Une décision de la Cour de cassation éclaire sur les conditions de validité d’une rupture de contrat d’un travailleur handicapé au sein d’un ESAT.

Un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) peut-il rompre le contrat d’un travailleur handicapé ? La Cour de cassation répond par la négative. Explications.

Absence de contrat de travail

Pour qu’un contrat de travail soit reconnu, trois éléments doivent être réunis : une prestation, une rémunération et un lien de subordination. Certains travailleurs ne sont pas reconnus comme salariés. Il en est ainsi des compagnons, la loi elle-même relevant l’absence de lien de subordination (Soc. 9 mai 2001, n° 98-46.158), des volontaires (en service civique, par exemple), des stagiaires en formation initiale ou encore des bénévoles. Tel est également le cas pour les travailleurs handicapés des ESAT.

Ces travailleurs sont des personnes handicapées qui exercent des activités professionnelles avec un statut d’usager, ce statut étant pour partie issu du code de l’action sociale et des familles et pour partie de certaines dispositions spécifiques du code du travail. Le contrat qu’ils signent avec la structure est un contrat de soutien et d’aide par le travail qui les place dans une situation d’usager exclusive de tout contrat de travail. Le droit français ne leur reconnaît donc pas la qualité de salarié, mais ils sont considérés comme des travailleurs au sens du droit européen ; autrement dit, ils ont droit aux congés payés.

Exposé des faits et de la procédure

Un travailleur handicapé en ESAT est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, avec dispense d'obligation de recherche de reclassement. L'ESAT demande à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) la sortie de l'intéressé de ses effectifs. Après avoir accepté cette demande, la MDPH est revenue sur sa décision et a réorienté le travailleur handicapé vers l'ESAT, mais ce dernier a refusé la réintégration.

Le travailleur handicapé a saisi le conseil de prud’hommes en référé d’une demande de réintégration rétroactive dans les effectifs de l’ESAT, outre le versement des salaires depuis son départ. La cour d'appel ayant fait droit à ses demandes, l’ESAT s’est pourvu en cassation. Selon lui, l'avis du médecin du travail déclarant un travailleur handicapé inapte avec dispense d'obligation de reclassement « s'impose à l'ESAT » et, en outre, il ne se considérait pas lié par la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) orientant l'intéressé en son sein, d'autres établissements étant par ailleurs désignés. Son pourvoi est toutefois rejeté.

Conséquences de l’absence de contrat de travail

Le travailleur handicapé n’est pas lié avec l’ESAT par un contrat de travail, mais par un contrat d’usager de structure sociale et médico-sociale qui découle de l’orientation par la CDAPH vers l’ESAT. En effet, seule la CDAPH désigne les ESAT concourant à l’accueil de l’adulte handicapé. Il résulte de la combinaison de l’article L. 241-6 du code de l’action sociale et des familles et des articles L. 1226-2 et suivants du code du travail que ces établissements ne peuvent rompre le contrat de l’usager. La décision de rupture du contrat – même motivée par un motif non inhérent à la personne du travailleur comme, en l’espèce, l’inaptitude physique et l’impossibilité de reclassement – appartient exclusivement à la CDAPH.

La décision de mettre fin au contrat de soutien et d’aide par le travail constitue un trouble manifestement illicite impliquant la réintégration de l’intéressé dans les effectifs de l’ESAT. L’obligation de versement des arriérés de rémunération garantie pendant la période de refus de réintégration constitue en conséquence une obligation non sérieusement contestable.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel