La participation d’un membre de l’association

Sylvie, présidente de son association, portée par son projet, a envie d’aller plus loin. Elle se verrait bien élue au conseil municipal de sa commune pour développer d’autres activités participant au développement de sa ville. Peut-elle le faire en toute légalité ?

Un dirigeant d'association peut être candidat et élu aux fonctions de conseiller municipal de la commune où l’association a son siège.

Toutefois, cette personne ne peut pas faire financer sa campagne électorale par l'association dont elle est le dirigeant, que ce soit par le biais de dons ou par la fourniture de biens, de services ou d'autres avantages à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués habituellement par l’association.
C. élect., art. L. 52-8, al. 2

Par ailleurs, le dirigeant d’une association ne peut pas utiliser le fichier des membres et prospects de l’association pour sa campagne électorale.

Les entrepreneurs de services municipaux ne sont pas éligibles dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois.
C. élec., art. L. 231

Les personnes chargées de façon régulière d’assurer un service communal sont donc inéligibles, même si l’activité est limitée ou la rémunération faible. Lorsque l’entrepreneur est une association, les personnes ayant un rôle prédominant en son sein sont également inéligibles.

Exemple

La notion d’entrepreneur de services municipaux

La notion fait l’objet d’une application rigoureuse de la part du juge. Ce dernier tient compte de l’activité exercée par la personne susceptible d’être qualifiée d’entrepreneur de services municipaux et apprécie la nature des fonctions exercées au sein de l’entreprise ou de l’organisme chargé du service municipal. En effet, l’exercice de fonctions salariées au sein de la personne morale ne suffit pas à qualifier une personne d’entrepreneur de services communaux, sauf s’il s’agit de fonctions de direction d’un rang élevé, de fonctions qui confèrent une indépendance et une autonomie de décision réelles ou s’il s’agit de fonctions d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance.

Exemple : En revanche, des associations gérant notamment une école de danse, ou bien encore la coopérative de l’école, bien qu'elles bénéficient de la part de la commune de subventions et de la mise à disposition gratuite de locaux, n'ont pas, compte tenu de leur objet et de leur mode de fonctionnement, la nature de services de la commune. Les candidats aux élections qui sont présidents de ces associations, ne sont pas des agents salariés de la commune et ne sont pas, du fait de leurs responsabilités dans ces associations, inéligibles.

CE 29 avril 2009, M. Q., req. n° 317232)

Plus généralement, les cadres et personnels proches ou relevant de l’exécutif du conseil départemental ou du conseil régional (directeurs de cabinet, directeurs généraux, directeurs, directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau) sont inéligibles en qualité de conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois.

Exemple

  • Une association dont le conseil d’administration et le bureau sont composés, en très grande majorité, de membres du conseil départemental et dont le financement est assuré, pour la quasi-totalité par des subventions accordées par le département, doit être regardée, malgré sa forme juridique, comme présentant la nature d’un service du conseil départemental. Ainsi, son directeur général tombe sous le coup de l’inéligibilité.
    CE, sect., 26 janvier 1990, Élections municipales de Chantilly, req. n° 108190
  • En revanche, si l’association est créée à l’initiative du conseil départemental, mais ne comporte pas majoritairement des membres du conseil départemental et que son financement n’est pas assuré par les seules subventions du département, elle n’est pas considérée comme un service du département. Dans ces conditions, son directeur n’est pas frappé d’inéligibilité.
    CE 21 juin 1996, Élections municipales de Senonches, req. n° 173809

De manière préventive, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique fait désormais obligation à certains élus locaux de procéder à une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts au président de conseil régional, de président de l'Assemblée de Corse, de président du conseil exécutif de Corse, de président de l'assemblée de Guyane, de président de l'assemblée de Martinique, de président du conseil exécutif de Martinique, de président d'une assemblée territoriale d'outre-mer, de président de conseil départemental, de président du conseil de la métropole de Lyon, de président élu d'un exécutif d'une collectivité d'outre-mer, de maire d'une commune de plus de 20 000 habitants ou de président élu d’un EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale : un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est un regroupement de communes ayant pour objet l’élaboration de projets communs de développement ou l’exercice de compétences communes) dont la population excède 20 000 habitants ou dont le montant des recettes de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d’euros, ainsi que les présidents des autres EPCI dont le montant des recettes de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d'euros.

En ce qui concerne les autres élus locaux, les conseillers régionaux, les conseillers à l'assemblée de Guyane, les conseillers à l'assemblée de Martinique, les conseillers exécutifs de Martinique, les conseillers exécutifs de Corse, les conseillers départementaux, les adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants et les vice-présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants et du conseil de la métropole de Lyon sont soumis à une obligation de déclarations lorsqu’ils sont titulaires d’une délégation de signature de leurs exécutifs respectifs.
Art. 11-I de la loi précitée

La déclaration d’intérêts doit notamment comporter les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ainsi que les autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts.

Les risques d’un conflit d’intérêts

Le conflit d’intérêts : définition

La loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique définit pour la première fois ce qui constitue le conflit d’intérêts en dehors de sa dimension répressive.
Article 432-12 du code pénal, voir infra

Un conflit d’intérêts est constitué par toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.
Art. 2 de la loi précitée

Attention

Le fait pour les élus soumis à la déclaration de situation patrimoniale et à la déclaration d’intérêts de ne pas déposer l'une d’elles, d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l'interdiction des droits civiques ainsi que l'interdiction d'exercer une fonction publique.

