Fait d’autrui et responsabilité contractuelle de l’association

Les obligations contractuelles qui incombent à une association sont autant de causes possibles de responsabilité pour elle. L’association doit répondre de toutes les personnes - dirigeants, préposés ou autres - qui interviennent dans l’exécution d’un contrat.

Leurs fautes deviennent ainsi les propres fautes de l’association.

Fait d’autrui et responsabilité extracontractuelle de l’association

1 - Responsabilité générale du fait d’autrui

Cas limités du Code civil

Le Code civil contient plusieurs cas de responsabilité du fait d’autrui :
Art. 1242, al. 4 et s. réd. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016 ; ancien art. 1384, al. 4 et s.

  • la responsabilité des parents du fait de leurs enfants,
  • la responsabilité des maîtres et commettants du fait de leurs domestiques et préposés,
  • la responsabilité des instituteurs et artisans du fait de leurs élèves et apprentis.

Fondés sur une volonté d’amélioration du sort des victimes, afin de leur permettre d’obtenir réparation de personnes présumées plus solvables que l’auteur du dommage, ces cas de responsabilité ont toujours été très sollicités, ce qui explique que l’on ait souvent essayé de les interpréter, non pas comme des exceptions à la responsabilité personnelle, mais comme autant d’illustrations d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui.

La Cour de cassation a traditionnellement résisté à ces tentatives : en dehors des hypothèses spécialement réglementées par la loi, il n’était pas de responsabilité générale du fait d’autrui.

Conception extensive de la jurisprudence

Réunie en Assemblée Plénière, la Cour de cassation a rendu, le 29 mars 1991, un arrêt d’une importance capitale (dit arrêt Blieck), consacrant sur ce chapitre un revirement remarquable.

Elle a retenu, en effet, « indépendamment de toute faute », la responsabilité d’une association sur le simple fait d’un handicapé mental dont elle avait la charge, lequel, soumis à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée, avait mis le feu à une forêt.

Consécration d’un nouveau principe général de responsabilité

Cette solution, qu’il est impossible de rattacher à l’une des hypothèses classiques de responsabilité du fait d’autrui, est la consécration d’un nouveau principe général de responsabilité, désormais fondé sur l’action dommageable de tous ceux dont les associations doivent répondre, parce qu’elles ont accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, leur mode de vie.

Conséquences pour les associations en charge d’accueil et d’encadrement

Les conséquences de la jurisprudence Blieck sont très importantes pour toutes les associations qui exercent des missions permanentes d’accueil et d’encadrement, avec pour effet de multiplier les risques de dommages causés à des tiers par ceux-là mêmes dont elles ont la charge.

Aujourd’hui pèse sur elles une responsabilité objective, détachée de toute faute, sur la seule constatation de ces risques.

La jurisprudence en témoigne, qui couvre de nombreux secteurs de la vie associative :

  • centres d’aide par le travail,
  • associations sportives,
  • associations accueillant des mineurs au titre de l’assistance éducative,
  • associations accueillant des mineurs au titre de la liberté surveillée,
  • associations de scoutisme,
  • associations communales organisatrices de défilés,
  • établissements d’enseignement.

Toutes ces instances sont responsables du fait des personnes qu’elles encadrent ou dirigent (handicapés mentaux, compétiteurs sportifs, adolescents en difficulté, scouts et guides, majorettes...), ce qui les rend tributaires d’une obligation de surveillance et de contrôle d’autant plus forte que la responsabilité opère de plein droit.

En revanche, les associations de chasse n’ont pas pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres et n’ont donc pas à répondre de ceux-ci.
Cour de cassation, 11 septembre 2008

Correctif pour les associations sportives

Cette montée de la responsabilité objective n’est pas sans correctif.

Les associations sportives en témoignent, qui ont permis à la Cour de cassation, dans un arrêt de l’Assemblée Plénière du 29 juin 2007 d’en tempérer le principe.

Elle a jugé que, même ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres, lesdites associations ne sont responsables des dommages qu’ils causent à cette occasion, que si une faute caractérisée par une violation des règles du jeu peut leur être imputée.

La faute fait donc un retour non négligeable dans le système, ce qui laisse entendre que l’association n’engage plus sa responsabilité de plein droit par la seule preuve du dommage, mais seulement pour sanctionner une défaillance impardonnable dans l’encadrement de ses membres...

Bon à savoir

D’une manière surprenante, la Cour de cassation va même jusqu’à reconnaître une telle faute en dehors du déroulé de la compétition sportive : elle a jugé que « l’agression d’un arbitre commise dans une enceinte sportive par un joueur constitue, même lorsqu’elle se produit à l’issue de la rencontre, dont ce dernier a été exclu, une infraction aux règles du jeu, en lien avec l’activité sportive ».
Cour de cassation, 5 juillet 2018

Une association organisatrice d’une compétition, tel un match de football, est donc responsable des infractions de violences volontaires commises par un joueur, alors même que le match serait terminé, et dès lors que les violences exercées l’ont été au sein de l’enceinte sportive.

2 - Responsabilité de l’association commettante

La responsabilité des associations est souvent recherchée à raison du fait de leurs préposés.

Ayant à gérer de nombreux établissements, déployant de multiples activités, les associations font appel à des salariés ou à des collaborateurs, dont les agissements peuvent être à l’origine de dommages pour les tiers.

Ceux-ci ont alors la possibilité d’engager, outre la responsabilité personnelle de ces préposés, celle de l’association elle-même prise en sa qualité de commettant.

