État, collectivités, associations : pour des engagements réciproques

Une nouvelle charte des engagements réciproques vient d’être signée entre les pouvoirs publics et les associations. La nouveauté réside notamment dans le fait que les collectivités territoriales représentées par les associations d’élus sont signataires, ce qui n’était pas le cas lors de la précédente charte signée en 2001.

  • Améliorer les outils de connaissance de la vie associative ;
  • Favoriser la création de lieux d’accueil, d’information et de conseil ;
  • Favoriser la création de lieux d’accueil, d’information et de conseil.

Autant de principes sur lesquels se sont engagés l’État, les collectivités territoriales et les associations lors de la signature de la nouvelle charte des engagements réciproques.

Objectif : mieux reconnaître le rôle essentiel tenu par les associations dans la société civile et intensifier la coopération des différents signataires au service de l’intérêt général.

À noter qu’une attention particulière est également portée au suivi, à l’évaluation et à la mise en œuvre de la charte.

La circulaire du 29 septembre 2015 (dite circulaire Valls) prévoit la déclinaison de la charte des engagements réciproques sur les territoires de manière adaptée pour chaque secteur d’activité ainsi que le soutien public dans la durée aux associations concourant à l’intérêt général.

C’est ainsi qu’il est demandé de « promouvoir notamment auprès des collectivités territoriales l’adoption de chartes locales qui organisent la concertation des acteurs pour co-construire les politiques publiques (...) et permettre aux initiatives associatives d’entrer en résonance avec elles ».

À cette fin, la circulaire a prévu de renforcer le rôle des délégués régionaux ou départementaux dans leurs missions prioritaires d’information, de formation, d’animation, et d’accompagnement des acteurs du secteur associatif.

Par ailleurs, la charte d’engagements réciproques prévoit son évaluation sous la forme d’un bilan récapitulatif triennal par un comité national de suivi et d’évaluation. Un rapport d’étape de ce dernier a été remis le 15 février 2017 et recense les chartes locales et sectorielles connues (50 depuis 2014).

Il met en lumière les effets qualitatifs de ces chartes et adresse des préconisations destinées à faire vivre cet outil politique. Pour cela, le rapport recommande notamment à l’attention des signataires de chartes locales ou sectorielles d’affecter des moyens matériels, humains et financiers aux chartes conclues pour les animer et les évaluer, ainsi que de favoriser la connaissance réciproque des acteurs publics et associatifs par le biais d’outils de communication (information dans les réseaux, événements comme le Forum National des Associations et Fondations).

Suite à la publication de ce rapport, le Haut-Conseil à la vie associative (HCVA) a rendu un avis le 8 septembre 2017 sur l’évaluation de ladite charte. Il note ainsi que s’agissant des chartes signées entre les associations et les communes, la signature résulte soit d’un travail conduit par la maison des associations, soit qu’elle découle sur la création d’une maison des associations et/ou d’une instance de consultation. À cet égard, le HCVA préconise que le Mouvement associatif, grâce au Réseau national des maisons des associations (RNMA), « incite » à la création de maisons des associations autant que possible.

Certaines dérives constatées auprès d’associations ont amené par ailleurs les pouvoirs publics à intervenir en exigeant la signature pour toute association demandant une subvention auprès d’une collectivité territoriale d’un contrat d’engagement républicain portant obligation de respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République, le caractère laïque de celle-ci et l’abstention de toute action portant atteinte à l’ordre public.

Ce contrat, obligatoire et complémentaire de la charte des engagements réciproques, devra accompagner aussi bien toute convention de subventionnement que toute décision d’octroi d’une subvention. Tout manquement à ce contrat ou au refus de le signer pourra conduire la collectivité territoriale à refuser ou à un retirer sa subvention.

L’évolution des relations entre les associations et les collectivités territoriales

Les collectivités territoriales recourent de plus en plus aux marchés publics pour financer les activités du secteur associatif. Comme le souligne une enquête de 2012 (Enquête « Associations, comment faîtes-vous face à la crise ? », France Active/CPCA, janvier 2012), l’importance du recours aux marchés publics augmente avec la taille de l’association (35 % des associations ayant plus de 50 000 euros de budget ont conclu au moins un marché public) et en fonction du secteur d’activité : environnement (55 %), développement économique (39 %), action sociale (26 %).

L’évolution concernant le financement du secteur associatif tend vers davantage à la fois de mise en concurrence des activités associatives et de contractualisation des rapports entre les collectivités territoriales et les associations.

Cette situation est vécue différemment selon que les personnes interrogées sont du côté associatif ou de celui des collectivités.

M. Dominique Thierry, Président national de France Bénévolat, commentant les résultats du « 3ème Baromètre 2014 des relations entre associations et collectivités locales », montrent « une dégradation certaine des relations entre associations et collectivités locales, plus ressentie d’ailleurs par les responsables associatifs que par les collectivités locales. Cette dégradation porte prioritairement sur les modèles économiques et les subventions (...) ».