Le fait pour ces mêmes personnes de ne pas déférer aux injonctions de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission leur fait encourir un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.

Le conseiller intéressé

L’élu local membre d’une association s’expose à la qualification de « conseiller municipal intéressé » sanctionnée par le juge administratif.
Article L. 2131-11 du CGCT

Attention

La limitation du risque pénal issue de la loi « 3 DS » du 21 février 2022 (art. 217) et bénéficiant aux élus siégeant dans les organismes extérieurs ne concerne pas les élus siégeant dans des associations loi 1901 en tant que représentant de la collectivité.

Ce dernier considère, pour qu’il y ait illégalité des délibérations auxquelles l’élu a pris part, qu’il doit exister à la fois :

  • un intérêt personnel à l’affaire (c’est-à-dire un intérêt distinct de celui de la généralité des habitants de la commune),
  • et une participation de l’élu ayant eu une influence effective sur le résultat du vote (participation au débat ou à la rédaction du projet, présentation de rapport...).

Exemple

Dans quels cas existe-t-il un intérêt ?

  • Reconnaissance d’un intérêt.
    • Exemple 1 : Un maire, exploitant à titre professionnel d'une salle de danse, est personnellement intéressé à la résiliation du bail accordé à une association de loisirs organisant notamment des bals.
      CE 13 févr. 1987, Commune de Saint-Vivien de Monségur c/ Association Foyer rural de Saint-Vivien de Monségur, req. n° 70331
    • Exemple 2 : Un maire a un intérêt à la passation d’un bail portant sur un immeuble communal avec une association dont il était le président.
      CE 16 décembre 1994, Commune d'Oullins c/ Association « Léo Lagrange Jeunesse et Tourisme », req. n° 145370
  • Absence d’intérêt.
    • Exemple 1 : À propos d'une location de la chasse communale à une association de chasseurs, le conseiller qui a été auparavant adhérent et même dirigeant de l'association ne peut être considéré comme intéressé.
      CE 25 septembre 1992, Association de chasse les Tétras d'Hargnies et autres, req. n° 92676
    • Exemple 2 : La délibération d'un conseil municipal donnant un avis favorable à un projet de création d'une réserve naturelle n'est pas viciée par la participation de plusieurs conseillers, membres d'une association créée avant l'élaboration du projet et chargée de la gestion de la réserve.
      CE 17 novembre 1999, M. Riche, M. Madère et Association de défense des intérêts des habitants de Kaw, req. n° 196531

La prise illégale d’intérêts

Un élu local commet le délit de prise illégale d'intérêts en se plaçant dans une situation où l'intérêt de l'association qu'il dirige entre en conflit avec l'intérêt local qu'il a pour mission de défendre.

D’une manière générale, pour que le délit de prise illégale d’intérêts soit constitué, 2 conditions doivent être remplies :

  • l’élu doit avoir au moment de l’acte, la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle il a pris intérêt. La surveillance comprend des attributions telles que les missions de préparation, de proposition, de présentation de rapports ou d’avis en vue de la prise de décisions par d’autres personnes ;
  • l’élu concerné doit avoir pris, obtenu ou conservé un intérêt dans l’opération considérée. La notion d’intérêt est vaste. Il peut être constitué par la perception directe ou indirecte de bénéfices, ou d’avantages pécuniaires ou matériels y compris par personnes interposées (une société, un membre de la famille, un ami proche). Mais l’intérêt peut aussi être d’ordre politique, moral ou affectif. L’opération peut être l’attribution de travaux, un marché, une mission avec rémunération, une vente, une location, une subvention à une association dont l’élu est membre et a fortiori administrateur, etc.
  • Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire, peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus, pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services, dans la limite d'un montant annuel fixé à 16 000 euros.

    Bon à savoir

    Ce sont le maire et ses adjoints qui sont le plus étroitement surveillés par les tribunaux. Le maire ne peut s’exonérer de sa responsabilité, même s’il a accordé des délégations à ses adjoints car il a la charge de surveiller les affaires de la commune. Par ailleurs, la jurisprudence considère l’infraction de prise illégale d’intérêts constituée même si l'auteur n'en tire pas profit, même si la collectivité territoriale ne subit pas de préjudice, même si l'intérêt pris, reçu ou conservé n'est pas en contradiction avec celui de la commune et même si l’élu se borne à participer aux délibérations mais non au vote.
    Rép. min. n° 22605, JOAN 19 nov. 2013

    Attention

    L'appartenance d'un élu municipal à l'instance dirigeante d'une association, au-delà du risque de prise illégale d'intérêts, peut entraîner des situations de gestion de fait de deniers publics selon le degré de dépendance de l’association vis-à-vis de la commune.

    Conseil

    Les élus, en particulier les maires et leurs adjoints, doivent dissocier clairement et sans ambiguïté, leur mandat local et celui de responsable associatif.

    Afin d’éviter la condamnation pour prise illégale d’intérêts, l’élu devra veiller à ne pas avoir la direction ou le contrôle d’une opération susceptible de concerner sa propre association.

    Tout élu local, et a fortiori les maires et adjoints ayant pour délégation un champ d’activités dont relève l’objet social de l’association dont il est membre et à plus forte raison le dirigeant, doit donc veiller à ne pas participer aux procédures d’appel d’offre, et plus généralement à toute décision concernant un contrat public ou une subvention que son association souhaite obtenir, afin de ne pas être accusé d’octroi d’avantage injustifié.