Xavier Delpech – Docteur en droit, pour Juris Associations – Partenaire Associathèque

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, vient de créer un nouveau véhicule actionnarial, le fonds de pérennité (art. 177).

Il s’agit d’un nouveau statut de fondation destiné à assurer un actionnariat stable dans une ou plusieurs entreprises, qui est largement inspiré des fondations actionnaires, expérimenté avec succès dans plusieurs pays européens, notamment en Europe du Nord. Ce fonds est constitué par l’apport gratuit et irrévocable des titres de capital – actions ou parts sociales - d’une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole. C’est donc le fonds qui acquiert la qualité d’actionnaire. Cet apport est réalisé par un ou plusieurs fondateurs afin que le fonds gère ces titres ou parts et exerce les droits qui y sont attachés. On relèvera que si l’apport procède d’un legs – c’est-à-dire d’une donation post-mortem- ce legs peut être fait au profit d’un fonds de pérennité qui n’existe pas au jour de l’ouverture de la succession. Mais ceci à condition que le testateur ait désigné une ou plusieurs personnes chargées de le constituer et que le fonds acquiert la personnalité morale dans l’année suivant l’ouverture de la succession.

Le fonds a d’abord vocation à contribuer à la pérennité économique de cette ou ces sociétés. Il sera, à n’en pas douter, un instrument utile dans les sociétés cotées pour s’opposer à des OPA (Offres Publiques d’Acquisition). Mais il aura également toute latitude pour financer, essentiellement grâce aux dividendes versés par les sociétés dans lesquelles il détient des participations, des actions diversifiées, incluant des missions non directement liées à l’entreprise, telles que des activités philanthropiques.

La loi PACTE décrit la gouvernance du fonds de pérennité. Il est administré par un conseil d’administration. Un comité de gestion est chargé du suivi permanent de la ou des sociétés dont les titres ou parts constituent l’apport au fonds. Il formule des recommandations au conseil d’administration portant sur la gestion financière de la dotation, sur l’exercice des droits attachés aux titres ou parts détenus ainsi que sur les actions permettant de contribuer à la pérennité économique de ces sociétés. Un commissaire aux comptes doit être désigné dès lors que le montant total des ressources dépasse 10 000 euros à la clôture du dernier exercice. L’autorité administrative se voit, par ailleurs, reconnaître un pouvoir de contrôle. En particulier, elle s’assure de la régularité du fonctionnement du fonds de pérennité. Si elle constate des dysfonctionnements graves affectant la réalisation de l’objet du fonds de pérennité, elle peut, après mise en demeure non suivie d’effet, décider de saisir l’autorité judiciaire aux fins de sa dissolution.

Ce nouveau dispositif n’est pas encore en vigueur, faute de publication à ce jour du décret d’application attendu. Il semble toutefois susciter d’ores et déjà un vif intérêt, même s’il ne faut sans doute pas s’attendre à la création d’un nombre important de fonds de pérennité.