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L’enjeu : le risque de requalification de la relation bénévole

Le bénévolat se caractérisant par la participation au fonctionnement ou à l'animation de l'association sans contrepartie, il est susceptible d'être requalifié en salariat dès lors que deux éléments sont cumulativement réunis : d’une part, l'exercice de l'activité « bénévole » dans des conditions révélatrices de l'existence d'un lien de subordination (élément déterminant de l’existence d’un contrat de travail) et d’autre part, la perception d'une rémunération excédant le strict remboursement de frais professionnels.

Il importe donc que les sommes versées au bénévole à titre de remboursement de frais ne puissent être analysées comme constitutives d’une rémunération, outre la caractérisation d’un lien de subordination. Il y aurait alors lieu de requalifier l’activité bénévole en activité salariée et l'ensemble de la réglementation du travail et de la protection sociale trouverait alors à s'appliquer : affiliation au régime général de sécurité sociale, paiement des cotisations dues au titre des rémunérations ou des avantages en nature versés et application des règles en matière d'accidents du travail. Par ailleurs, le défaut de déclaration préalable à l'embauche et le non-établissement des déclarations sociales et du bulletin de paie, peut être sanctionné pénalement au titre de l'infraction de travail dissimulé3.

Remboursement de frais ou avantages en nature ?

La pratique des avantages en nature en matière de bénévolat présente un certain nombre de risques. À titre d’exemple, citons ces deux bénévoles qui s’étaient trouvés victimes d’un accident alors qu’ils encadraient un stage en montagne. Le premier, logé et nourri pendant toute la durée du stage à l’exclusion de toute rémunération en numéraire, s’est vu appliquer le statut de salarié, les juges estimant que l'hébergement et les repas offerts à l'accompagnateur constituaient des avantages en nature susceptibles de constituer une « rémunération de l'activité enlevant à celle-ci son caractère bénévole »4. Le second, simplement défrayé de ses dépenses de nourriture et de logement pendant toute la durée du stage, a conservé la qualification de bénévole5.

Ainsi, en matière de bénévolat, la formule des remboursements de frais semble de loin préférable à celle de l’attribution d’avantages en nature au regard des risques de requalification encourus.

Frais remboursés : une pratique encadrée

Si, par définition, le bénévole ne doit pas s'enrichir dans le cadre de son activité associative, on admet qu'il puisse être défrayé des dépenses engagées pour le compte de l'association6.

Quelles dépenses peuvent faire l’objet d’un remboursement ?

Les frais personnellement engagés par les bénévoles peuvent faire l’objet d’un remboursement à la triple condition : de correspondre à des dépenses réelles ; d’être justifiées ; d’avoir été engagés pour les besoins de l’activité associative. Lorsque ces trois conditions sont respectées, les bénévoles ne sont pas imposables au titre des sommes perçues.

Attention

L’Urssaf n’est pas liée par la qualification donnée par les parties aux sommes versées. Ainsi, des sommes qualifiées « d'indemnités de déplacement » ou de « remboursement de frais » peuvent toujours être requalifiées en salaire si les conditions ne sont pas réunies.

En tout état de cause, le bénévole doit remettre à l’association une note de frais accompagnée des originaux de ses justificatifs (billets de trains, note de restaurant, factures...). La note de frais doit être la plus précise possible en faisant apparaître l’objet de la dépense, son montant, sa date, etc. L’absence de justificatif fait courir un risque réel de requalification du bénévolat en salariat. Il est conseillé à l’association de conserver les factures justificatives pendant au moins six ans7.

Bon à savoir

L'association peut s’abstenir de déclarer les remboursements de frais des bénévoles sur la déclaration annuelle des honoraires ou la déclaration sociale nominative dès lors que leur montant correspond à des dépenses dont l'administration est en mesure vérifier le caractère normal.

BOFiP-Impôts, BOI-BIC-DECLA-30-70-20 du 6 déc. 2017, n° 330

Quelles sont les modalités d’indemnisation ?

En principe, les frais engagés par le bénévole doivent être remboursés à l'euro près et sur présentation des pièces justificatives. Cette indemnisation peut avoir un caractère forfaitaire si l'approximation par rapport aux frais réels est suffisante. Cependant, sauf dans le cas précis des remboursements de frais kilométrique, l’indemnisation au forfait est déconseillée. En effet, en cas de contrôle de l'Urssaf, l’association devra être en mesure de prouver que les remboursements de frais correspondent bien à des dépenses réelles et justifiées. L’organisme pourra par ailleurs estimer que le montant d’indemnisation forfaitaire est anormalement élevé. Il est donc conseillé de se référer aux limites d'exonération fixées en matière de sécurité sociale, limites en deçà desquelles les allocations forfaitaires sont présumées utilisées conformément à leur objet.

