De la nécessité de « faire ensemble »

Les enjeux auxquels nous devons faire face collectivement sont caractérisés par leur complexité, car situés au croisement de chaînes de causalité multiples et porteurs eux-mêmes de conséquences se répercutant dans différents pans d’un même système.

À titre d’exemple, à l’échelle globale, la lutte contre le réchauffement climatique suppose de tenir compte d’une pluralité de facteurs et doit entraîner avec elle toutes les composantes de la société.

À l’échelle locale, accompagner le retour à l’emploi suppose de mieux comprendre les causes d’un éloignement durable de l’emploi et de coordonner et faire se renforcer mutuellement les actions qui en limitent les effets. Prévenir le décrochage scolaire suppose de travailler l’accompagnement scolaire mais aussi d’agir sur tous les facteurs de décrochage (santé, précarité, mobilité...)

La coopération tire sa nécessité de cette complexité. Croiser les savoirs et les savoir-faire permet de proposer des réponses adaptées tout en étant attentif aux répercussions de ses actions.

L’adoption de l’Agenda 2030 et de ses 17 Objectifs de développement durable par l’ONU en 2015 en fournit un cadre, de portée internationale mais déclinable à toutes les échelles de l’action. Avec l’ambition affichée d’« éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous », l’Agenda 2030 propose une approche systémique et universelle, soulignée par le mot d’ordre de ne « laisser personne de côté ». L’ODD 17 « Partenariats pour la réalisation des objectifs » y joue un rôle important. Véritable clef de voûte de l’édifice d’ensemble des ODD, il fait de la coopération la condition essentielle de leur atteinte.

De nombreuses politiques publiques placent également la coopération au centre de leur fonctionnement.

Les Cités éducatives visent ainsi la constitution de communautés éducatives pour accompagner l’éducation des jeunes et la prise en compte de leurs besoins, de la naissance à l’insertion professionnelle, en associant les professionnels de l’éducation, de l’enseignement, les collectivités et les associations. Les Conventions territoriales globales (CTG) de la CAF visent l’élaboration et l’animation du projet social d’un territoire autour d’une lecture commune de ses besoins, par un renforcement de la cohérence et de la coordination des actions menées pour y répondre. Les CTG sont animées par des chargés de coopération.

Au carrefour de ces exemples, dans la diversité des sujets traités et des échelles d’action, on observe que la coopération permet d’agir dans une logique systémique. La coopération n’est pas l’addition de projets isolés, elle une manière de s’inscrire dans un système compris comme un ensemble d’interactions entre acteurs, actions et éléments constitutifs d’un territoire et/ou d’une thématique.

Spécificités de la coopération et notions voisines

L’Institut des territoires coopératifs nous invite à faire un détour par l’étymologie pour mieux comprendre la coopération. Elle se définit alors comme l’élaboration d’une œuvre commune.

Cela distingue la coopération de la collaboration ou d’un partenariat.

La coopération suppose une inscription dans la durée et conduit les acteurs qui y prennent part à définir ensemble leur objet de travail, depuis la définition de l’enjeu à traiter jusqu’à la mise en œuvre d’un plan d’action commun, en passant par l’élaboration de son modèle d’organisation ou encore les modalités d’évaluation.

Ce travail collectif repose sur un dialogue permanent, pour mieux se connaître, comprendre les modes d’actions et contrainte propres à chacun, identifier ses complémentarités, et apprendre les uns des autres. Comme le souligne Eloi Laurent : « Coopérer, c’est apprendre à connaître ensemble. La coopération transforme les humains en pédagogues les uns pour les autres [...]. On collabore pour faire, on coopère pour apprendre ». L’interconnaissance est un processus continu dans une démarche de coopération, et porteur de valeur.

Et les associations dans tout ça ?

Les associations apportent une contribution essentielle au territoire où elles agissent.

En interface avec des acteurs multiples, elles savent mobiliser tant pour formuler des enjeux que pour contribuer aux réponses à y apporter. Le geste associatif place donc la coopération en son cœur, comme le souligne la loi de 1901, qui souligne qu’elles viennent « mettre en commun, d’une façon permanente, [des] connaissances et [des] activités (...) ».

De nombreux exemples peuvent témoigner de la place et du rôle central que jouent les associations dans la structuration de coopérations pour répondre à des défis de territoire.

