Erwan Royer – Rédacteur en chef du Pôle Droit Public aux Editions Dalloz, Juris associations - Partenaire Associathèque

C’est la conclusion – un peu rapide – qui pourrait être tirée d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 3 février 2021.
Aff. C-155/19 et C-156/19

Saisi par le Conseil d’État italien, le juge européen a été amené, sans se prononcer sur le cas d’espèce soumis, à rappeler la méthode pour qualifier une personne privée – la fédération italienne de football en l’occurrence – de pouvoir adjudicateur, autrement dit, et pour simplifier le propos, d’acheteuse publique. Cette notion emporte la soumission de la structure au code de la commande publique en droit français, dès lors que la personne morale de droit privé poursuit une mission d’intérêt général et est contrôlée ou financée principalement sur fonds publics.

Si, comme le souligne la CJUE, une association investie de missions d’intérêt public définies par la loi, telle que l’est la fédération italienne de football, exerce par ailleurs des activités purement privées pour lesquelles elle s’autofinance, représentant la majorité de ses tâches, cela n’altère en rien la nature de ses missions. De plus, la CJUE indique que l’autorité publique peut être présumée exercer un contrôle sur les fédérations sportives si les pouvoirs exercés par la première rendent les secondes dépendantes de l’autorité publique et permettent à celle-ci d’influencer ses décisions de gestion, notamment en matière de marchés publics. Les simples contrôles de conformité, de légalité, d’équilibre du budget, de régularité des comptes, ne suffisent pas à établir un tel contrôle sur la gestion. Il en irait autrement s’ils étaient assortis du pouvoir de restreindre l’autonomie de gestion des associations ou de leur imposer un comportement prédéterminé en matière de gestion. Or, le fait qu’une structure faîtière, le Comité olympique national italien (CONI), dispose de nombreux pouvoirs à l’égard des fédérations sportives n’est pas en soi suffisant : c’est au juge italien de démontrer que cette autorité publique a pu influencer par l’exercice de ses prérogatives les décisions de la fédération en matière de marchés publics.

Dans ces conditions, les fédérations sportives françaises dont le mode d’organisation et de fonctionnement ressemble à celui de leurs homologues transalpines, sont-elles soumises aux règles de la commande publique ? C’est surtout au regard du critère du contrôle sur la gestion des structures que la question se pose. Comme l’a noté un récent rapport sénatorial d’information (n° 698 du 8 sept. 2020), il n’y a pas en la matière de réponse générale qui s’impose. En l’absence de jurisprudence administrative, c’est une analyse au cas par cas qui s’impose.

En réalité, les pratiques sont variables, certaines fédérations se plaçant explicitement dans le cadre des règles de la commande publique tandis que d’autres énoncent dans leur règlement financier des règles relatives à des procédures de mise en concurrence plus ou moins éloignées des règles publiques voire ne mentionnent, dans ce même règlement, aucune référence à un quelconque principe issu des règles de la commande publique.

Face à ce flou juridique, les auteurs du rapport ont préconisé plusieurs solutions pour clarifier la situation dont une invitation adressée à toutes les fédérations sportives d’intégrer dans leurs règlements financiers les grands principes de la commande publique. À voir si cette préconisation sera suivie d’effets.