Une décision de la Cour d’Appel de Bordeaux précise le régime des biens acquis dans le cadre d’une délégation de service public.

Une commune confie à une association l’exploitation d’un cinéma d’art et d’essai par délégation de service public (DSP), avant de la reprendre en régie directe. Lors du règlement financier de la convention, l’association demande une certaine somme au titre des biens de retour, une autre somme constituant un reliquat de subvention consignée et, enfin, la restitution de ses biens propres.

Sur ce dernier point, faute d’avoir réalisé l’état des lieux contradictoire contractuellement prévu à la fin de la DSP, c’est un huissier qui fut chargé de dresser l’inventaire des biens meubles du cinéma, puis un second après que l’association eut récupéré certains biens et documents. Faute d’apporter d’autres éléments probants, les constats d’huissier doivent faire foi, et ceux-ci n’établissent pas les faits suffisants pour fonder l’accusation associative selon laquelle la commune aurait conservé plusieurs de ses biens.

Il est donc plus que recommandé aux structures placées dans la même situation de marquer spécifiquement les biens de toute nature leur appartenant, d’en conserver une liste à jour et de respecter les clauses conventionnelles, y compris en fin de contrat, quand les relations sont, on l’imagine aisément, plus crispées.

En l’espèce, le fait que la liste des biens dont la restitution était demandée ait fluctué entre la première et la seconde instance a fragilisé l’argumentaire, d’où l’importance d’un inventaire à jour et précis.

Profitant d’une opposition entre biens propres et biens de retour, la cour rappelle que, dans le cadre d'une DSP mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique. Les biens qui n'ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n'en disposent autrement.

Le juge constate que l’activité s’effectuait uniquement dans les locaux associatifs et, en conséquence, que le matériel cinématographique de plein air acquis par le délégataire, non indispensable à l’exploitation du service public en question, ne peut recevoir la qualification de bien de retour, la convention n’ayant en outre pas prévu de faculté de reprise.

Les magistrats scellent ensuite le sort des investissements effectués et non encore amortis : le préjudice lié au retour anticipé desdits biens dans le patrimoine de la collectivité ouvre droit à la perception d’une indemnité égale à la valeur nette comptable, diminuée de toute autre aide financière perçue.

Auteur

Juris associations pour le Crédit Mutuel