Bonne pratique

Afin d’éviter tout dérapage ou malentendu, il est recommandé d’établir, par décision des instances élues, une doctrine interne fixant les règles applicables en la matière. Devront ainsi être définies : la nature des frais pouvant être remboursés ; le mode de calcul utilisé ; le plafond applicable, etc. Des règles différenciées peuvent être envisagées en fonction des catégories de membres bénévoles (étudiants, chômeurs, etc.). Ces règles pourront ensuite être intégrées au règlement intérieur de l’association.

Frais kilométriques : un régime spécifique

En raison de leur nature particulière, il est communément admis que les frais kilométriques du bénévole utilisant son véhicule personnel pour le compte de l’association puissent être remboursés sur la base d’un barème forfaitaire.

Quelles sont les modalités de remboursement des frais kilométriques ?

Jusqu’à récemment, un barème kilométrique spécifique aux bénévoles permettait de calculer le montant de l’indemnisation. Ce barème spécifique a toutefois cessé de s’appliquer et il s’agit désormais de se référer, au titre des revenus perçus depuis le 1er janvier 2022, au barème kilométrique applicable aux déplacements professionnels des salariés8.

Comment s’applique le barème ?

Ce barème est revalorisé chaque année9 et diffère selon le type de véhicule (motos, automobiles…), la puissance fiscale du véhicule ou de la cylindrée des vélomoteurs, scooters ou motos et le kilométrage total parcouru annuellement. À noter que pour les véhicules électriques, le barème est majoré de 20 %10.

Le barème ne dispense pas les bénévoles d'apporter la preuve auprès de l'association de la réalité et du nombre de kilomètres parcourus dans le cadre associatif. Les bénévoles qui peuvent justifier de frais réels supérieurs à ceux résultant de l'application du barème ont intérêt à les retenir pour le calcul de la réduction d'impôt.

Barème fiscal de remboursement des frais kilométriques applicable aux voitures pour les salariés et les bénévoles (barème 2023, année 2022)
Puissance fiscale jusqu’à 5 000 km de 5 001 à 20 000 km au-delà de 20 000 km
3 CV et &minnus; d × 0,529 (d × 0,316) + 1 065 d × 0,370
4 CV d × 0,606 (d × 0,340) + 1 330 d × 0,407
5 CV d × 0,636 (d × 0,357) + 1 395 d × 0,427
6 CV d × 0,665 (d × 0,374) + 1 457 d × 0,447
7 CV et + d × 0,697 (d × 0,394) + 1 515 d × 0,470
d : distance parcourue en kilomètres

Abandon de frais : réduction d’impôt à la clé

réunion équipe

Plutôt que de demander le remboursement des frais qu’il a personnellement engagés, le bénévole peut décider d’abandonner ces sommes à l’association et bénéficier en contrepartie d’une réduction d’impôt sur le revenu.

Quelles sont les conditions pour bénéficier d’une réduction d’impôts ?

Les frais engagés par les bénévoles doivent répondre à trois conditions pour ouvrir droit à la réduction d’impôt11 :

  • avoir été engagés strictement en vue de la réalisation de l’objet social d’une œuvre ou d’un organisme d’intérêt général au sens de l'article 200 du Code général des impôts (CGI) (association reconnue d’utilité publique, association cultuelle...) ;
  • être dûment justifiés et constatés dans les comptes de l’association ;
  • avoir fait l’objet d’une déclaration expresse par laquelle le bénévole renonce à leur remboursement.

Cette déclaration expresse de la part du bénévole peut prendre la forme d’une formule rédigée sur la note de frais. Par exemple : « Je soussigné(e) [nom et prénom de l’intéressé] certifie renoncer au remboursement des frais ci-dessus et les laisser à l’association en tant que don »12.

Focus : les associations sportives

Le bénévolat se caractérisant notamment par l’absence de contrepartie, les frais engagés par les joueurs pour la pratique d'un sport amateur ne donnent pas droit à réduction d'impôt dans la mesure où ils bénéficient d'une contrepartie : l'accès à un sport qu'ils ont choisi de pratiquer. En revanche, les frais engagés par les entraîneurs, éducateurs ou arbitres au titre de leur activité bénévole, ainsi que ceux supportés par les autres bénévoles de l'association, y compris les dirigeants, sont susceptibles d'ouvrir droit à l'avantage fiscal, par exemple pour les déplacements réalisés lors du transport gratuit des joueurs sur le lieu de leur activité sportive.