Conditions de la responsabilité

Première condition : le lien de préposition

Ce lien s’entend largement de toute relation ayant pour effet de placer une personne sous l’autorité d’une autre.

Est préposé celui qui agit ou remplit une fonction pour le compte d’une autre personne, laquelle possède à son égard un pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle.

Le lien de préposition recoupe en fait deux situations différentes, selon que le préposé est ou n’est pas salarié.

Préposé « salarié »

Toutes les personnes liées à une association par un contrat de travail (entraîneurs et animateurs de clubs sportifs, joueurs professionnels, moniteurs professionnels d’aéro-clubs...) sont :

  • non seulement des salariés au sens du droit social,
  • mais encore des préposés au sens du droit de la responsabilité civile, de sorte que leurs faits et agissements engagent la responsabilité de l’association employeur.

Préposé « non salarié »

Sont également des préposés toutes les personnes qui collaborent indépendamment d’un travail salarié, serait-ce sans contrepartie financière, de façon régulière ou occasionnelle, aux activités de l’association en étant placées sous son autorité.

Le lien de préposition existe donc pour les bénévoles, dès lors que leur engagement est subordonné aux instructions de l’association ou de ses dirigeants.
Versailles, 9 février 2022, n° 19/01896 et n° 19/01962

La reconnaissance du lien de préposition est une question d’espèce. Notamment, la qualité d’adhérent ou de membre d’une association n’est pas exclusive de celle de préposé.

La préposition existe chaque fois que le sociétaire, loin d’agir de sa propre initiative, exerce une activité subordonnée aux instructions de l’association ou de ses dirigeants, ce qui est souvent le cas pour les membres d’associations cultuelles, caritatives ou humanitaires.

De même, lorsqu’un bénévole perçoit une contrepartie financière à son activité qui dépasse le montant de ses frais réellement exposés, ou encore une rémunération en nature, comme par exemple un logement, sa relation avec l’association peut être requalifiée en contrat de travail.
Amiens, 7 septembre 2022

Seconde condition : le fait du préposé

Le préposé doit avoir provoqué le dommage de manière fautive dans l’exercice de ses activités.

Exemple

Ainsi, à la suite d’un accident survenu à des enfants d’une colonie de vacances, ce n’est que si le personnel de cette colonie est en faute que la responsabilité de l’association organisatrice peut être engagée.

Inversement, en l’absence de faute d’une monitrice de ski, une association ne saurait répondre de l’accident survenu à des élèves skieurs.

Réserve de l’abus de fonction

Toute obligation de réparation est en principe exclue pour l’association commettante, lorsque le préposé a abusé de ses fonctions, et s’est placé lui-même en dehors du lien de préposition.

Mais les juridictions n’ont pas toujours des applications conformes à cette règle, et il est des exemples d’abus qui, curieusement, n’ont pas eu d’effet exonératoire pour l’association.

Exemple

Ainsi des violences volontaires exercées par le membre d’une association religieuse au cours d’une mission de prospection dont il était chargé, qui n’ont pas été considérées comme étrangères à ses attributions, et dont l’association a été déclarée civilement responsable.
Cour de cassation, 17 février 1983

Ainsi de l’abus de faiblesse imputé à la gardienne d’une résidence pour personnes âgées, dont les fonctions la mettaient régulièrement et quotidiennement au contact des pensionnaires, dans l'intimité de leurs chambres, ce qui a permis de considérer qu’elle n’avait pas agi hors des fonctions auxquelles elle était employée, et que l'association gérant la maison de retraite ne s'exonérait pas de sa responsabilité.
Cour de cassation, 16 juin 2005

Ainsi encore des viols et agressions sexuelles commis par le professeur de musique d’un centre de rééducation de jeunes aveugles et de jeunes sourds : parce qu’il avait trouvé dans l’exercice de sa profession, sur son lieu de travail, et pendant son temps de travail, les moyens de sa faute, il a été considéré comme n’ayant pas agi en dehors de ses fonctions, et l’association commettante a été reconnue responsable des dommages qu’il avait causés.
Cour de cassation, 17 mars 2011

Portée de la responsabilité : un avantage pour les victimes

La responsabilité qui pèse sur le commettant se veut à l’avantage des victimes, afin de les protéger contre l’insolvabilité du préposé.

L’association ne saurait donc s’en exonérer en prouvant qu’elle n’a pas commis de faute.

Au mieux, elle peut l’éviter :

  • en démontrant l’abus de fonctions,
  • ou encore, en établissant la force majeure, le fait d’un tiers, ou la faute de la victime elle-même.

En revanche, afin d’obtenir le remboursement de ce qu’elle a payé, l’association dispose théoriquement d’un recours contre son préposé, ce dernier restant par hypothèse fautif.

Mais la pratique démontre que ce type d’action est très rare.

3 - Responsabilité des associations cultuelles

Modifié par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, l’article 36 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat contient une hypothèse originale de responsabilité du fait d’autrui : il s’agit de la responsabilité civile des associations cultuelles du fait des infractions commises dans les immeubles affectés aux cultes.

Sont concernés : la méconnaissance de la publicité des réunions pour la célébration d'un culte (art. 25), l'outrage ou la diffamation d’un citoyen chargé d'un service public par un ministre du culte (art. 34), la provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique (35), et l'interdiction des réunions politiques (art. 35-1). Toutefois, il est fait exception à cette responsabilité si l’infraction a été commise par une personne non membre de l'association ou n'agissant pas à l'invitation de celle-ci et dans des conditions dont l'association ne pouvait avoir connaissance.