Plusieurs pistes sont envisagées pour rendre ces relations plus souples tout en les sécurisant.

Un recours à la mise en concurrence moins systématique

Les pouvoirs publics (dont le ministère de l’économie et des finances) reconnaissent que les collectivités territoriales ne sont pas obligées de passer par une mise en concurrence dans des cas où il n’y a pas d’activité marchande ou d’opérateur économique. Autrement dit, dans certaines situations, il y a certes un acheteur mais en face de lui seulement une association susceptible de répondre aux attentes de la collectivité. Il en est ainsi souvent dans les domaines sociaux (par exemple : la mise en œuvre des mesures d’accompagnements sociale personnalisé ; l’accompagnement des personnes bénéficiaires du RSA).

Comme le suggère la CPCA, devenue Le Mouvement associatif, (Développement des marchés publics : quels impacts et solutions pour les associations ?), il faut inciter les financeurs publics à recourir à des procédures adaptées (CMP, art. 30) ou à des procédures négociées (possibilité de confier un marché à un seul opérateur sans publicité ni mise en concurrence  : CE 28 janvier 2013, Département du Rhône, req. n° 356670) qui sont une alternative à la politique du « tout concurrentiel ».

Une contractualisation plus ouverte

La contractualisation du versement des subventions aux associations, notamment par le biais de la convention pluriannuelle d’objectifs (CPO), a été rendue nécessaire du fait de la législation européenne sur les aides accordées aux opérateurs économiques considérées. En effet, bon nombre d’associations, même si elles exercent leurs activités de façon non lucrative, proposent leurs biens et leurs services sur un marché.

Or, le fait de leur accorder des subventions peut fausser le libre jeu de la concurrence sur ce marché. C’est la raison pour laquelle les règles pour allouer des aides publiques sont restrictives et ignorent les particularités du secteur associatif (dont leur caractère pour la plupart non lucratif). Pour sécuriser les relations entre les collectivités et les associations pour le versement de subvention, il a été jugé préférable de recourir à un contrat qui pose les droits et obligations de chacun.

La réglementation européenne en matière d’aides publiques s’est récemment assouplie (passage du paquet « Monti-Kroes » de 2005 au paquet « Almunia » de 2012 : voir notamment dossier JA n° 458/2012, p. 17 s.). Elle admet désormais qu’une compensation financière versée par une collectivité publique à un opérateur économique en contrepartie d’un service d’intérêt général (subvention) n’est pas contraire à la libre concurrence.

De plus, l’exemption de notification à la Commission européenne de toutes les aides versées à des services sociaux d’intérêt général (SSIG) couvre un champ plus vaste de services sociaux. Par ailleurs, le seuil en-deçà duquel les subventions versées aux associations ne sont pas soumises au contrôle européen sur les aides d’État (seuil de minimis) a été relevé, passant de 200 000 € à 500 000 € sur 3 ans. Cela signifie aussi qu’en dessous de ce seuil, un acte de mandatement (autrement dit une convention pluriannuelle d’objectifs) n’est pas nécessaire.

Sécuriser davantage les relations entre les collectivités et le secteur associatif

Le changement de réglementation européenne a été accompagné d’une évolution des textes nationaux, en particulier d’une nouvelle circulaire remplaçant celle du 10 janvier 2010 (circulaire du Premier ministre n° 5811-SG du 29 septembre 2015). Elle tient compte de la loi ESS du 31 juillet 2014 qui donne notamment une définition de la notion de subvention pour mettre fin aux incertitudes juridiques par rapport à d’autres modes d’intervention publics. La circulaire « Valls » du 28 septembre 2015 va dans ce sens.

Le Mouvement associatif se félicite de la parution de cette circulaire qui incite les acteurs publics à opter pour la subvention, facteur de créativité associative, et sécurise juridiquement ses modalités d’attribution. Selon Nadia Bellaoui, Présidente du Mouvement associatif, « dans un contexte de contraintes budgétaires fortes, la circulaire incite les acteurs publics à privilégier une dépense publique efficace qui s’appuie sur l’expertise et la mobilisation citoyennes. Il est donc essentiel que les collectivités territoriales comme les services de l’État s’en saisissent pour servir l’intérêt général ».

Le Collectif des Associations Citoyennes souligne également les avancées de cette circulaire par rapport à la précédente qui entretenait le flou entre commande publique et subventionnement pour le financement des associations. Il relève toutefois certains obstacles et contradictions comme une « démarche partenariale entre associations et collectivités – que la circulaire souhaite encourager – (...) vidée de son sens par l’aggravation du plan de rigueur ».

Pour lui, « plusieurs points essentiels demandent à être précisés, qui pourront l’être éventuellement dans le guide d’utilisation qui doit être publié prochainement, et qui fait encore l’objet de discussions », tels « un modèle ultra simplifié de convention pour les subventions en dessous du seuil de 23 000 € » ou bien encore l’harmonisation du formulaire CERFA avec les dispositions de la circulaire, « afin que le questionnaire distingue nettement le cas où les activités ne correspondent que partiellement à des activités économiques, pour que les seuils ne s’appliquent qu’à ces dernières ».

Bon à savoir

Signalons aussi une piste intéressante celle de l’innovation sociale, sujet important dans le cadre des relations entre les collectivités et les associations. La loi ESS du 31 juillet 2014 en donne là aussi, et pour la première fois, une définition.
Art. 15

Elle doit permettre de lever les réticences et autres préventions des financeurs classiques de l’innovation, aujourd’hui massivement focalisés sur l’innovation technologique, qui ont du mal à appréhender les particularités de l’innovation sociale, telles que la rentabilité limitée, le recours aux sciences humaines, le statut associatif ou coopératif de nombreuses structures.

C’est le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire qui définira les orientations permettant d’identifier un projet ou une activité économique socialement innovant.

D’autres solutions sont encore envisagées pour améliorer la sécurité notamment du financement des associations.

À cet égard, le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale rendu le 20 novembre 2014 (n° 2383) sur les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle formule plusieurs recommandations dont la mise à profit du débat parlementaire pour réécrire l’article 28 (possibilité d’intervention de chaque niveau de collectivité territoriale en matière de culture, de sport et de tourisme) du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République afin de conforter le financement du monde associatif dans sa diversité, ou bien encore généraliser le versement, au moins partiel, des subventions publiques le plus tôt possible dans l’année afin de limiter les difficultés de trésorerie des associations.

La réforme de la commande publique participe à sa façon également à sécuriser les relations entre les collectivités territoriales et les associations en distinguant mieux les marchés publics d’autres sources de financement.

D’une part, l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics exclut, pour la première fois, de manière explicite du champ d’application du code des marchés publics les contrats de subvention. De l’autre, elle écarte certains risques de requalification contentieuse en prévoyant explicitement qu’une association non soumise aux dispositions de l’ordonnance doit respecter la plupart des obligations s’imposant aux acheteurs publics si plusieurs conditions précisées par le texte de l’ordonnance sont réunies.

Par ailleurs, cette réforme clarifie la relation marchande attachée aux contrats de commande publique en distinguant mieux les marchés publics et les concessions (dont font désormais partie les délégations de service public) d’autres types de relations ayant un autre objet, à l’instar des baux emphytéotiques administratifs et autres conventions d’occupation domaniale.

La suppression par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique des subventions octroyées par les parlementaires aux associations, dites « réserve parlementaire » aurait pu affecter définitivement la sécurité du financement des petites structures associatives. Mais, par la loi de finances pour 2018, le Parlement a fait le choix d’abonder de crédits de 25 millions d’euros le FDVA (Fonds pour le développement de la vie associative) dans son rôle de soutien au développement de la vie associative. En ce sens, un décret du 8 juin 2018 relatif au fonds pour le développement de la vie associative encadre les nouvelles modalités régissant l’attribution de ces crédits. Il définit la mise en œuvre du soutien par voie de subvention de fonctionnement aux associations pour leurs projets de formation des bénévoles (à l’exclusion des associations sportives financées par le Centre national pour le développement du sport), le financement global de leurs activités, leurs projets locaux de nouveaux services à la population, leurs études et expérimentations nationales.

Bon à savoir

Deux enquêtes sur l’état actuel du secteur associatif livrent une photographie des budgets associatifs.

En hausse de 1,6 % par an sur six ans, les associations contribuent à 3,3 % du PIB.

Environ 19 500 grandes associations (1,3 % du nombre total d’associations et 13,1 % du nombre d’associations employeuses) gèrent un budget annuel supérieur à 500 000 €.

La répartition des ressources associatives au sein des budgets a évolué en 2017 : 66 % proviennent de recettes d’activité privées et publiques (provenant pour 42 % de la participation des usagers et pour 24 % de la commande publique), 20 % de subventions publiques (proportion en forte baisse par rapport aux 34 % enregistrés en 2011).

Les financements publics représentent ainsi 44 % des ressources (contre 49 % en 2011 et 51 % en 2005).

V. Tchernonog, L. Prouteau, « Les associations : état des lieux et évolutions – Vers quel secteur associatif demain ? », oct. 2018 ; L. Prouteau, « Le bénévolat en France en 2017 : état des lieux et tendances », synthèse de l’exploitation de l’enquête Centre de recherche sur les associations – CSA, oct. 2018 ; pour aller plus loin, voir Juris Associations n° 588/2018, p. 6

Pour plus d’informations

Réglementation européenne, passage du paquet « Monti-Kroes » de 2005 au paquet « Almunia » de 2012, Dossier Juris Associations n° 458/2012, p.17 s.