Rép. min. à M. Valax, JOAN Q du 19 mars 2013, n° 2118

Comment est calculée la réduction d’impôt ?

L’abandon de remboursement de frais est considéré comme un don d’un particulier. La réduction d'impôt afférente s’opère dans les conditions et limites prévues à l'article 200 du CGI.

Lorsque le non-remboursement profite à une ou plusieurs associations d’aide aux personnes en difficulté par la fourniture de repas, de logement ou de soin, les dons consentis par les particuliers ouvrent droit à une réduction d'impôt au taux de 75 % dans la limite de 1 000 euros13. Pour les autres associations, la réduction s’opère au taux de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable, étant précisé que les excédents (c'est-à-dire les sommes engagées au-delà de 20 % du revenu imposable) peuvent être reportés sur les 5 années suivantes14.

Bon à savoir

Pour l'appréciation des plafonds de versements, il est tenu compte de l'ensemble des dons, versements directs et abandons de revenus effectués au profit des œuvres ou organismes bénéficiaires, ainsi que des frais engagés dans le cadre de l'activité bénévole.

Chèque-repas des bénévoles

Une association peut attribuer à ses bénévoles exerçant une activité régulière dans le cadre de son objet social des titres spéciaux nominatifs de paiement, appelés chèques-repas du bénévole et destinés à acquitter tout ou partie des repas qu'ils prennent à l'occasion de leur activité associative15.

Comment fonctionnent-ils ?

La décision d'attribution de chèque-repas doit faire l'objet d'une délibération de l'assemblée générale de l'association. Un même bénévole peut uniquement recevoir un chèque-repas par repas compris dans le cadre de son activité journalière. L’utilisation de ces chèques-repas est limitée dans le temps et dans l’espace : sauf exception, ils ne peuvent être utilisés que les jours ouvrables et uniquement dans les limites du département où s’exerce l’activité ou dans les départements limitrophes. Contrairement aux titres utilisés par les salariés, les chèques-repas ne permettent pas l’achat de denrées alimentaires.

Quel est leur régime social et fiscal ?

La valeur maximale d’un titre est fixée, pour 2024, à 7,30 €. Le chèque-repas est entièrement financé par une contribution de l'association qui est exonérée de toutes cotisations et contributions sociales16. Pour le bénévole, l'avantage qui résulte de cette contribution n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu17.

Nouveauté : le chèque-repas dématérialisé

Les chèques-repas peuvent être émis sur support papier mais également, depuis le 7 décembre 2023, sous forme dématérialisée. Le régime des titres papier et dématérialisé est similaire, étant toutefois précisé que le bénévole bénéficiant de chèques-repas dématérialisés doit être en mesure d’accéder aux informations concernant le solde de son compte, la validité de ses chèques et leur valeur libératoire.

Décr. n° 2023-1135 du 5 déc. 2023, JO du 6

1 : L. n° 2022-1157 du 16 août 2022, JO du 17, art. 21.
2 : Décr. n° 2023-1135 du 5 déc. 2023, JO du 6.
3 : C. trav., art. L. 8221-5.
4 : Soc., 17 avr. 1985, n° 83-15.445.
5 : 1re Civ., 6 janv. 1987, n° 85-12.425. 6 : Rép. min. à M. Masson, JOAN Q du 25 juin 1984, n° 46584.
7 : CSS art. L. 244-3 ; LPF art. L. 102 B.
8 : CGI, art. 200, 1.
9 : Voir pour le dernier en date : Arr. du 27 mars 2023, JO du 7 avr., texte n° 4. La prochaine actualisation devrait intervenir au printemps 2024.
10 : CGI, annexe IV, art. 6 B.
11 : CGI, art. 200.
12 : BOFiP-Impôts, BOI-IR-RICI-250-20 du 12 sept. 2012, 240.
13 : CGI, art 200, 1 ter.
14 : Ibid., 1 bis.
15 : L. n°  2006-586 du 23 mai 2006, JO du 25, art. 12 ; Décr. n° 2006-1206 du 29 sept. 2006, JO du 30, art. 2.
16 : BOSS-Ass. gen-230.
17 : CGI, art. 81, 17°, f).

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