Xavier Delpech – Docteur en droit, Juris associations - Partenaire Associathèque

La loi n’impose aucune forme juridique aux établissements d’enseignements privé. S'ils peuvent valablement être des structures commerciales, ce sont en réalité pour la plupart des associations loi 1901. C’est la raison pour laquelle le régime juridique de tels établissements mérite d’être connu par quiconque s’intéresse au droit des associations.

En tout état de cause, ces établissements sont toujours des personnes morales de droit privé, lesquels, compte tenu de leur objet éducatif, n’en sont pas moins soumis au contrôle de l’État. Ils peuvent être liés à l’État par un contrat ou non ; on parle d’établissement « sous contrat » ou « hors contrat ». Logiquement, les obligations de l’établissement et le contrôle de l’État sont d’autant plus importants qu’un contrat les lie (C, éduc., art. L. 442-1). Ce contrat se décline en contrat simple – ouvert aux écoles primaires ou spécialisées – et en contrat d’association – que peuvent conclure les écoles primaires, les collèges et les lycées. Un établissement sous contrat simple organise l’enseignement par référence aux programmes et aux règles générales relatives aux horaires de l’enseignement public, lequel conserve cependant une liberté de 20 % de variation d’horaire par rapport aux établissements publics et aux classes sous contrat d’association (C. éduc., art. L. 442-12). Quant au contrat d’association (lequel contrat n’a bien entendu rien à voir à celui, soumis à la loi du 1ernbsp;juillet 1901, qui lie les membres d’une association ; il s’agit plutôt d’une sorte de contrat de partenariat), il ne peut être conclu qu’à condition qu’un « besoin scolaire » soit reconnu par le recteur dans le périmètre géographique de l’établissement qui en fait la demande. Lorsque l’établissement a conclu un contrat avec l’État, il est tenu de dispenser des enseignements conformément aux règles et aux programmes de l’enseignement public (C. éduc., art. L. 442-5 à L. 442-11).

Il s’avère que les établissements d’enseignement privé, tous statuts juridiques confondus, ont suscité une actualité importante, qu’elle soit législative ou jurisprudentielle.

Les mesures législatives qui viennent d’être édictées concernent les seuls établissements hors contrat. Le régime qui leur est jusque-là applicable est particulièrement libéral (C. éduc., art. L. 441-1 à L. 441-4). Ainsi, ils peuvent être créés aussi facilement qu’une association, par simple déclaration. Il faut dire que l’État et les collectivités locales ne les subventionnent aucunement, leurs sources de financement étant uniquement privées, qu’elles proviennent des droits de scolarité acquittés par les parents d’élèves ou de donations. Ils ne sont pas non plus soumis au respect des programmes scolaires. En ce qui les concerne, le contrôle de l’État « ne peut porter sur l’enseignement que pour vérifier s’il n'est pas contraire à la morale, à la Constitution et aux lois » (C. éduc., art. L. 241-7). En pratique, ce contrôle est pratiquement inexistant, ce qui n’est pas sans risque, notamment quant au contenu des enseignements dispensés dans de tels établissements. Les pouvoirs publics ont entendu renforcer ce contrôle et le rendre plus efficace, ce qu’ils ont fait via la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. La mesure phare contenue dans cette loi réside dans le transfert du juge judiciaire au préfet de la capacité de fermer de manière temporaire ou définitive un établissement hors contrat ouvert sans autorisation ou, après mise en demeure, un établissement – également hors contrat – ne satisfaisant pas aux obligations en matière d’ordre public ou de droit à l’instruction (L. n° 2021-1109 du 24 août 2021, art. 52, JO 25 août).

En ce qui concerne la jurisprudence, deux arrêts récents ont été rendus à propos d’établissements sous contrat simple.

Le premier arrêt, du Conseil d’État (CE 3 sept. 2021, n° 439008), fait suite au refus d’un préfet d’accorder à une association le bénéfice d’un contrat simple avec l’État pour son établissement scolaire du premier degré. Il s’avère que la liste des conditions auxquelles doivent satisfaire les établissements pouvant bénéficier d’un contrat simple (capacité d'organiser l’enseignement par référence aux programmes de l’enseignement public, etc.) a un caractère limitatif, ainsi que cela a été jugé de longue date (CE 13 janv. 1965, n° 60046). Cependant, le Conseil d’Etat considère ici « l’administration peut, également, prendre en considération dans son appréciation, sous le contrôle du juge, la capacité de l’établissement à respecter le principe du droit à l’éducation et à garantir l’acquisition des normes minimales de connaissances ». En l’espèce, le directeur de l’établissement avait fait l’objet d’une mise en demeure de remédier aux carences pédagogiques mises en évidence par les contrôles réalisés par l’État, ce qui justifie la décision de refus du préfet.

Le second arrêt, rendu par le Tribunal des conflits, porte sur le statut des enseignants des établissements privés sous contrat simple (T. confl. 5 juill. 2021, n° 4217). Il apporte une utile précision sur ce statut, mais profite de l’occasion qui lui est donnée pour apporter également un éclairage sur celui des enseignants des établissements sous contrat d’association. Il est question, dans cette affaire, d’enseignants d’un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique géré par une association qui ont saisi un conseil de prud’hommes de litiges les opposant à leur employeur et portant sur des compléments de salaires, des indemnités compensatrices de congés et des dommages et intérêts. L’association ayant conclu avec l’État un contrat simple relatif à l’éducation de jeunes handicapés, le conseil de prud’hommes a décidé de surseoir à statuer et renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits afin qu’il règle la question de compétence pour connaître du litige. Pour le Tribunal, les maîtres enseignant dans des établissements sous contrat simple doivent être distingués de ceux exerçant dans des établissements sous contrat d’association. Les maîtres contractuels des établissements d’enseignement privés, ayant passé un contrat d’association exercent dans le cadre d’une mission de service public en tant qu’agents publics de l’État, sans avoir de lien contractuel avec l’établissement. Il s’agit soit de maîtres de l’enseignement public, soit de maîtres liés à l'État par contrat. En revanche, précise le Tribunal, les enseignants des établissements privés sous contrat simple sont des maîtres agréés et non contractuellement liés à l’État. Ils sont contractuellement liés à leur établissement privé même si leur rémunération est prise en charge par l’État. Les litiges les opposant à leur établissement se rattachent à l’exécution de leur contrat de travail et relèvent ainsi de la compétence du juge judiciaire.