Xavier Delpech – Docteur en droit, pour Juris Associations – Partenaire Associathèque

La situation ici soumise à la Cour de cassation n’est pas banale : il s’agit d’un comportement fautif d’un bénévole de l’association à l’encontre de salariés de celle-ci (Soc. 30 janv. 2019, n° 17-28.905).

Qui doit en répondre ? Pour la Cour de cassation, c’est en principe l’association. C’est fort logique, car il existe traditionnellement un principe de responsabilité de l’association du fait de ses préposés, qui a pour fondement l’article 1242, alinéa 5, du code civil. Le lien de préposition se caractérise par le fait que le préposé obéit aux instructions du commettant, ici l’association. Le préposé est généralement un salarié, mais ce peut être toute personne qui obéit aux ordres ou instructions de l’association, même de manière occasionnelle. Le bénévole, qu’il soit permanent ou occasionnel, répond parfaitement à ce critère.

Dans l’affaire jugée, une salariée d’une association ayant pour objet l’exploitation d’un club de tennis a, après avoir dénoncé à son employeur des faits de discrimination, saisi la juridiction prud’homale, en paiement de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices moral et financier pour discrimination et violation par l’employeur de son obligation de sécurité.

Il s’avère que les faits dénoncés ont été commis par des bénévoles de l’association, qui apportaient leur aide en cuisine à l’occasion d’une soirée. Les juges du fond rejettent la demande en ce qu’elle est dirigée contre l’association, faute, selon eux, de rapport de préposition entre l’association et les bénévoles auteurs des faits prétendument fautifs. Rien ne permet, en l’occurrence, d’affirmer que ceux-ci se trouvaient sous la subordination hiérarchique de l’association. Ils ajoutent que la responsabilité de l’employeur ne saurait être engagée à raison de faits fautifs commis envers sa salariée par des personnes avec lesquelles il n’apparaît lié par aucun lien de préposition. Ils relèvent, par ailleurs, et pour le dédouaner, que l’employeur – c’est-à-dire l’association – n’est pas demeuré sans réaction à la suite de cet incident puisqu’il a fait procéder à une enquête interne tout en invitant son personnel à prendre toutes les précautions nécessaires dans leurs relations avec la salariée.

L’arrêt d’appel est cassé, car, selon la Cour de cassation, « l’employeur, tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de discrimination, doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés ».

Elle considère que les motifs retenus par les juges d’appel sont impropres à caractériser l’absence d’autorité de droit ou de fait exercée sur la salariée par les auteurs d’agissements discriminatoires. Ce, alors même qu’ils avaient constaté que l’insulte à connotation sexiste, proférée par un bénévole, et le jet par d’autres de détritus sur la salariée avaient eu lieu à l’occasion d’une soirée organisée par l’employeur dans les cuisines du restaurant de l’association en présence d’un salarié de l’entreprise, tuteur devant veiller à l’intégration de la salariée titulaire d’un contrat de travail s’accompagnant d’un contrat d’aide à l’emploi, sans que celui-ci réagisse. La Cour de cassation considère bel et bien en substance l’existence d’un tel rapport d’autorité.

L’association doit dès lors répondre des agissements discriminatoires de ses bénévoles vis-à-vis d’une salariée sur laquelle il exerce une autorité. Le raisonnement qui justifie cette solution est fondé sur le droit du travail – à savoir l’exigence de protection des salariés contre les discriminations dont ils sont victimes dans l’accomplissement de leur travail – et non pas sur le droit civil – lié à l’existence d’un lien de subordination entre le commettant, l’association, et le préposé, le bénévole – mais à la rigueur peu importe !

En l’occurrence, l’employeur aurait dû adopter toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et mettre en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. Ce qu’il n’a pas fait. Au surplus, il s’avère que la salariée victime de la discrimination était embauchée sous contrat aidé et était bénéficiaire d’un accompagnement spécifique assuré par un tuteur, salarié de l’entreprise, devant veiller à son intégration. Cette obligation d’accompagnement constitue à l’évidence une raison supplémentaire pour obliger l’employeur à mettre en œuvre toutes les actions préalables afin d’éviter tout fait de discrimination, lequel pouvait difficilement échapper à sa responsabilité générale de sécurité au travail, dont il doit assurer l’effectivité.