  • La Fonda a ainsi mené pendant deux ans une démarche d’expérimentation sur deux territoires, Morlaix et Mulhouse, en lien avec les maisons des associations locales. Il s’agissait d’impulser, de structurer et d’inscrire dans la durée des communautés d’action reliant associations, services de collectivité et citoyens.
    À Morlaix, ce travail est venu renforcer les liens entre les structures d’appui aux initiatives citoyennes, pour encourager des dynamiques collectives autour des questions de transition, avec notamment l’animation d’un projet de Sécurité sociale de l’alimentation.
    À Mulhouse, ce travail a renforcé les liens entre acteurs agissant auprès des jeunes, pour modéliser un continuum d’appui facilitant leur reconnaissance et leur engagement dans la ville.
  • Le projet Hôpital et territoire promoteurs de santé (HTPS), mené à Nanterre avec le soutien de l'ARS Ile-de-France, a mis en lumière le rôle essentiel des associations pour agir sur les déterminants de la santé sociaux et environnementaux (mobilité, réhabilitation des logements sociaux, jardins partagés, éducation à la santé...).
  • Autre exemple, la démarche Quartiers à impact collectif, pilotée par l’ANCT, fait de la coopération le moteur de l’animation de la politique de la ville, en prenant appui sur l’approche méthodologique de l’impact collectif. Des représentants des services déconcentrés, des collectivités et des associations sont ainsi formés par une équipe experte de ces approches. Ils vont ensuite, fort de ces acquis, faire vivre la coopération à l’échelle d’un quartier prioritaire, en associant toutes les forces vives pour imaginer un avenir commun et se doter des moyens pour l’atteindre. Cette approche permet de renouer avec la vision transversale de la politique de la ville.

La coopération : un changement culturel

Ainsi, si le geste associatif est un geste de coopération, il importe d’en amplifier la portée, pour favoriser les liens entre associations ainsi qu’entre les associations et les autres acteurs des territoires. Ce travail permet d’améliorer les projets, tant sur le plan de la qualité des réponses que sur celui de leur mode de fonctionnement.

Plusieurs questions structurantes sont à avoir à l’esprit :

  • Comment mieux impliquer les bénéficiaires de ses actions, pour s’appuyer sur leur expertise des situations vécues ?
  • Comment inscrire son projet dans une dynamique de territoire et penser les liens avec ses acteurs ?
  • Comment s’assurer de la bonne participation de l’ensemble de ses parties prenantes, notamment dans les temps d’élaboration stratégiques et statutaires ?
  • Comment fixer et animer dans la durée un cadre partagé, autour d’une lecture commune des enjeux et d’une compréhension des contributions complémentaires portées en réponse à ces enjeux ?
  • Comment animer une démarche apprenante, notamment par l’adoption d’une démarche d’évaluation pensée à la fois comme outil de pilotage et comme outil pour modéliser sa création de valeur ?

Pour répondre à ces questions, il est important de se doter d’une approche méthodologique, comme celle de l’impact collectif, qui viendra apporter des repères. Une fonction de soutien pourra ainsi se structurer, garante du cadre permettant à l’intelligence collective de s’exprimer, au dialogue de se faire et à l’action collective de se mettre en place.

Cela suppose aussi un changement culturel, qui passe par le fait d’accepter de soutenir des dynamiques aux orientations évolutives plutôt que des projets isolés, et de donner sa place au temps long.

Un changement de regard sur nos modes d’action

Soutenir une coopération pluri-acteurs est une démarche différente de celle consistant à soutenir une structure agissant isolément avec une promesse d’innovation. La coopération est une démarche de long terme, qui prend naissance à partir d’un processus de dialogue, d’élaboration d’un langage commun, qui ne produit par conséquent pas tout de suite des effets, mais dont les impacts sont plus profonds et durables. En tenant compte de la complexité et en favorisant les rapprochements, la coopération entraîne une amélioration collective progressive et constamment réévaluée, et plus à même de s’adapter aux transformations de l’environnement d’action.

La coopération exige également un effort de compréhension, pour mieux en distinguer les ressorts et les assises méthodologiques. S’il n’existe pas de formule prête à l’emploi pour une coopération réussie, des repères existent, ainsi qu’une multitude d’exemples.

Auteur

La Fonda pour le Crédit Mutuel