandis qu’il est en moyenne de deux années pour une fondation reconnue d’utilité publique.
  • Initialement prévu sans contrainte de dotation, le fonds de dotation, depuis le décret n° 2015-49 du 22 janvier 2015, doit disposer d’une dotation initiale d’un montant minimum de 15 000 € versée en numéraire.
  • Dès sa constitution, il bénéficie de la grande capacité juridique. Le fonds peut donc recevoir librement les dons manuels, mais également des donations (actes à titre gratuit conclus entre vifs, dans la forme authentique, c’est-à-dire devant notaire) et des legs. Le fonds de dotation peut accepter une libéralité avec charge à condition que cette dernière ne soit pas incompatible avec son objet.
  • Sa facilité de gestion est remarquable. Il est administré par un conseil d’administration qui comprend au minimum trois membres (personnes physiques ou morales) nommés, la première fois, par le ou les fondateurs qui peuvent donc le contrôler. Comme dans le cas d’une association, ce sont les statuts qui déterminent la composition ainsi que les conditions de nomination, de fonctionnement et de renouvellement du conseil d’administration.
  • Le fonds peut gérer lui-même ses propres activités et ses opérations. Dans ce cas, on dit qu’il s’agit d’un fonds opérationnel.
  • Mais il peut se contenter de recevoir des fonds et les redistribuer à d’autres organismes d’intérêt général (c’est une exigence) pour financer leurs actions. Dans ce cas, on dit qu’il s’agit d’un fonds « redistributeur ».
    Ce néologisme est désormais bien connu, mais les statuts du fonds de dotation peuvent également prévoir que son objet soit mixte et exerce ses activités sous les deux formes.
  • Il est possible, enfin, de prévoir que la dotation du fonds soit consomptible ou non. Dans le cas d’un fonds ayant un objet reposant sur un caractère patrimonial marqué, la dotation sera plutôt « non consomptible ». Dans le cas d’un fonds « redistributeur », la dotation pourra être régulièrement consommée, puis reconstituée pour financer des opérations futures.
  • Au plan fiscal, c’est le caractère consomptible ou non de la dotation qui va faire la différence. Lorsque la dotation n’est pas consomptible, le fonds de dotation se trouve dans le même « paradis fiscal » que celui des fondations reconnues d’utilité publique : hormis l’exercice d’activités concurrentielles, aucun impôt ne s’applique aux revenus du fonds de dotation. Et lorsque la dotation est consomptible, les revenus du patrimoine se trouvent assujettis, comme pour les associations à but non lucratif, à l’impôt réduit prévu à l’article 206-5 du CGI (10 %, 15 %, ou 24 %).
  • Le fonds de dotation peut servir de support à des montages juridiques plus complexes qui peuvent se révéler avantageux pour les donateurs et pour le fonds lui-même. Ainsi, lorsqu’il bénéficie d’une donation temporaire de l’usufruit d’un immeuble, par exemple, c’est la valeur complète de l’immeuble qui échappe de la base de calcul de l’IFI du donateur. Et, si la dotation du fonds n’est pas consomptible, les loyers perçus par le fonds pendant la période temporaire de la donation ne seront assujettis à aucun impôt.

Contraintes

Il existe néanmoins deux contraintes importantes :

  • Le fonds de dotation ne peut recevoir de fonds publics, de quelque nature qu’ils soient, sauf dérogation, « à titre exceptionnel », pour une œuvre ou un programme d’actions déterminé au regard de son importance ou de sa particularité ; les dérogations sont accordées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget. Ces dérogations sont au nombre de 5 en 10 ans.
  • Le fonds ne peut recevoir de dons ouvrant droit à la réduction de l’IFI - Impôt sur la Fortune Immobilière (ou ISF, avant sa réforme).

Quel usage pour les fondateurs ?

Sur ces dix dernières années écoulées, plusieurs types de finalité ont motivé la création des fonds des dotations :

  • Le fonds de dotation familial pour réaliser un projet patrimonial et personnel.
    De nombreux fonds de dotation (16 % des créations) ont été créés à l’initiative de personnes physiques se trouvant à la tête d’un patrimoine conséquent ou dans le cadre d’une succession remarquable ou historique. Ces fondateurs ont ainsi pu consacrer une partie de leur patrimoine à la réalisation d’une action philanthropique et parfois même y associer des membres de leur famille ou de leur entourage immédiat.
  • Le fonds de dotation d’entreprise
    À l’instar de la fondation d’entreprise, le fonds de dotation permet à des entreprises, bien souvent de dimension régionale, de promouvoir et d’aider des actions et des projets, notamment dans le secteur de la responsabilité sociale et environnementale. En dix ans, 15 % des créations de fonds de dotation l’ont été par des entreprises. La faculté offerte aux fondateurs de maîtriser la gouvernance de leur structure de mécénat représente un attrait supplémentaire pour les entreprises.
  • Le fonds de dotation patrimonial à vocation immobilière
    Le fonds de dotation constitue un excellent support pour accueillir et gérer le patrimoine immobilier de certaines associations disposant d’immeubles nécessaires à l’accomplissement de leur objet. Ce « montage » juridique leur permet ainsi d’isoler et protéger leurs immeubles. En sa qualité de propriétaire, le fonds pourra ensuite optimiser la gestion du parc immobilier et développer ses fonds propres. Bien entendu, les revenus locatifs tirés de cette activité seront utilisés pour financer les actions d’intérêt général qui président à son objet. Ce schéma est de plus en plus observé à l’initiative des associations gestionnaires d’établissements du secteur médico-social ou culturel.
  • Le fonds de dotation et les collectivités publiques
    Les collectivités publiques sont de plus en plus nombreuses à trouver des vertus aux fonds de dotation. Et ce n’est pas parce qu’elles ne peuvent contribuer à ses ressources qu’elles ne peuvent contribuer à sa dotation. Elles ont bien compris qu’il était possible d’apporter un couteux patrimoine culturel remarquable ou historique à un fonds de dotation, d’en garder la maitrise de la gouvernance au conseil d’administration tout en faisant financer sa rénovation, sa maintenance ou son exploitation par le public, les mécènes et autres partenaires privés. Elles sont plus de 11 % à avoir saisi le filon (y compris les hôpitaux publics).

Et dans dix ans ?

Les fonds de dotation sont pérennes. À part quelques aménagements fiscaux discriminants, ils restent un outil merveilleux car ils répondent à un nombre varié de situations. Ils sont un outil efficace pour le mécénat en permettant de simplifier le financement des projets et des missions d’intérêt général.

Auteur

In Extenso pour le Crédit Mutuel