Xavier Delpech - Docteur en droit - Juris associations - Partenaire Associathèque
La future loi sur le respect des principes républicains, bientôt promulguée, comporte de nombreuses dispositions visant les associations.
Doc. AN, n° 4078, 13 avr. 2021
Au nom, entre autres, de l’objectif de la lutte contre le séparatisme (d’où la désignation fréquente du texte sous la dénomination « loi Séparatisme »), elle entend renforcer le contrôle de l’État sur les associations, en particulier de leur financement, par toute une série de mesures, qui seront, à n’en pas douter, source de contraintes importantes pour les associations dans leur fonctionnement quotidien. Certaines dispositions visent, par ailleurs, spécifiquement les associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905.
S’agissant des associations régies par la loi de 1901 (ainsi que les fondations, en vertu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale), le texte entend, en particulier, encadrer plus strictement les subventions qui leur sont octroyées par les collectivités publiques ou par tout organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial afin de s’assurer que ces moyens mis librement à leur disposition soient employés dans le respect des principes républicains.
Projet de loi, art. 6 ; L. n° 2000-321 du 12 avr. 2000, art. 10-1 nouv.
Il prévoit, à cette fin, d’imposer aux associations souhaitant bénéficier d’une subvention publique de s’engager à respecter les principes figurant dans un contrat d’engagement républicain que le texte institue : principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République ; non-remise en cause du caractère laïque de la République ; abstention de toute action portant atteinte à l’ordre public.
Ce contrat, contrairement à l’actuelle Charte des engagements réciproques, aura une valeur juridique contraignante. Le respect de cet engagement conditionnera donc la délivrance, mais également le maintien de la subvention. Dès lors, dans l’hypothèse où l’objet de l’association serait illicite ou lorsque ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne seraient pas compatibles avec le contrat d’engagement républicain, la collectivité publique, ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial, sollicité pour délivrer une subvention ou l’ayant déjà délivrée, se verra dans l’obligation de refuser la subvention ou de demander sa restitution. L’Assemblée nationale a précisé, par voie d’amendement, que les associations agréées, ainsi que par les associations et fondations reconnues d’utilité publique sont réputées avoir satisfait l’obligation de s’engager au respect des principes de ce contrat dans le cadre de leurs demandes de subventions. En outre, elle a instauré l’obligation, pour la collectivité prenant la décision de retirer une subvention au titre du non-respect des principes du contrat d’engagement républicain, de notifier cette décision aux autres collectivités qui subventionnent l’association concernée, ainsi qu’au préfet. De son côté, partant du constat que les organismes bénéficiaires de l'agrément d'engagement de service civique, sont pour la plupart des associations, se doivent de respecter les valeurs de la République, le Sénat a adopté un amendement soumettant la délivrance de l’agrément de service civique à l’engagement des organismes demandeurs à respecter le contrat d’engagement républicain. En cas de non-respect de ce contrat, ces organismes se verraient retirer leur agrément.
Projet de loi, art. 6 bis A ; CSN, art. L. 120-130 et L. 120-131 mod.
Le projet de loi envisage, par ailleurs, de permettre à l’administration fiscale de vérifier si un organisme bénéficiaire de dons ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur la fortune immobilière satisfait aux conditions liées au mécénat définies aux articles 200, 238 bis et 978 CGI.
Projet de loi, art. 10 ; LPF, art. L. 14 A mod. et L. 14 B nouv.
Il prévoit, dans la même veine, de faire remonter à l'administration fiscale l'identité de tous les organismes délivrant des reçus fiscaux dans le cadre du mécénat et à connaître le montant global annuel des dons inscrits sur ces reçus et le nombre de ceux-ci, en créant une obligation déclarative annuelle à la charge des organismes sans but lucratif délivrant des reçus fiscaux.
Il crée parallèlement l'obligation pour les entreprises d'être en mesure de présenter un reçu fiscal pour obtenir une réduction d'impôts, à l'instar de ce qui existe déjà pour les particuliers. L'Assemblée nationale a renforcé la sanction encourue par l'organisme qui ne se soumettrait pas à la nouvelle obligation déclarative en prévoyant une amende de 1 500 euros en cas de récidive.
Projet de loi, art. 11 ; CGI, art. 222 bis nouv., 238 bis et 1729 B mod.
Enfin, le texte instaure un contrôle des financements étrangers des associations, dès lors qu’elles perçoivent plus de 153 000 euros annuels de dons, en les obligeant à tenir un état comptable séparé des ressources et avantages en provenance de l'étranger. Des sanctions pénales seraient applicables dans le cas où cette obligation ne serait pas respectée.
Projet de loi, art. 12 bis ; L. n° 87-571 du 23 juill. 1987, art. 4-2 nouv.
Compte tenu de ces contraintes nouvelles imposées aux associations, il est peu douteux qu’il y aura pour elles un « avant » et un « après » loi Séparatisme.